LE SEXE SELON MAÏA
Snobisme : admiration inconditionnelle pour les opinions tenues pour distinguées. Mais comment pourrait-on être distingué, c’est-à-dire élégant, de bon ton, bien éduqué, illustre, hors du commun et éminent, merci le Larousse, quand le slip nous tombe sur les chevilles ? Rien n’est impossible, camarades. Et s’il est bien un domaine où le snobisme fait des ravages, c’est le sexe.
Commençons par les grandes lignes, celles de l’esprit de contradiction. Le snob sexuel veut ne rien faire comme tout le monde, parce que la masse a forcément tort : ainsi méprise-t-il le missionnaire du samedi soir, pas assez spécial, pas subversif… mais ce n’est qu’un début.
Etre snob, c’est haïr large. Parce que la sexualité est considérée comme une activité joyeuse, on la rendra sérieuse. Parce que la majorité bêlante y adjoint un stupide sentimentalisme, le snob se fera un point d’honneur à coucher sans passion – il déploiera des trésors d’énergie à s’ennuyer.
Parce qu’on a tendance à s’accorder sur la notion de plaisir, il y adjoindra de la souffrance. Parce qu’on préfère le confort de notre lit, il appréciera les lieux sordides. Parce que c’est plus pratique sans vêtements, il gardera les siens, de préférence solidement lacés.
Parce que la sexualité produit de la vie, il s’étendra sur la pulsion de mort à l’œuvre dans l’ombre – que lui seul est assez malin pour entrevoir. L’élitisme est à ce prix : s’enclaver donc exclure les autres. Nous. Les ploucs.
Thérèse d’Avila, idole pornographique
Le snob sexuel se veut initié (ce qui sous-entend que nous autres, malgré nos dépucelages et expérimentations, ne sommes initiés à rien). On repère ce discours à huit cents mètres, ou à treize centimètres, par son obligatoire mention du mysticisme.
Si quelqu’un vous parle de Thérèse d’Avila comme d’une idole pornographique, l’indicateur est sérieux – comme un pape. La snob-sexualité n’a de sens que transcendantale, communiante, vecteur aller-retour non pas seulement vers le divin (ce serait trop agréable) mais aussi vers les forces du mal, de la destruction, de l’anéantissement.
Le sexe renverra au magma originel, à notre nature fondamentalement malveillante et dont nous devons être sauvés. Il s’y joue forcément un combat, parfois une mise à mort de nos partenaires et de notre identité. Ce n’est pas gai ? Tant mieux. On n’est pas là pour rigoler.
Le second axe du snobisme le confirme puisqu’il s’agit d’une attirance, osons le mot, maniaque, pour la psychanalyse freudienne. Le snob couche toujours avec sa mère, mais aussi avec son père, ses ancêtres les Gaulois, le singe descendu de l’arbre, l’amibe : au moins a-t-il le courage de l’admettre, contrairement aux ploucs qui ont l’inconscience de forniquer de bon cœur.
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