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Ils sont passés où, les extraterrestres ?

Le radiotélescope géant récemment mis en service par les Chinois relance la course à la recherche d’hypothétiques civilisations extraterrestres. Un espoir renaît avec la découverte des exoplanètes.

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Le radiotélescope Fast mis en service le 25 septembre par la Chine couvre l’équivalent de 30 terrains de football. Une immense oreille tendue vers le ciel profond au cas où une lointaine civilisation nous enverrait un signal...

Par Yann Verdo

Publié le 8 oct. 2016 à 12:00

Depuis que le programme SETI de recherche d’une intelligence extraterrestre a démarré sous l’impulsion de l’astronome américain Frank Drake en 1960, il faut avouer que les résultats n’ont pas été au rendez-vous. Silence radio sous la voûte étoilée. Mais – et c’est toujours bon signe – voici que les Chinois s’y mettent. Le 25 septembre est entré en service dans la province du Guizhou, au sud-ouest du pays, le radiotélescope Fast (« Five-hundred-meter Aperiture Spherical radio Telescope ») qui, comme son nom l’indique, est une antenne circulaire de 500 mètres de diamètre. Ce qui surclasse l’observatoire d’Arecibo situé sur l’île de Porto Rico et exploité par l’université américaine de Cornell, jusqu’ici le plus grand radiotélescope du monde avec son antenne de 305 mètres. Celle de Fast couvre en surface l’équivalent de 30 terrains de football. Une immense oreille tendue vers le ciel pour – entre autres buts scientifiques, pas tous aussi spéculatifs – essayer de capter un signal qui nous viendrait d’une civilisation lointaine, ainsi que l’indiquait l’an dernier Wu Xiangping, président de la Société chinoise d’astronomie.

Echelle de Kardachev

L’une des difficultés auxquelles se heurtent les traqueurs d’extraterrestres est que, par principe, ils ne savent pas bien ce qu’ils doivent chercher. Les radiotélescopes tels qu’Arecibo ou Fast sont construits pour entendre d’éventuels messages émis dans le domaine des ondes radio. Mais ce pourrait tout aussi bien être un faisceau laser… Tout est a priori possible, l’essentiel étant que ce signal, quelle que soit sa nature, se distingue clairement du bruit de fond ambiant (notre environnement est saturé d’ondes électromagnétiques) et qu’il ne corresponde à aucun phénomène astrophysique connu, à l’instar du battement d’horloge d’un pulsar (une étoile à neutrons tournant très rapidement sur elle-même et émettant à intervalles réguliers une pulsation sous forme d’ondes radio, de rayons X ou de rayons gamma). « Il faut se méfier car le ciel, car c’est comme à la Samaritaine : il s’y passe toujours quelque chose », dit plaisamment Jean Schneider, de l’Observatoire de Paris-Meudon.

La captation d’un signal apparemment intentionnel et porteur d’information, tel celui détecté par Jodie Foster dans le film « Contact », serait le jackpot. Mais il est plus probable que ce que détectent un jour nos instruments soit ce que les spécialistes appellent une « fuite technologique » : quelque chose qui soit l’analogue extraterrestre des lumières de nos villes, des ondes radio captées par nos antennes hertziennes, des bouffées d’énergie dégagées par nos essais nucléaires, etc. Un autre distinguo peut être fait entre signaux directionnels et non-directionnels. Un signal directionnel, donc délibérément envoyé vers nous (dans l’hypothèse où nous aurions été « vus » avant de « voir ») n’a pas besoin d’énormément de puissance pour aller d’une étoile à une autre et ne suppose donc pas une technologie beaucoup plus avancée que la nôtre. Les astronomes parlent de civilisation « Kardachev de type I », du nom du radioastronome soviétique Nikolaï Kardachev qui a proposé une méthode de classement des civilisations selon leur consommation énergétique - le premier barreau de l’échelle étant les civilisations exploitant l’énergie disponible sur leur planète. Beaucoup plus énergivore serait un signal émis dans toutes les directions. Celui-ci ne pourrait être le fait que d’une civilisation Kardachev de type II, exploitant l’énergie de son étoile. Mais un tel signal aurait évidemment beaucoup plus de chances d’être détecté par une forme d’intelligence nichée dans une galaxie ou une autre.

