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Crédit Agricole : la tentation du bon sens

Depuis son slogan « Le bon sens près de chez vous » en 1976, la communication du Crédit Agricole n'a cessé de coller à son époque.

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Par Véronique Richebois

Publié le 10 oct. 2016 à 01:01

« Mais je n'habite pas la campagne, moi. Je suis Noël Roquevert ! » L'interprète de l'inquiétant docteur Théodore Linz dans « L'assassin habite au 21 » est très énervé. Voilà qu'un conseiller lui propose, à lui, de devenir client... du Crédit Agricole, la banque des paysans. Certes, il s'agit d'un spot de pub signé Havas en 1970, mais l'irritation du comédien sonne juste : la banque créée en 1894 pour favoriser l'accès au crédit du monde paysan demeure encore synonyme de terroir.

Pourtant, en 1970, le Crédit Agricole achève sa mue et sa conquête des citadins. L'établissement bancaire accompagne la bancarisation des Français et les aide à financer leurs biens de consommation. Même si en 1976, Havas Conseil semble esquisser un pas en arrière : « Quand on vit longtemps au même endroit, au milieu des mêmes gens, on connaît mieux leurs besoins et on peut les aider », commente la voix off, qui suit un conseiller bancaire dans un marché, tandis que crépite le nouveau slogan : « Le bon sens près de chez vous. » Après Noël Roquevert, figure familière du Parigot de Montmartre, gros plan - à nouveau - sur le monde rural. L'aveu d'une erreur de communication ? Plutôt l'esquisse d'une série de prises de parole qui feront emprunter au Crédit Agricole tantôt la voie d'un discours inspiré de son ADN profond, où priment les valeurs de proximité, de bon sens et de solidarité, tantôt celle d'un discours institutionnel que justifie dorénavant sa taille : « En 2016, le Crédit Agricole est le premier groupe coopératif, le premier financeur de l'économie en France avec 21 millions de clients », détaille Nicole Derrien, la directrice de la communication du Crédit Agricole.

Mais bientôt surgissent les années 1980, règne de l'apologie de l'action, de l'entrepreneuriat... et de l'individualisme. « Pour qu'un rêve se réalise, un prêt, c'est possible », assure l'établissement bancaire, tandis que la caméra fixe en gros plan un yuppie fantasmant sur une grosse moto qu'il chevaucherait chemise ouverte, en plein désert. L'heure est à l'euphorie. Entre 2006 et 2010, le Crédit Agricole et son agence BETC diffusent le spot des conseillers bancaires dansant et chantant, clin d'oeil à peine subliminal au « Podium » réalisé par Yann Moix.

Voleurs, brigand !

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2010 : fin de séquence. Après la crise des « subprimes »... l'heure n'est plus à chanter sur les tables. La crise a bousculé la parole des banques. Il s'agit de restaurer le lien de confiance entre les établissements financiers et leurs clients. Apporter des preuves. « Parler vrai », s'engage en 2009 la BNP Paribas, là où la Société Générale préfère parier sur « L'esprit d'équipe », tandis que le Crédit Mutuel se présente comme « La banque à qui parler ». Le Crédit Agricole, lui, décide, avec BETC, de parler vrai.« Une campagne comme celle qu'avait signée en 1973 Daniel Robert pour la BNP - "Pour parler franchement, votre argent m'intéresse" - ne serait plus possible », constate Stéphane Xiberras, coprésident et directeur de la création de BETC, responsable d'un budget estimé à 50 millions d'euros brut. « Tous les tests indiquaient qu'il fallait redonner la parole aux Français. » Dans l'un des spots TV de la campagne de 2012, un véritable conseiller répond alors à un client ordinaire, « Voleur ? Brigand ? Ce sont des paroles que nous entendons souvent. »

Quatre ans plus tard, le plus gros de la crise d'image est passé. Mais le Crédit Agricole a retenu la leçon : « Plus question de raconter le monde merveilleux de la banque, résume Stéphane Xiberras. Nous devons être crédibles et parler d'entraide sans être infantilisant. » D'où la nouvelle signature de la rentrée 2016 - « Toute une banque pour vous » - mettant en scène de petits gestes de solidarité comme venir en aide à une petite fille qui, au milieu d'un ballet, a un gros, très gros trou de mémoire. Symbole d'une « solidarité bancaire » dont les consommateurs escomptent bien qu'elle ne se limite pas à une posture de communication.

Véronique Richebois

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