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Fondamental

Une équipe française perce les secrets de l'un des plus anciens parfums du monde

Les molécules chimiques responsables de l'odeur de l'encens étaient présentes en si faible quantité que jamais les chercheurs n'étaient parvenus à les identifier. C'est désormais chose faite.

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Gomme-résine d'encens

Gomme-résine utilisée pour faire de l'encens

©Société Albert Vieille

Bien que le produit soit connu depuis au moins 2000 ans, un parfum de mystère planait sur la composition exacte de l'encens. Pas celui des bâtonnets aromatisés ou des cônes que l'on utilise parfois pour parfumer les maisons, mais "l'oliban". Une gomme-résine exsudant de l'écorce des arbres Boswellia qui poussent dans les pays bordant la mer Rouge et le golfe d'Aden. C'est cette résine qui est brûlée de nos jours encore dans les encensoirs des églises. "Même si on en connait la composition, on ne savait pas jusqu'à présent quelle était la nature exacte des éléments chimiques qui constituent cette odeur si caractéristique", nous a expliqué Nicolas Baldovini, chercheur à l'Institut de Chimie de Nice.

Une quantité infime des composés chimiques

Une odeur venue du fond des âges puisque la composition de cette substance particulièrement utilisée à Rome dans l'antiquité (voir encadré en bas d'article) a traversé l'histoire. "Pal mal de preuves paléobotaniques montrent que la composition de l'encens n'a pas bougé depuis des siècles. L'analyse de marqueurs non volatiles très stables dans des restes de pots ayant contenu de l'oliban montrent que cette matière première de haute importance à l'époque était similaire à celle utilisée de nos jours", précise le chercheur. Et si cette substance a longtemps conservé son mystère, c'est parce que les composants chimiques qui contribuent à son odeur s'y trouvent en quantité infime. "Leur concentration est de 100 ppm (parties par million) dans l'huile et de 10 ppm seulement dans la résine. C'est rare d'avoir des composés aussi puissants", commente le chercheur. "On est donc aux limites de résolution des appareils actuels", poursuit-il. "D'ailleurs, nos premières analyses n'ont rien donné", raconte Nicolas Baldovini. L'équipe s'est donc lancée à la quête de l'aiguille dans la botte de foin.

Fractionnement chimique et reniflements

L'opération a consisté à fractionner les composants du parfum en les séparant via des chromatographies en fonction de leur point d'ébullition. À l'issue de l'opération, chaque composé chimique est alors matérialisé sur le chromatogramme par un pic plus ou moins haut en fonction de son abondance. Le nez des chercheurs a été mis à contribution durant le protocole. "Lorsque nous repérions l'odeur caractéristique de l'encens, nous faisions une marque sur le chromatogramme" détaille Nicolas Baldovini. L'objectif étant d'essayer d'attribuer un pic à l'odeur. Malheureusement, c'est dans une zone pratiquement plate que l'équipe a humé le fumet recherché. Pour rendre les molécules odorantes visibles aux appareils de mesure, les chercheurs ont donc dû recommencer l'expérience en partant d'un très grand volume d'huile essentielle d'encens de Somalie. Pas moins de 3 kilos, qui, au final, ont permis d'isoler un échantillon purifié d'environ 1 milligramme à peine. Et dans ce produit très concentré, les chercheurs ont enfin réussi à débusquer les molécules responsables de cette odeur: des acides (+)-trans- et (+)-cis-2-octylcyclopropane-1-carboxylique. Un nom barbare auquel on peut préférer celui "d'acides olibaniques". 

Les acides olibaniques identifiés par les chercheurs comme contributeurs de l'odeur caractéristique de "vieille église" dégagée par l'encens ©Angewandte Chemie International Edition

Ces travaux de recherche ont été publiés dans le magazine Angewandte Chemie International Edition le 4 octobre 2016. L'identification de ces composés volatils permet désormais aux parfumeurs de créer toute une nouvelle gamme de molécules odorantes. Avoir les aisselles qui sentent bon la vieille église est donc un rêve bientôt à portée de main.

La route de l'encens
Pendant 2400 ans, de 2800 av. J.C à 300 ap. J.C., de longues caravanes traversaient le désert du Sultanat d’Oman, au sud de la péninsule arabique, transportant la précieuse résine. Cette substance, connue pour ses propriétés aromatiques et médicinales, était à cette époque fort prisée des Romains. Ils en faisaient une consommation extravagante, car ils pratiquaient la crémation. Aussi, quand l’Empereur Constantin fit interdire les incinérations, ce lucratif commerce se mit à décliner. L'encens était également particulièrement prisé en Égypte où il était utilisé dans les rituels d'embaumement.
Bernadette Arnaud. Texte extrait d'un article de Sciences et Avenir daté de juillet 2000

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