Séville, Schumacher, Guadalajara, Maracana… il y a des noms, des lieux qui, dans la mémoire collective du football français, sont autant de plaies encore ouvertes. Si les Bleus et la Mannschaft ne se sont jamais rencontrés lors d’un championnat d’Europe, les images des trois défaites tricolores face à l’Allemagne en Coupe du monde (1982, 1986 et 2014), défilent en boucle avant la demi-finale de l’Euro 2016 qui opposera une nouvelle fois les deux équipes, jeudi 7 juillet, au Stade Vélodrome de Marseille.
Mais tous les affrontements franco-allemands n’ont pas connu une issue malheureuse pour les Bleus. La France et la RFA s’étaient affrontées lors de la « petite finale » de la Coupe du monde 1958, en Suède, un match qui permit à la France de parachever une épopée glorieuse en terrassant la Mannschaft tenante du titre (6-3) et à Just Fontaine d’établir un record qui ne sera probablement jamais égalé avec treize buts inscrits lors d’un même Mondial.
Ce 28 juin 1958, à Göteborg, devant plus de trente-deux mille spectateurs, la France livre un véritable festival offensif et s’impose six buts à trois au terme d’un match décousu, comme seul le « football d’antan » pouvait nous en offrir. Alors que l’Allemagne de l’Ouest, championne du monde en titre, panse les plaies de son élimination en demi-finale par la Suède, l’équipe de France est encore traumatisée par son élimination par le Brésil de Pelé, futur vainqueur de la compétition.
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Il n’est pas question, pour autant, de prendre ce match à la légère. Les remplaçants tricolores souhaitent participer au match dans l’optique d’honorer une sélection avec le maillot de l’équipe de France. Le sélectionneur Paul Nicolas s’y refuse et déclare qu’il alignera « pour ce dernier match la meilleure équipe possible parce que seuls les noms des trois premiers pays figurent au palmarès de la Coupe du monde ».
« JE NE PENSAIS PAS À MON RECORD »
« La quatrième place n’intéressait personne », confiait Just Fontaine au Monde, en 2014. Paul Nicolas reconduit donc son équipe type, à l’exception de Robert Jonquet et de Roger Piantoni, remplacés par Maurice Lafont et Yvon Douis. Emmenés par Kopa, Fontaine et Vincent, qui finiront dans le onze type de cette Coupe du monde, les Français, déchaînés, vont mettre au supplice une équipe allemande qui ne résistera pas plus d’une vingtaine de minutes.
« Les deux équipes voulaient absolument remporter ce match et se sont ruées à l’attaque », se rappelle Just Fontaine. Il y avait beaucoup d’espace, ça allait d’un but à l’autre. » Avant ce match, « Justo » compte neuf buts à son actif. Il inscrit le premier contre la RFA au quart d’heure de jeu. A la 27e minute, alors que le score est de 1-1, la France bénéficie d’un penalty.
Just Fontaine peut alors égaler le record de onze buts en une Coupe du monde du Hongrois Sándor Kocsis, établi lors de l’édition précédente. Mais le joueur de Reims laisse le soin au Madrilène Raymond Kopa de tirer, et de transformer ce penalty. « Je n’ai pas pensé une seule seconde à tirer ce penalty, assure-t-il. C’est Kopa qui était chargé de les tirer, nous voulions gagner ce match, et je ne pensais pas à mon record. »
« ON A CHANTÉ LES “COUILLES DE MON GRAND-PÈRE” »
Ce n’est que partie remise. Après une réalisation de Douis à la 50e minute, Just Fontaine inscrit trois nouveaux buts en seconde mi-temps, portant son total à treize, devenant ainsi le meilleur buteur de la compétition, ainsi que le plus prolifique en une seule édition. « Je marchais sur l’eau, glisse-t-il, un sourire dans la voix. Sur le dernier but, je suis parti du milieu du terrain. Ils ne m’ont pas revu. Sauf le gardien. » Un but qui viendra parachever cet éclatant succès tricolore.
Après le match, « une sorte de kermesse était organisée. Les Suédois nous ont fait monter sur l’estrade pour que l’on chante La Marseillaise. Mais comme nous ne connaissions pas bien les paroles, on a chanté Les Couilles de mon grand-père. Les Suédois n’y ont vu que du feu. » Autre temps, autres mœurs. De quoi remettre en perspective les polémiques qui ont pu exister ces dernières années sur La Marseillaise. Mais également donner du baume au cœur aux hommes de Didier Deschamps : la France peut battre l’Allemagne. La glorieuse équipe de 1958 l’a prouvé.
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