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Quand les livres électroniques mettent leurs lecteurs à nu

Le logiciel de la petite start-up européenne Jellybooks permet aux éditeurs de savoir si leurs livres plaisent vraiment.

Par Nicolas Madelaine

Publié le 7 juil. 2016 à 12:26

Recommander à ses amis « Une gêne technique à l’égard des fragments », de Pascal Quignard, plutôt que « Fascinée par un séducteur », de Sharon Kendrick, ne trompera bientôt plus personne. On saura que vous ou les lecteurs de votre catégorie lisent en moyenne trois pages du premier, quand ils dévorent le second en trois heures.

La petite start-up anglaise Jellybooks, fondée en 2011, a en effet mis au point un logiciel capable de recueillir ce genre d’informations. Et si les éditeurs sont un peu gênés d’avoir recours à cet outil, notamment vis-à-vis des auteurs qu’ils veulent choyer, il leur fournit des informations difficiles à refuser pour leur marketing.

Concrètement, Jellybooks distribue un ou deux livres électroniques gratuitement à des lecteurs potentiels, contre la permission d’y installer un logiciel qui va décrypter comment ils ont lu l’ouvrage, en combien de temps, quels chapitres ils ont sauté, le cas échéant à quel moment ils ont abandonné, etc.

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Les données recueillies automatiquement sont complétées par un petit questionnaire qualitatif en fin de lecture, demandant notamment si vous recommanderiez le livre en question. Lancé par Andrew Rhomberg, Andy Robertson et Jeff Abrahamson il y a deux ans après un concours d’innovation à Londres sponsorisé par l’éditeur Penguin, l’outil d’analyse de Jellybooks a déjà pour client la branche allemande de Penguin Random House, le numéro un mondial du secteur, ou encore Elsevier et Bonnier Group.

En général, un éditeur passe commande à Jellybooks pour qu’il étudie la réception potentielle d’une vingtaine de livres. « Les éditeurs français sont restés réticents pour l’instant, mais on discute », note au passage Andrew Rhomberg.

Les hommes et les femmes

L’outil Jellybooks est notamment utile juste avant la sortie d’un livre. « Pour les éditeurs, il est à ce moment-là difficile de renoncer à publier, surtout s’ils ont dépensé beaucoup d’argent pour avoir l’auteur dans leur écurie, explique Andrew Rhomberg.

Mais les données recueillies permettent de savoir si cela sera un hit ou un flop et donc de mettre des moyens sur d'autres livres ou de s’épargner des campagnes publicitaires coûteuses, par exemple avec de l’affichage extérieur, en optant pour des contacts plus directs et moins onéreux avec les lecteurs par le biais de salons. »

L’éditeur dispose également d’indications pour changer le titre ou la couverture. Il va sans dire que ces informations seront également exploitées pour la publication du prochain livre de l’auteur en question. Jellybooks, qui appartient à 90 % à ses cinq employés permanents, sert aussi après publication. Le FMI a ainsi publié un livre sur les crises rempli de renvois vers le Web et veut tester la propension des lecteurs à cliquer sur les liens puis à revenir vers l’ouvrage.

En tout cas, les premiers pas de Jellybooks permettent d’ores et déjà de tirer des conclusions instructives. Même si les échantillonages de lecteurs ne sont pas scientifiques, la valeur de Jellybooks tient à la clarté de ses conclusions, assure Andrew Rhomberg. Ainsi, les hommes savent-ils en moyenne dès la page 50 qu’ils aiment le livre et vont le finir, quand les femmes patientent jusqu’à la page 120.

Seuls 10% des lecteurs vont au bout de la plupart des livres de business

Celles d’entre elles qui sont âgées de 45 à 55 ans sont les plus difficiles à convaincre. Une information importante : c’est en effet lorsqu’il leur a plu qu’un livre a le plus de chances de devenir un best-seller, notamment parce qu’elles sont les plus promptes à partager leurs coups de cœur de lecture.

Jellybooks invite aussi les auteurs à la modestie. Seuls 10% des lecteurs vont au bout de la plupart des livres de business. Et si un roman fait plus de 50 %, c’est un succès, 75 % restant une proportion exceptionnelle. Au-delà du sens du livre, le vocabulaire et le style utilisés sont clés. « Les millenials aiment retrouver leur vocabulaire. Un livre ambitieux intellectuellement peut tout à fait réussir mais le style ne doit pas être chantourné, » constate Andrew Rhomberg.

Les maisons d’édition ne criant pas sur les toits qu’elles utilisent Jellybooks, Andrew Rhomberg ne veut pas révéler quels livres célèbres récents ont été lus assidûment ou non. Il confirme en tout cas que lecteur moyen est bien plus enclin à recommander le livre qui va le mettre en valeur, plutôt que le roman trash qu’il a consommé sans modération.

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