Pacte de responsabilité : «Ce n'est pas un pacte avec le diable», défend Sapin

Le ministre du Travail, défend le pacte de responsabilité en faveur des entreprises. Et il relativise le record d'impopularité de François Hollande.

Pacte de responsabilité : «Ce n'est pas un pacte avec le diable», défend Sapin

    Les mauvais chiffres du chômage digérés, Michel Sapin a fait voter haut la main la réforme de la formation professionnelle. Son crédit à une nouvelle fois payé. L'imperturbable ministre du Travail passe en revue une semaine mouvementée pour le gouvernement.

    Baisser le coût du travail et faire confiance aux entreprises avec le futur pacte de responsabilité. Cette nouvelle religion du gouvernement ne déboussole-t-elle pas une bonne partie de la gauche ?

    Michel Sapin. Je ne crois pas. Cela peut déboussoler certains idéologues qui croient que la richesse se crée en regardant tomber la pluie du ciel. Mais cela ne déboussole absolument pas le salarié et le syndicaliste. Que fait le syndicaliste ? Il défend son entreprise. Il sait que c'est au sein de l'entreprise qu'on va pouvoir créer une richesse supplémentaire et ainsi lui permettre d'avoir un emploi et une rémunération. Je sais que la France adhère à cette idée selon laquelle c'est en s'appuyant sur son tissu productif, PME et grandes entreprises mais aussi les commerces, les artisans et les TPE, qu'on peut créer de l'emploi et faire reculer le chômage. Et je ne pense absolument pas que la gauche se sente en opposition avec ce qu'on appelle dans un jargon incompréhensible la politique de l'offre. A condition d'expliquer les efforts nécessaires et qu'il y ait des contreparties sur la table, à condition de ne pas confondre l'entreprise avec le seul patron ou les seuls actionnaires, à condition que la redistribution des richesses produites soit juste !

    Quitte à « passer un pacte avec le Medef », comme l'affirme le patron de la CGT ?

    Ce n'est pas aux patrons que l'on fait un cadeau mais aux entreprises à qui l'on donne les moyens de créer des emplois. Thierry Lepaon fait son travail de syndicaliste. Je ne le critique pas. Mais je pense qu'il fait une erreur d'appréciation et même d'expression. Ce n'est pas un pacte avec le diable. L'entreprise est une communauté humaine dans laquelle il y a, avant toute chose, des travailleurs et des salariés. Il y a dans l'entreprise des intérêts différents qui, à un moment donné, peuvent converger dans un compromis gagnant-gagnant : c'est cela le dialogue social. Ã?a n'efface pas le conflit, ça permet de le dépasser. Et c'est de cela dont nous avons besoin aujourd'hui.

    Avec ce pacte, le crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE) sera-t-il maintenu ?

    La question est sur la table. Je me réjouis d'ailleurs que ce CICE que certains critiquaient semble provoquer aujourd'hui une adhésion quasi amoureuse. C'est maintenant que tous en voient les avantages réels. Quel que soit le mécanisme retenu, la volonté du président de la République, c'est qu'au total, CICE maintenu ou pas, la diminution progressive du poids des prélèvements sur le travail représente de l'ordre de 30 MdsEUR. L'équivalent de ce que coûtent aux entreprises, les cotisations dites famille ( NDLR : celles qui financent notamment les allocations familiales). C'est sans précédent. Le président de la République a dit que ce pacte devait être établi le plus rapidement possible. L'horizon, c'est celui du printemps, entre mars et juin.

    Quelles contreparties en termes d'emploi attendez-vous ?

    Donner un chiffre global -- méthode d'ailleurs utilisée par le Medef -- semble spectaculaire mais est peu opérationnel. Les mêmes qui portaient un million d'emplois comme pin's à la boutonnière (NDLR : Pierre Gattaz) nous disent aujourd'hui que ce n'est pas possible. Il faut choisir. On affiche ou on fait ? Moi, je pense qu'il faut moins afficher mais faire plus, et regarder plusieurs dimensions et pas une seule. Dans certains secteurs, l'enjeu, c'est d'éviter des destructions d'emplois. Dans d'autres, d'en créer le plus possible. Il faut que les engagements soient réels, mesurables et vérifiables. Le Premier ministre a souhaité que les partenaires sociaux se rencontrent pour en discuter entre eux.

    Cette semaine, la gauche a reculé sur la loi famille. Fallait-il céder aux manifestants ?

    La France affronte une période difficile. La société est traversée par des contradictions. Le gouvernement doit respecter les convictions des uns et des autres, que chacun est libre d'exprimer. Je ne parle pas de ceux qui ne respectent pas les principes républicains. L'antisémitisme, ce n'est pas une conviction, c'est un délit, le racisme aussi. Et quand le débat est exacerbé, que certains l'utilisent pour propager des mensonges et des rumeurs nauséabondes, comme celles qui ont poussé à retirer les enfants des écoles, c'est scandaleux. Donc, il faut faire très attention. Sortons du fantasme. Que chacun retrouve ses esprits. Le débat reprendra après. Mais ce n'est en rien un recul.

    Christiane Taubira est accusée d'avoir voulu évincer le procureur général de Paris, alors qu'elle a toujours vanté l'indépendance de la justice...

    Je vois que les orfèvres dans la mise en cause de l'indépendance de la justice depuis dix ans voudraient chercher des noises à la garde des Sceaux, qui est particulièrement vigilante sur cette question. Là encore, pur fantasme : attention à la désinformation !

    François Hollande peut-il continuer à gouverner avec une cote de popularité descendue à 19 % des voix dans les sondages ?

    Mais il ne s'agit pas de voix, précisément, ni d'élection. Celles-ci ont eu lieu, avec le résultat que vous connaissez. Tous les gouvernements de n'importe quel pays d'Europe se trouvent du point de vue de la popularité dans une situation difficile. Mais on ne gouverne pas aveuglé par les sondages de popularité.

    Cela peut-il expliquer ce virage à droite que certains dénoncent ?

    Mais quel virage à droite ? Il n'est absolument pas question de renier nos principes, nos valeurs, nos objectifs. La mise en oeuvre nécessite du pragmatisme, une gestion du temps aussi, avec parfois des temps morts, comme au basket, pour regrouper ses forces avant de reprendre un dispositif offensif. C'est ce que nous faisons. La gauche, en s'appuyant sur ses valeurs, doit mettre en oeuvre des politiques justes et efficaces. Celui qui préfère faire des moulinets dans le vide n'a qu'à rester éternellement dans l'opposition.