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Si les écoutes SETI n’ont pour l’instant rien donné, c’est que, il faut bien le dire, elles ont été menées jusqu’ici au petit-bonheur-la-chance. « Commençons par chercher là où la vie – du moins la vie telle que nous la connaissons sur Terre, basée sur la chimie du carbone – a quelques chances d’apparaître. C’est-à-dire vers les étoiles dotées d’exoplanètes », préconise avec bon sens Jean Schneider. Une étude française datant de 2012 estimait à 1,6 le nombre moyen de planètes par étoile dans notre propre galaxie. La Voie lactée comptant au bas mot 100 milliards d’étoiles, cela nous fait donc quelque 160 milliards de planètes rien que dans notre petit coin d’univers. Et si ne serait-ce que 1% d’entre elles sont situées dans la zone d’habitabilité (ni trop près ni trop loin) de leur étoile, on se retrouve quand même avec 1,6 milliard de mondes susceptibles d’héberger la vie…

Interférométrie spatiale

Ces chiffres donnent de l’espoir à tous ceux qui rêvent que nous ne soyons pas seuls dans l’univers. D’autant que le compteur du nombre d’exoplanètes détectées s’affole – il s’établissait fin août à 3.516. Bien que, en l’état actuel de notre technologie, la quasi-totalité d’entre elles soient beaucoup trop loin pour que nos instruments puissent déceler autre chose que leur simple présence (et aussi, grâce à la spectroscopie, la composition de leur atmosphère), il n’en sera pas toujours ainsi. D’autant que, divine surprise, le 24 août dernier a été révélée l’existence d’une exoplanète qui pourrait être recouverte d’un océan autour de Proxima du Centaure, l’étoile la plus proche du Soleil, située à « seulement » 4,2 années-lumière. Les progrès de l’interférométrie, ce procédé qui consiste à combiner les images perçues par deux miroirs éloignés l’un de l’autre et ainsi de démultiplier le pouvoir de résolution, vont dans les décennies qui viennent nous permettre d’en savoir plus sur les exoplanètes de la cinquantaine d’étoiles les plus proches (à moins de 15 années-lumière). « Un calcul simple montre que, avec deux miroirs envoyés dans l’espace et séparés de 10.000 km, on pourra voir des détails d’une taille de 100 km sur Proxima Centauri b [l’exoplanète détectée autour de Proxima du Centaure, NDLR]. Ce sera fait d’ici à la fin du siècle », assure Jean Schneider.

Et l’interférométrie spatiale, quand elle sera bien maîtrisée, n’aura aucune raison de se limiter à un écart de 10.000 km. On ose à peine imaginer quelle fantastique résolution sera obtenue avec deux miroirs distants de 300.000 km (la distance Terre-Lune), voire de 600 millions (la distance Terre-Jupiter). D’ici quelques décennies, l’homme, s’il s’en donne la peine et surtout les moyens, sera doté d’instruments capables de voir à la surface de mondes extraordinairement lointains. Pour y déceler – qui sait ? – les lumières de villes ou le dessin de routes bâties par une autre civilisation que la nôtre ?

L’équation E.T.

Après ses infructueuses tentatives d’écoute sur le radiotélescope de Green Bank (Virginie Occidentale) en 1960, Frank Drake aborde la question par un versant plus théorique : il s’attelle à fournir une première estimation mathématique du nombre probable de civilisations extraterrestres présentes dans notre galaxie. Il aboutit à l’idée que ce nombre, noté Nciv, est égal au produit de sept facteurs : c’est la fameuse « équation de Drake » qui aujourd’hui encore continue de faire couler beaucoup d’encre. Les trois premiers facteurs sont d’ordre astronomique : nombre d’étoiles se formant chaque année dans la Voie lactée, pourcentage de ces étoiles possédant des planètes, pourcentage de ces planètes gravitant dans la zone habitable, c’est-à-dire celle où l’eau, ce solvant universel, peut se maintenir à l’état liquide. Les trois facteurs suivants sont respectivement les estimations du taux de planètes habitables portant effectivement la vie, du taux de planètes habitées sur lesquelles cette vie est intelligente et, parmi ces dernières, de la fraction de celles sur lesquelles cette vie intelligente a donné naissance à une civilisation « communicante » – donc au moins aussi technologiquement avancée que la nôtre. Le septième et dernier facteur, qui est la durée de vie de ces civilisations, pèse très lourd dans la balance. Les premières étoiles riches en métaux (dites « étoiles de Population I »), pouvant donner naissance autour d’elles à des planètes, sont apparues il y a quelque 10 milliards d’années. Si l’on prend comme durée de vie moyenne d’une civilisation extraterrestre 10.000 ans – ce qui est grosso modo l’âge de la civilisation humaine –, le ratio 10.000 sur un milliard donne une chance sur 100.000 pour que cette civilisation existe actuellement (autrement dit, qu’elle n’ait pas déjà disparu il y a des milliards d’années). Régulièrement, des astronomes donnent leur estimation des sept paramètres de Drake. Dernière en date, deux Américains, Adam Frank et Woodruff Sullivan, sont arrivés à une probabilité minimale d’existence de un millionième de milliardième de milliardième. Quoi, il y en a que cela décourage ?

Yann Verdo

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