Pourquoi les télécoms et le numérique ont modifié le cours de l’histoire en Afrique?

Pourquoi les télécoms et le numérique ont modifié le cours de l’histoire en Afrique?

Article co-écrit avec Fanny Dauchez 

En Afrique, la croissance est largement tirée pour l’émergence des télécommunications mobiles

En dépit d’une situation continentale complexe faites d’inégalités criantes, d’instabilités politiques et sociales, du réchauffement climatique et des fragilités sanitaires, l’Afrique rencontre une croissance de plus en plus forte. Depuis plus de dix ans, elle est en moyenne à 5% par an. Comment peut-on expliquer cet essor? Des économistes proposent plusieurs hypothèses : le retour des diasporas formées en Occident, la stabilisation du système monétaire ou encore l’augmentation des revenus issus des matières premières. Pourtant, aucun facteur ne semble être aussi fortement déterminant que l’émergence des télécommunications mobiles. D’ailleurs, renforçant cette hypothèse, plusieurs études économiques (1) démontrent qu’à partir du moment où un pays en développement s’équipe massivement de mobiles, la croissance économique accélère considérablement, tirée par des gains d’opportunités qui deviennent massifs.

  Pourquoi cette révolution en Afrique plus qu’ailleurs? 

En Afrique, le téléphone mobile répond au manque cruel d’infrastructures et permet alors une explosion des gains de substitution que ce soit en terme de stockage, de transport, de distribution, de santé, d’éducation, ou sécurité.

En Ouganda par exemple, la production agricole a sensiblement augmenté grâce aux vertus de CKWs, un service gratuit, destiné aux paysans et accessible par SMS. Grâce à CKWs, tous peuvent accéder à des conseils agricoles (comment protéger les cultures lorsqu’un parasite envahit certaines zones du pays, comment arroser par temps chaud?). Le service peut également les inviter à récolter lorsque les conditions climatiques changent. CKWs les aide aussi à connaître les prix agricoles pratiqués sur les différents marchés de céréales, participant ainsi à une meilleure répartition entre l’offre et la demande.

 Pourquoi maintenant? 

Les prix des mobiles se sont effrités sans discontinuer et on estime que le coût de production d’un appareil de base est aujourd’hui de moins de 2 dollars, soit une baisse de prix de 99,8% par rapport à 1993. 

C’est dans les années 2013-2014, que l’industrie des télécoms répond enfin aux besoins du segment économique le plus pauvre de l’humanité: le milliard et demi d’habitants de notre planète dont les revenus sont inférieurs à 1,5 dollar par jour. Aujourd’hui, il y a plus d’abonnés au téléphone mobile qu’il n’y a d’être humains, certains d’entre nous ayant plusieurs abonnements.

Les infrastructures de télécommunication ont suivi le même chemin : auparavant coûteuse, nécessitant un niveau significatif de maintenance, voraces en énergies, celles-ci peuvent désormais être déployées en quelques jours sur de grandes étendues. Les plus récentes d'entre elles ne consomment plus que quelques pour-cents de l’électricité dont elles nécessitaient au début du GSM et leur maintenance peut être administrée à distance. On estime ainsi qu’aucune ville de plus de dix mille habitants n’est désormais à l’écart des réseaux de télécoms mobile.

Les smartphones: les nouvelles armes de cette révolution

Dès que les dernières zones blanches disparaissent, un nouveau tournant s'ouvre grâce à l’arrivée en vague des smartphones, aux fonctionnalités très évoluées.

Pour les pays développés, cette transformation est moins radicale car la vaste majorité de ce qu’il est possible de faire avec un smartphone nous était déjà familier grâce à nos ordinateurs personnels. A l’inverse, pour quatre milliards d’humains, les smartphones représentent le premier et principal moyen d’accès à internet. Le chemin qui a été parcouru en un peu plus de vingt ans pour le téléphone mobile devrait l’être en moins de cinq ans par les smartphones. En Afrique particulièrement, la croissance de l’usage des smartphones est spectaculaire : quasi inexistant il y a seulement 4 ans, on estime qu'il y aura 350 millions de smartphones en 2017 sur le continent.

Il s’agit d’une révolution dans l’accès aux biens, aux services et aux connaissances, qui doit être pensée sur le temps long de l’histoire de l’humanité! Par exemple, grâce aux smartphones, ce n’est plus uniquement quelques conseils qu’un médecin peut donner par téléphone à un malade, c’est, à terme, l’opportunité de pratiquer un meilleur suivi quotidien, une meilleure observance, avec la même efficacité que si le médecin était au chevet du patient. L’usage des smartphones a non seulement un impact très significatif sur l’accroissement du PIB mais aussi sur le développement (2). L’information, la production et la diffusion des connaissances deviennent totalement ubiquitaires, potentiellement décentralisées et partageables. En plus de bénéficier de conseils et de connaissances appropriés, les utilisateurs peuvent aussi devenir des contributeurs très significatifs de la création d’un bien-être collectif à travers ces outils.

Certes, on peut arguer d’une dés-humanisation liée au numérique, ou peut-être pire, d’une "trans-humanisation » ainsi que le promeut une certaine vision très sophistiquée des technologies, mais l’Afrique offre l’opportunité d’observer des potentiels d’émancipation, de développement humain et de croissance inouïs. L’histoire est en marche, courons.

@babgi & @Fanny Dauchez

(1) Global Mobile Tax Review, Deloitte. African Mobile Observatory GSMA

 (2) What Is the Impact of Mobile Telephony on Economic Growth?’ Deloitte 2012

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N oubliez pas qu ils ont eu la fibre optique avant l Europe.....si les états africains le voulaient ils pourraient sans aide être maîtres chez eux !

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Aurélien Duval-Delort

Founder and CEO @ Bizao, Payment Hub in Africa

7y

Oui l'Afrique a un potentiel de croissance important grâce aux technologies mobiles. Ce continent est un laboratoire passionnant où les business model traditionnels sont réinventés par de jeunes entrepreneurs. Mais tout n'est pas rose comme le montrent certains commentaires. L'accès aux technologies et à l'investissement reste difficile pour les startups, particulièrement en Afrique francophone. L'"afroptimisme" ne doit pas cacher ces réalités, qui nécessitent une action combinée public-privé à l'échelle locale et internationale. Côté public, on connaît les recettes, applicables même en France, mais si nécessaires en Afrique. Il faut simplifier les processus de création d'entreprises, réduire la pression fiscale sur la high-tech, attirer les investisseurs internationaux, donner de la visibilité aux champions locaux, former la jeunesse au monde digital. Côté privé, Orange souhaite être un acteur majeur de cette transformation digitale et a lancé un grand nombre d'initiatives dans ce sens: ouverture de ses plateformes aux développeurs, création d'incubateurs et d'accélérateurs de startups, lancement d'un fonds d'investissement. C'est une opportunité pour les startups comme pour les grandes entreprises. Plus d'informations sur https://partner.orange.com/africa-middle-east/

Monja Heriniaina RAJAONARISON

Responsable communication chez Institut d'Etudes Politiques Madagascar

7y

Initiative des opérateurs téléphoniques avec des impacts totalement imprévisibles. L'utilisation de facebook par les malgaches est un exemple qui mérite l'attention à plus d'un titre. J'espère que le levier de la téléphonie mobile transformera positivement les choses.

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