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Le (vrai) classement de l'Euro

Euro 2016dossier
A Libération, nous avons fait un autre classement de l'Euro. Celui qui ne prend pas en compte les points gagnés, mais notre subjectivité.
par Grégory Schneider, Rachid Laïreche, Quentin Girard et Ramsès Kefi
publié le 9 juillet 2016 à 10h47
(mis à jour le 9 juillet 2016 à 12h55)

L’Euro est presque terminé. Hormis pour les deux premiers, on a l’ensemble du tableau, qui donne une hiérarchie où le Pays de Galles se retrouve dans le top 4 européen et l’Islande, le top 8. A Libération, on propose, sur des critères discutables mais assumés, un autre classement, via d’autres prismes.

1. Allemagne. Des joueurs qui acceptent l'injustice – le péno transformé par Griezmann en demi – avec un tel détachement sont forcément des joueurs supérieurs. Qu'il vente, grêle ou pleuve, le footballeur allemand assume la possession du ballon, demande à ses défenseurs latéraux de jouer dans les trente mètres adverses et regarde l'adversaire de haut : respect.

2. Portugal. Des espoirs derrière la star. Tous les regards se tournent vers les pions de Ronaldo. De l'autre côté des strass, André Gomez, Renato Sanches ou Joao Mario. Des marmots qui taquinent le cuir sur la pelouse avec discipline mais facilité, sous le regard du coach, Fernando Santos, fervent catholique et saboteur. Résultat: le Portugal est finale.

3. France. Le feu et la glace, le désespoir qu'on a parfois lu dans les yeux d'Adil Rami après les matchs et les froides prestations médiatiques d'un Antoine Griezmann autopropulsé superstar. De quoi se plaint-on ? Le meilleur réalisateur de l'Euro (6 pions) est aussi froid devant le but.

4.Galles. Gareth Bale, le meilleur joueur de la compétition, évoluait avec un fermier en herbe, un chômeur de deuxième division anglaise comme partenaire d'attaque et des honnêtes découpeurs de Premiere league en défense. Le pire, c'est que pour le premier euro de l'histoire du pays, ils ont montré que c'était une vraie équipe capable de développer du jeu et leur victoire contre les starlettes belges en quarts de finale est tout sauf un hasard.

5. Italie. Le temps de remettre la Belgique à sa place (2-0), elle s'est occupée de l'Espagne, tenante du titre sur le même score. Mais il y a eu cette séance de tirs aux buts perdue face à l'Allemagne, qui rappelle que les temps ont changé en Italie, moins fournie en joueurs de classe : Zaza a foiré en se prenant pour une jument et Pellé en se faisant insulter par sa propre copine dans les tribunes.

6. Suisse. Le plus beau secret du championnat d'Europe : collectivement, la Nati est au football contemporain ce que Le Sacre du Printemps est à la grande musique et elle brûle toujours d'une rage existentielle qui n'appartient qu'à ceux qui ne comptent pas (la Suisse est le pays des instances du football, pas des footballeurs eux-mêmes) et qu'on regarde de haut quoi qu'ils fassent. Reste à trouver un type qui met les buts.

7. Croatie. Elle a tout donné au 1er tour, avec des phases de jeu qui frôlaient la perfection et qui donnaient envie de mettre le blé des allocations familiales sur cette équipe. Et puis, elle a croisé le Portugal, qui nous a rappelé que l'Euro n'était pas une sitcom et donc, que les beaux ne gagnaient pas toujours.

8. Pologne. Au grand jeu du «il faut jouer moche en attendant que l'adversaire se découvre», les Polonais sont des maîtres. On allait dire : des magiciens. Pas une situation offensive pour eux qui ne doive quelque chose à une glissade ou un oubli défensif invraisemblable, des Golgoths qui détruisent tout ce qui vole, marche ou rampe sans être capable d'assurer une passe à cinq mètres. La sélection polonaise est allée au bout de quelque chose.

9. Islande. Des types qui en prennent cinq (dont quatre en première mi-temps) lors d'un quart de finale tout en faisant une bringue à tout casser à leur retour au pays sont de fieffés illusionnistes. Ou des tout petits joueurs, finalement indignes de la ferveur populaire qu'ils ont suscité.

10. Espagne. «Il faut être réaliste, nous n'avons plus le même niveau.» La phrase est signée Gérard Piqué après la défaite face à l'Italie (0-2). Celle qui a régné sur le monde n'a jamais réussi à changer son rythme. La possession sans but et la fin d'une génération dorée. Du coup, les mots d'un confrère tournent en boucle dans notre tête: Chacun ses priorités.

11. Albanie. Première participation à un Euro avec un mental de vaillants à chaque fois, en dépit de la pénurie de talents, d'expérience et d'un groupe très compliqué (la France, pays hôte et le derby face à la Suisse, sorte d'Albanie bis). Une montée en puissance intéressante au fil des matchs. Elle redouble, mais avec la classe, comme un élève qui retape parce qu'il a commencé les cours fin novembre.

