L’ONU reconnait officiellement que les Yézidis ont été et sont encore victimes d’un génocide de la part de Daesh
Une commission spéciale des Nations Unies chargée d'enquêter sur les crimes commis par Daesh contre les Yézidis en Syrie et en Irak a conclu que cette minorité est bien victime d’un génocide depuis l’été 2014.
“Le génocide a eu lieu et est toujours en cours”, a déclaré Paulo Pinheiro, président de la Commission d'enquête des Nations Unies. “Daesh a fait subir à chaque femme, enfant et homme yézidi qu’il a capturé les plus horribles des atrocités.”
Des dizaines de charniers ont été découverts dans la région de Shingal depuis que les peshmergas ont repris la ville à Daesh, le 13 novembre 2015. / Photo archives
Le rapport, daté du 15 juin 2016 et rendu public le 16 juin, rappelle que des milliers de femmes et de filles restent en captivité et sont souvent réduites en esclavage sexuel par le groupe terroriste. Les rédacteurs ont interrogé des centaines de survivants, de personnel médical, de journalistes, de contrebandiers, de chefs religieux et de jihadistes prisonniers des forces kurdes pour écrire ce document de 40 pages. Les conclusions sont sans appel: Daesh a commis un génocide, des crimes contre l'humanité et des crimes de guerre, contre les Yézidis en particulier.
“Daesh a cherché à effacer les Yézidis de la surface de la terre par les meurtres; l'esclavage sexuel, la réduction en esclavage, la torture, des traitements inhumains et dégradants et le transfert forcé causant des lésions corporelles et mentales graves. Le fait d'infliger des conditions de vie qui provoquent une mort lente; l'imposition de mesures visant à empêcher les enfants Yézidis de naître comme la conversion forcée des adultes ainsi que la séparation des hommes et des femmes Yézidis, tout cela est un traumatisme mental”, indique le rapport qui précise que “l’enlèvement des enfants Yézidis de leurs propres familles pour en faire des combattants de Daesh, en les coupant des croyances et des pratiques de leur propre communauté religieuse» est également un crime contre l’humanité.
Le génocide des Yézidis est maintenant reconnu par un large pan de la communauté internationale. A travers ce rapport, la Commission des Nations Unies rejoint ainsi le gouvernement des États-Unis, la Chambre des communes britannique, et le Parlement européen qui avaient déjà reconnu formellement les crimes de Daesh.
Les nations unies ont maintenant l'obligation morale et légale de faire cesser ces crimes par tous les moyens. En vertu de la Convention sur le génocide, les Etats sont en effet tenus de prendre toutes les mesures possibles pour prévenir ou mettre fin au génocide.
La Commission de l'ONU, dans son rapport, affirme qu'une enquête plus approfondie est nécessaire pour déterminer si, oui ou non, les nations, dont l'Irak et la Syrie, ainsi que la communauté internationale, ont rempli leurs obligations en vertu de la Convention sur le génocide. Une chose est sûre, le KRG et de riches Kurdes ont dépensé plusieurs millions de dollars pour exfiltrer des femmes Yézidies (http://lephenixkurde.tumblr.com/post/119061822502/le-krg-et-de-riches-kurdes-ont-dépensé-35)
La Commission s’interroge ainsi sur les circonstances du retrait des peshmergas de la région de Shingal (ou Sinjar, entouré en rouge sur la carte) quand Daesh a attaqué, le 3 août 2014. En outre, il n'y a pas encore d'informations disponibles concernant les mesures prises par les gouvernements de Syrie et d'Irak pour libérer les femmes et les enfants yézidis détenus par Daesh sur leur territoire.
Comment juger les coupables?
L’autre défi pour la communauté internationale est de savoir comment traduire les coupables en justice. La pierre d'achoppement est la compétence. "La Cour pénale internationale (CPI) est, à l'heure actuelle, le seul tribunal pénal international qui pourrait avoir compétence sur les crimes de Daesh contre les Yézidis,” indique l'ONU dans son rapport.
Pour que la CPI (ou TPI, tribunal pénal international, de La Haye) soit saisie, ce devrait être à l'un des Etats parties prenantes du dossier, l'Irak ou la Syrie, de porte plainte. Or, ni l'Irak ni la Syrie n’a ratifié le Statut de Rome, qui est le traité régissant la CPI.
La seule option de renvoi est donc une saisine par le Conseil de sécurité. Mais cette option a déjà échoué à propos de la Syrie après que la Russie et la Chine ont opposé leur veto sur cette question le 22 mai 2014.
L’ONG Yazda et Free Yezidi Foundation estiment de leur côté qu’il est possible de poursuivre des membres de Daesh à titre personnel pour peu qu’ils aient eux-mêmes participé au génocide. Certains auteurs individuels ont d’ailleurs été identifiés par la Commission des Nations Unies, qui indique avoir partagé les noms et les détails avec certaines autorités nationales.
Yazda et Free Yezidi Foundation font également valoir que l'identification des auteurs individuels du génocide n’est pas nécessaire dans les étapes préliminaires d'une enquête de la CPI, qui peut constituer un dossier spécifique sur la base d'abord d’une situation générale.
Pour l’heure, la CPI n'a pas répondu publiquement à cet argument et n'a pas encore officiellement ouvert d’enquête sur la question du génocide yézidi.
L’option d’un tribunal ad hoc, comme au Sénégal pour l'ex dictateur tchadien Hissène Habré
Une autre option lancée par la Commission des Nations Unies est la mise en place d'un “tribunal ad hoc pour poursuivre la myriade de violations du droit international commises pendant le conflit armé non international”.
À moins d'une option internationale, la Commission des Nations Unies estime que la justice pour la communauté yézide sera très probablement rendue dans les tribunaux nationaux. Il existe un précédent pour cela.
Le 30 mai, un tribunal spécial établi dans les tribunaux nationaux du Sénégal a rendu un verdict de culpabilité contre l'ancien dictateur tchadien Hissène Habré sur les accusations de crimes contre l'humanité, crimes de guerre et torture. Une solution similaire pourrait être trouvée en ce qui concerne la poursuite des dirigeants et des militants de Daesh.
Affaire à suivre.
Le rapport de l’ONU en anglais
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