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Libération
Coup de sang

Des dirigeants, pas des parents

Contrairement à ce que certains politiques avancent, les Français n'ont ni besoin d'amour de leur part ni de voir en eux la figure d'un père ou d'une mère de famille. A nous traiter comme des enfants et des ados, ils s’exposent à deux risques : qu’on désire tuer le père et fuguer.
par Johan Hufnagel
publié le 23 mai 2016 à 17h32

Les propos sont anecdotiques, mais ils pourraient devenir inquiétants. A trois jours d'intervalle, une ­ancienne et une actuelle ministres sont sorties du jargon traditionnel de la communication politique. La première, Michèle Delaunay, ex-ministre déléguée aux Personnes âgées, regrettait, dans une passionnante enquête du Monde sur le rapport entre le chef de l'Etat et les anciens de son gouvernement, de ne pas avoir assez «donné des preuves d'amour» à l'électorat de gauche.

Ce lundi, c'est Najat Vallaud-Belkacem qui, sur France Culture, dessinait François Hollande en petit père du peuple  : «Je trouve qu'un responsable politique, et en particulier un responsable politique au sommet de l'Etat, qui préside aux destinées d'un pays, d'une certaine façon, il a un peu un rôle équivalent à ce que peut avoir un père de famille ou une mère de famille à l'égard de ses enfants.» Ah, voici donc le Français ramené à l'enfance, à la recherche du père, homme providentiel, ou des rois thaumaturges. Vite, un guide pour nous permettre de voir la lumière et l'intelligence de nos grands hommes / femmes !

Avec des «preuves d'amour» et le coup des parents, c'est une étape de plus qui est franchie dans l'infantilisation des Français. Jusqu'à présent, quand une loi est mal comprise, on disait dans les ministères qu'il fallait faire de la pédagogie. Genre  : on n'a pas trop suivi en cours, alors on va avoir droit à des cours particuliers, cancres que nous sommes. A un an de la présidentielle, il n'est pas trop tard pour conseiller aux dirigeants politiques de nous considérer comme des adultes. Les Français ne sont pas idiots et ils n'attendent pas de papa ou de maman, mais bien que les dirigeants du pays fassent de la politique et leur parlent de l'avenir de leur pays, éventuellement de celui de leurs enfants.

A nous traiter comme des enfants et des ados, à grand renfort de concepts gloubiboulguesques mi-Françoise Dolto mi-René Rémond, ils s'exposent à deux risques : qu'on désire tuer le père et fuguer. Le résultat des élections partielles de dimanche, avec une abstention record, devrait déjà les inciter à déclencher une alerte pour disparition inquiétante.

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