BREXIT - La sortie du Royaume-Uni de l'Union européenne va-t-elle porter un coup fatal à la langue de Shakespeare sur le continent? Très usité à Bruxelles et au Parlement européen de Strasbourg, l'anglais fait partie des 24 langues officielles de l'UE. Mais à en croire certains responsables politiques français, ce statut devrait être remis en cause pour tenir compte du Brexit.
Dans la matinée de ce vendredi, le maire de Béziers proche du FN, Robert Ménard, a estimé que l'anglais n'avait désormais "plus aucune légitimité" à Bruxelles.
Le candidat à la présidentielle Jean-Luc Mélenchon, partisan d'une sortie des traités européens, a quant à lui réclamé que l'anglais soit retiré des langues de travail "du parlement européen".
A des degrés divers, tous les deux se trompent. Car le fonctionnement très complexe du multilinguisme des institutions européennes n'obéit pas au seul critère de l'adhésion ou du retrait d'un Etat-membre de l'Union.
24 langues officielles reconnues à ce jour
Les langues officielles de l'UE sont des langues de communication reconnues par les institutions. Aux origines de la construction européenne, lors de la création de la Communauté européenne du charbon et de l'acier (CECA) en 1951, on en compte quatre: le français, l'allemand, l'italien et le néerlandais. Ces langues officielles sont aujourd'hui au nombre de vingt-quatre, dont le bulgare, le danois, le croate et évidemment l'anglais. Au Parlement européen, tous les documents et les discussions doivent être traduits simultanément dans les 24 langues.
La langue officielle d'un Etat-membre ne devient pas automatiquement une langue officielle de l'UE (c'est le cas notamment du luxembourgeois). Cette reconnaissance s'effectue à la demande de l'Etat-membre. Si celui-ci se retire, sa langue peut l'être aussi, même si le cas ne s'est encore jamais présenté.
Le départ du Royaume-Uni ne devrait pas toutefois suffire à abolir l'usage de l'anglais à Bruxelles, contrairement à ce qu'estime Robert Ménard. Tout simplement parce que la langue de Shakespeare est une des langues officielles de l'Irlande et de Malte qui, eux, sont toujours membres de l'UE.
La proposition de Jean-Luc Mélenchon est plus subtile car l'eurodéputé vise non pas l'anglais en tant que langue officielle mais en tant que langue de travail. Pour faciliter la fluidité des échanges au sein de l'UE, certaines discussions menées par certaines institutions s'effectuent dans un nombre restreint de langages. Contrairement à ce qu'affirme le candidat à la présidentielle, ce n'est pas le cas lors des séances du Parlement européen (hormis pour les conférences de presse). En revanche, la Commission européenne dispose bien de trois langues de travail officielles: le français, l'allemand et l'anglais.
Evidemment lié au poids des Etats-membres, ce choix linguistique obéit aussi à des préoccupations pratiques ou à des traditions historiques. Les délibérés de la Cour de justice de l’Union européenne se font ainsi en français tout comme la plupart des discussions au sein de la Cour des comptes.
Alors même que le Royaume-Uni ne fait pas partie de l'Eurogroupe et a préservé sa souveraineté monétaire, la Banque centrale européenne s'est toujours exprimée depuis sa création uniquement en langue anglaise. Et ce non par égard pour Londres mais par souci de ne pas complexifier sa communication extrêmement sensible en multipliant les canaux de traduction.