12. Hongrie.  Elle n'a jamais fermé le jeu (7 buts au 1er tour), avec un appétit particulier pour les lourdes frappes en dehors de la surface. Avec un gardien de 40 balais, vêtu d'un bas de pyjama genre prof d'EPS qui ne sait pas faire les exercices qu'il demande aux élèves. Kiffant sur la forme.

13. Eire. Peu habituée des récompenses, la sélection en aura au moins eu une pour ses supporteurs, décorés par la mairie de Paris pour leur attitude dans les stades et dans les rues, à tel point qu'on se demande s'ils n'étaient pas en service commandé pour le ministère du tourisme irlandais. Pour le reste, elle a battu l'Italie et c'est l'équipe qui aura fait le plus peur à la France en menant au score pendant 55 minutes. Jeff Hendrik, avec son combo «je fais des fautes à 40 mètres et je me tords de douleur au sol dès la 13e minute pour gagner du temps», a été un magnifique compétiteur.

14. Slovaquie. Quelques semaines avant l'Euro, elle bat l'Allemagne (3-1) en amical. Elle la recroise en huitièmes de finale et se prend un 3-0 très propre, quasiment sans en toucher une. L'Euro, un autre monde, même à 24 équipes.

15. Russie. Aligner les frères (jumeaux) Berezouski à 34 ans alors qu'on voyait déjà leurs sélections conjointes à 25 un signe de déclin du football russe confine déjà à la provocation. Mais quand on leur adjoint le vénérable (37 ans) Sergueï Ignachevich, qui ne prendra sa retraite que quand Poutine lui confiera un portefeuille ministériel, on franchit toutes les bornes. Le Mondial 2018 organisé là-bas s'annonce bien. Les supporteurs sont prêts.

16. Autriche. Son classement repose en partie sur le talent, la tignasse et le blaze de trapéziste toxicomane de Julian Baumgartlinger. Sur une projection aussi : les Autrichiens se sont foirés cette fois-ci, mais c'est un accident (on la suit depuis deux ans).

17. République Tchèque. Un point en trois rencontres, gratté grâce à des fumigènes tombés sur la pelouse à la fin du match contre la Croatie (2-2), qui ont déconcentré les plus forts et lui ont permis de revenir. Parole, ils étaient comme transcendés par la fumée et la lumière. Malheureusement pour elle, l'Euro n'est pas une rave.

18. Irlande du Nord. Sur le plan du jeu, cette équipe ne laissera aucune trace. Mais du côté des supporteurs, ce fut magnifique. Faire adopter comme tube de l'Euro une chanson sur un joueur qui n'a pas joué une minute, Will Grigg, cela confine au génie.

19. Turquie. Une défaite face à la Croatie (1-0), avec un défenseur qui se recoiffe sur l'action qui amène le but. Un match en mode «petite cueillette de chataignes en forêt» face à l'Espagne (comme des spectateurs) et forcément, la tartine qui va avec au bout (3-0). Ca fait beaucoup quand même.

20. Angleterre. Les coéquipiers de Wayne Rooney se sont inclinés en huitièmes face à l'Islande (2-1), en encaissant un but sur une touche. La lose depuis cinquante ans, avec cette fois-ci, un peu de chantilly et d'amandes effilées au-dessus.

21. Belgique. De compétition ratée en compétition ratée, la hype d'une équipe belge composée de joueurs surdoués tourne à la fête triste. L'histoire retiendra peut-être une gigantesque escroquerie. Lors de cet Euro, on a vu des stars rétives au moindre effort défensif gardant leur énergie pour attaquer. Comme s'ils avaient cherché à prendre chacun la plus grosse part du gâteau (les lauriers à venir) sans jamais envisager le foot sous un prisme collectif.

22. Roumanie. La délégation avait réservé l'hôtel jusqu'au 20 juin, lendemain de leur dernier match du premier tour contre l'Albanie : une défaite aux petits oignons (0-1, ça aurait pu faire 5) et ils sont rentrés au pays pile-poil. C'était moins une…

23. Suède. 0 tir cadré contre l'Eire (1-1) et contre l'Italie (0-1). Un but en tout, mais ce n'est même pas un coup de Zlatan Ibrahimovic - qui prend sa retraite internationale- puisque c'est un Irlandais qui l'a mis contre son camp. L'impression de voir les mêmes trombines, le même jeu, les mêmes limites, les mêmes remplacements, les mêmes coupes depuis notre naissance, peu importe l'année.

24. Ukraine. Deux joueurs, qui se haïssent puisque l'un a soutenu l'annexion de la Crimée par la Russie par le passé et que l'autre est contre, font face à l'assemblée en conférence de presse. L'entraîneur entre les deux. Les questions tombent, souvent un peu gênées. Des réponses courtes, elliptiques. Une défaite sans bavure (0-2) le 13 juin contre la faiblissime Irlande du Nord. L'Ukraine a régalé.

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