Publicité
Analyse

Et si l'avenir d'Apple passait par une petite orange ?

Confronté à la baisse des ventes d'iPhone, Apple cherche la parade. L'investissement de 1 milliard de dollars dans Didi Chuxing, le concurrent chinois d'Uber, doit lui acheter les bonnes grâces de Pékin pour se relancer sur ce marché clef. Mais c'est surtout un pas vers le futur de la firme : les services et l'automobile.

ECH22197034_1.jpg

Par Sébastien Dumoulin

Publié le 24 mai 2016 à 01:01Mis à jour le 6 août 2019 à 00:00

Sale temps pour Apple. Début avril, la firme à la pomme a enregistré son premier recul de chiffre d'affaires en treize ans. Tim Cook a beau mettre le paquet en R&D (4,9 milliards de dollars sur les six derniers mois, soit une hausse de 29 %), il apparaît de plus en plus difficile de trouver un successeur à l'iPhone, le plus gros succès de tous les temps pour un produit technologique. Alors que les ventes du téléphone ont commencé à décroître, tout comme celles de l'iPad, l'Apple Watch reste un produit de niche. Même la perspective du lancement de l'iPhone 7 plus tard dans l'année ne suffit plus à rassurer les investisseurs. Sur la pente descendante, Apple est régulièrement menacé de perdre sa couronne de première capitalisation mondiale -531 milliards de dollars - au profit d'Alphabet (maison mère de Google), qui le talonne de seulement 38 milliards.

Bref, si elle continue de se faire grignoter, la pomme risque de finir à l'état de trognon. Alors Tim Cook plante des graines, espérant voir pousser de nouveaux fruits. C'est du moins ainsi qu'a été compris son investissement de 1 milliard de dollars dans Didi Chuxing, le rival chinois d'Uber, annoncé la semaine dernière. Il est d'ailleurs amusant que, pour refleurir son verger, Apple ait choisi une start-up dont la raison sociale, Xi?ao Ju, signifie « petite orange » en mandarin.

Certains y ont vu un geste politique, en direction des autorités de Pékin. La Chine est en effet un marché clef, où l'effondrement des ventes d'Apple au dernier trimestre (-26 %) a précipité le déclin des revenus au niveau mondial. C'est aussi un marché très protégé, où les multinationales américaines se font régulièrement mettre des bâtons dans les roues et doubler par des géants locaux : Twitter avec Weibo, Amazon avec Alibaba ou Google avec Baidu. Apple ne fait pas exception. Le mois dernier, l'entreprise californienne a d'abord perdu un procès sur l'utilisation du nom iPhone par une entreprise locale, qui l'utilise sur des sacs en cuir et d'autres accessoires. Les autorités chinoises ont ensuite carrément interdit ses services de vidéos et de livres iTunes Movies et iBooks, lancés quelques semaines plus tôt. Enfin, le refus récent d'Apple d'aider le FBI à accéder au contenu de l'iPhone du terroriste de San Bernardino lui a peut-être valu la sympathie de la Silicon Valley, mais certainement pas de Pékin. Tim Cook, plus adroit qu'un Mark Zuckerberg médiatisant son footing place Tiananmen, a donc choisi de sortir le carnet de chèques pour amadouer le régime.

Mais on aurait tort de minimiser la portée de cet investissement en n'y voyant qu'une tentative de rabibochage politique. Il s'agit d'une première historique pour Apple. Jamais l'entreprise n'avait aligné une telle somme pour prendre une participation minoritaire dans une autre société technologique. Qui plus est dans une start-up qui brûle encore du cash. Même si, en février dernier, Didi assurait avoir atteint le point d'équilibre dans plus de la moitié des 400 villes où elle opère, les pertes de la start-up sur l'année dernière sont estimées à plus d'un milliard de dollars. Contrairement à Google, qui dispose de deux fonds d'investissement et prend régulièrement des parts dans des sociétés, comme Slack ou Uber par exemple, Apple a toujours préféré couver ses propres projets. Quitte à ne pas faire grand-chose de son impressionnante cagnotte de 233 milliards de dollars, qui dormaient jusqu'alors sous des cieux à la fiscalité clémente.

