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Rémunération : le rappel à l'ordre du patronat français à Carlos Ghosn

+DOCUMENT – Dans une lettre confidentielle obtenue par « Les Echos », l’Afep-Medef pointe la double rémunération du PDG de Renault-Nissan et appelle le patron à la « mesure ».

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Le double PDG et le conseil d’administration de Renault sont sous pression

Par Maxime Amiot

Publié le 26 mai 2016 à 19:06

Les relations se tendent entre le patronat français et Carlos Ghosn. Dans une lettre envoyée au PDG de Renault et de Nissan le 19 mai 2016, et dont « Les Echos » ont obtenu une copie (lire ci-dessous), le haut comité de gouvernement d’entreprise (HCGE) de l’Afep-Medef, met directement en cause le montant de la rémunération globale du double PDG.

Ce document de deux pages livre le point de vue du patronat sur le rejet par les actionnaires de Renault (à 54 %) de la rémunération attribuée à Carlos Ghosn au titre de 2015. Une « première en France » rappelle le HCGE, qui a depuis fait couler beaucoup d’encre et conduit cette semaine les députés à voter un texte sur le sujet avec l’aval de Manuel Valls et Emmanuel Macron.

La « mesure » érigée en principe

Le HCGE n’avait publié qu’un bref communiqué le 19 mai. Sa lettre détaillée donne certes en préambule un « satisfecit » sur la structure même de la rémunération en question (fixe, variable, action de performance), qui reflète à la fois des résultats en hausse, et qui affiche dans le document de référence des « indications suffisantes » (objectifs, différents avantages...). Mais le ton se durcit ensuite.

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La rémunération des dirigeants doit tenir compte des réactions des autres parties prenantes de l’entreprise, et de l’opinion en général.

Le Haut comité regrette la trop grande « rapidité » avec laquelle le conseil d’administration de Renault a décidé de maintenir la rémunération contre l’avis des actionnaires. Surtout, il pointe sans fard le « montant global », source selon lui de l’opposition des actionnaires. Soit les 7,2 millions d’euros attribués à Carlos Ghosncôté Renault, mais aussi les 8 millions d’euros perçus chez Nissan. Le HCGE souligne que le code Afep-Medef érige la « mesure », comme un principe, et doit « tenir compte des autres parties prenantes de l’entreprise, et de l’opinion en général ».

L'ambiguïté du double statut

Le comité rappelle que les 7,2 millions constituent « l’un des montants les plus élevés attribués aux dirigeants des sociétés du CAC 40 ». Mais plus profondément, il milite pour une vision plus « exhaustive » du package de Carlos Ghosn, en intégrant celui de Nissan, soit 15 millions d’euros en tout. Selon lui, la polémique en cours provient de l’« ambiguïté » créée par le statut très particulier du dirigeant, à la fois aux manettes de Renault et de Nissan. De deux choses l’une, indique le HCGE. Ou bien Renault et Nissan sont deux sociétés « autonomes », et dans ce cas, il faudrait, selon le HCGE, justifier « soigneusement » comment, en terme de disponibilité, la direction « peut être exercée par une seule personne », afin de répondre aux critiques qui jugent que la rémunération de Renault équivaut à un mi-temps.

Ou bien, au vu des relations financières étroites entre Renault et Nissan, la performance du patron du groupe français est « indissociable » de celle du président de Nissan. Et dans ce cas, le conseil français doit raisonner sur « l’ensemble des deux fonctions », et donner des indications détaillées sur le package attribué chez Nissan, qui n’est pour l’heure pas détaillé en France. Un exercice nécessaire, insiste le HCGE, d’autant que la valeur des actions de performance attribuées à Carlos Ghosn chez Renault (4,2 millions) dépend étroitement de la contribution de Nissan aux résultats de Renault.

Demande de « mesures significatives »

Le HCGE s’invite ainsi sur un terrain miné : la gouvernance de l’alliance Renault-Nissan. C’est-à-dire le statut atypique d’une alliance dotée d’un même PDG rendu incontournable, au risque de brouiller les frontières entre ses fonctions chez Renault et Nissan. C’est sur ce terrain qu’ Emmanuel Macron avait croisé le fer l’année dernière avec Carlos Ghosn.

Nul doute que ce front commun ne sera pas du goût du double PDG, qui n’a jamais apprécié que ses actionnaires français, et en particulier l’Etat, s’immiscent dans ses affaires japonaises. Le HCGE demande que le conseil de Renault se réunisse « d’ici quelques semaines au plus tard » et « annonce des mesures significatives ». Le comité rappelle que la position de Renault aura des conséquences importantes pour « préserver le régime de régulation professionnelle » du patronat...

La lettre envoyée par le HCGE à Carlos Ghosn

Salaire des patrons, une polémique sans frontières

La question de la paie des PDG n’est pas une question franco-française. Elle se pose dans tous les pays occidentaux, rappellait cette semaine l’éditorialiste des « Echos » Jean-Marc Vittori dans sa chronique : Bob Dudley, chez le pétrolier britannique BP, Lloyd Blankfein chez la banque d’affaires américaine Goldman Sachs ou encore les dirigeants de l’allemande Deutsche Bank ont subi la semaine dernière l’opposition de leurs actionnaires. Et d’autres assemblées générales risquent d’être houleuses dans les prochaines semaines. Plusieurs grands fonds d’investissement, à l’image du fonds souverain norvégien, commencent à d’ailleurs à prendre position sur la question.

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