Scandales Barroso : circulez, y'a rien à changer !

Passage de témoin entre l'ancien président de la commission JM Barroso et le nouveau, JC Juncker ©Sipa - Denis Closon
Passage de témoin entre l'ancien président de la commission JM Barroso et le nouveau, JC Juncker ©Sipa - Denis Closon
Passage de témoin entre l'ancien président de la commission JM Barroso et le nouveau, JC Juncker ©Sipa - Denis Closon
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L'embauche de Jose Manuel Barroso chez Goldman Sachs et les "oublis" de Nelly Kroes sur ses liens avec des entreprises privées pendant son mandat de commissaire sèment le doute chez les députés européens. Pas à la commission qui a plaidé hier pour le statu quo et les règles actuelles.

Les parlementaires européens sont en session plenière en ce moment à Strasbourg. Parmi les sujets abordés, les conflits d'intérêt, à l'aune du cas Barroso. Toutes tendances confondues, les eurodéputés souhaitent un renforcement du code de conduite des commissaires.

"La passivité de Monsieur Juncker face aux scandales met en danger la légitimité de l'institution qu'il préside. Les affaires +Barroso et Kroes+ ont eu l'effet d'une bombe dans l'opinion publique", a lancé l'eurodéputée verte française Eva Joly.

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Petit rappel des faits. On a appris cet été le départ de l'ancien président de la commission européenne chez Goldman Sachs. Officiellement il n'y avait rien à redire puisque José Manuel Barroso avait quitté son mandat il y a plus de 18 mois et que selon les règles en vigueur (et d'ailleurs mise en vigueur de son temps de président), au delà de ce délai aucune formalité, aucune autorisation n'est nécessaire auprès de ce qu'on appelle le comité d'ethique ad-hoc. Je reviens sur ce comité à la fin du billet.

Suite à l'émoi suscité ici ou là, la médiatrice européenne s'est saisie de l'affaire à la rentrée. Emily O'Reilly est une ancienne journaliste politique irlandaise, élue par le parlement européen pour enquêter sur l'administration européenne et sa transparence. Sorte de gendarme de l'éthique, elle dit avoir appris le départ de Barroso chez Goldman Sachs par un texto de quelqu'un de son équipe puis par le Financial Times. Voir ici, un portrait d'elle par La Croix.

A la rentrée, elle a demandé à ce que cette commission éthique se prononce quand même sur le cas de Mr Barroso, dans un délai raisonnable, c'est à dire, précisait elle d'ici quelques semaines et non quelques mois. Voir ici tous les documents qu'elle a échangé à ce sujet. C'était le 11 septembre, depuis rien, on va donc bientôt pouvoir compter en mois…

Parallèlement, l'actuel président de la commission, Jean-Claude Juncker a demandé à José Manuel Barroso les termes de son contrat avec Goldman Sachs, mais on n'a pas non plus de nouvelles de ce côté là pour le moment. Or depuis hier 4 octobre, on en sait plus sur ce que la commission européenne compte faire pour limiter les conflits d'intérêt : cela se résume en 4 lettres: RIEN.

Tout va bien, selon Mr Moscovici

Aucun changement n'est prévu dans le code de bonne conduite européen, aucun, et c'est Pierre Moscovici le commissaire européen aux Affaires économiques qui l'a dit hier 4 octobre lors de son intervention devant le parlement européen.

"Les règles du traité du code de conduite sont fermes. La commission s'engage à les appliquer avec toute la rigueur nécessaire et en toute transparence".

Pourtant, des eurodéputés, toute tendances politiques confondues, espéraient que la durée de 18 mois, estimée suffisante pour passer du public au privé sans examen, soient allongée.

Dans le jargon anglophile, on appelle ça la "cooling off period", délai de réflexion, de refroidissement. Le problème, justement, c'est qu'au bout de 18 mois, les contacts que peut avoir un ancien commissaire européen ne sont pas "froids". Des personnes qu'il ou elle connait personnellement peuvent toujours occuper des postes clefs.

Quant aux textes de loi, directives ou autres, ils mettent plus de 18 mois à aboutir, et l'ancien serviteur de l'intérêt public peut donc détenir des informations stratégiques bien utiles à son nouvel employeur privé. Si on prend la directive REACH qui encadre l'utilisation des produits chimiques dans l'Union européenne, il s'est passé 8 ans, entre les premières réflexions et l'adoption de la directive en 2006.

Entre 18 mois et 8 ans, peut être y aurait-il un entre deux à trouver? Mais j'ai presque envie de dire que cette discussion est accessoire, car ce qui compte c'est que le fameux comité ad-hoc qui se prononce sur ces passages au privés soit exempt de tout soupçon, ce qui n'est malheureusement pas toujours le cas.

Conflit d'intérêt à tous les étages

C'est passé plus inaperçu que l'affaire Barroso, mais il y a trois ans, la commission européenne avait nommé à la tête de ce comité, un ancien haut fonctionnaire, qui par ailleurs était aussi avocat pour un grand cabinet comptant parmi ses clients des entreprises de tabac. Or les cabinets d'avocats proposent aussi des services de lobbying auprès des institutions publiques, comme l'UE.

Après un long combat, la médiatrice a obtenu son départ... Les eurodéputés ont d'ailleurs également demandé que soit revu le processus de nomination de ce comité ad-hoc, dont vous trouverez la composition ici.

Cet exemple pour vous montrer que le cas Barroso n'est que la pointe de l'iceberg, la moins dangereuse, puisqu'on la voit.

Aujourd'hui 5 octobre les parlementaires européens vont discuter avec la commission d'un autre sujet de transparence, sur l'encadrement des lobbys et de l’extension du registre dans lequel ils doivent s'enregistrer. Ce sera intéressant de voir, si eux aussi sont prêts à plus de transparence et d'éthique en leur sein.

Ce sera le sujet du billet économique demain. Il sera notamment question du problème des avocats sur lequel alerte aussi cet excellent article sur les récents conflits d'intérêt.

Marie Viennot

L'équipe