Publicité

Ce changement de stratégie financière répond à un virage industriel. Devant l'érosion de ses ventes de matériel, Apple s'imagine désormais un futur dans les services : iCloud, App Store, Apple Music, etc. Et Didi est un formidable levier pour déployer les solutions d'Apple, au premier rang desquelles sa solution de paiement Apple Pay, lancée en Chine en février. Un peu comme le rachat de la marque Beats avait servi de tremplin pour Apple Music, le partenariat avec Didi pourrait être utile pour accélérer la diffusion de Car Play, un logiciel qui intègre l'iPhone dans la voiture pour donner au conducteur des indications de direction, lancer la musique ou passer des appels.

A plus long terme, Didi est aussi un excellent poste d'observation. Avec 11 millions de trajets assurés chaque jour et 300 millions d'utilisateurs, la start-up détient un paquet d'informations sur les habitudes des Chinois, dont Apple pourra faire son miel. Pour imaginer ses futurs services bien sûr, mais aussi préparer son arrivée sur le marché de l'automobile autonome. Bien qu'il ne l'ait jamais reconnu officiellement, il est de notoriété publique qu'Apple travaille depuis deux ans sur le sujet, sous le nom de code « projet Titan ». « Nous nous amusons à appeler Apple "le cimetière de Tesla"», taclait Elon Musk en octobre en référence au débauchage de ses ingénieurs par la firme à la pomme. Face à Alphabet, qui a récemment commandé une centaine de monospaces à Fiat pour gonfler sa flotte de Google Cars, ou Uber qui commence à tester dans les rues de Pittsburgh sa propre voiture autonome, la bataille qui se prépare s'annonce épique. Si Tim Cook s'est décidé à faire usage de son fabuleux trésor de guerre, ce n'est certainement pas pour regarder ses concurrents faire des tours de piste depuis les stands. S'offrir un quartier de la « petite orange » constitue un premier pas. Apple pourrait bien mettre la main sur d'autres actifs vitaminés à court terme. Et officialiser que l'avenir du constructeur de l'iPhone est bien dans l'automobile.

Les points à retenir

Les ventes d'Apple ont enregistré leur première baisse en plus de dix ans au trimestre dernier. Le recul a été frappant en Chine.

Pour la première fois aussi, la firme à la pomme a pris une participation dans une autre société technologique, le rival chinois d'Uber, Didi.

Plus qu'un geste politique, il s'agit pour Apple d'un virage stratégique vers les services. Et d'un pas décisif en direction de la voiture connectée.

Journaliste au service High Tech Médias Sébastien Dumoulin

MicrosoftTeams-image.png

Nouveau : découvrez nos offres Premium !

Vos responsabilités exigent une attention fine aux événements et rapports de force qui régissent notre monde. Vous avez besoin d’anticiper les grandes tendances pour reconnaitre, au bon moment, les opportunités à saisir et les risques à prévenir.C’est précisément la promesse de nos offres PREMIUM : vous fournir des analyses exclusives et des outils de veille sectorielle pour prendre des décisions éclairées, identifier les signaux faibles et appuyer vos partis pris. N'attendez plus, les décisions les plus déterminantes pour vos succès 2024 se prennent maintenant !
Je découvre les offres

Nos Vidéos

xqk50pr-O.jpg

Crise de l’immobilier, climat : la maison individuelle a-t-elle encore un avenir ?

x0xfrvz-O.jpg

Autoroutes : pourquoi le prix des péages augmente ? (et ce n’est pas près de s’arrêter)

qfkr8v3-O.jpg

La baisse de la natalité est-elle vraiment un problème ?

Publicité