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Récit

En Israël, les velléités d'interdiction de la kippa de Marine Le Pen passent mal

La présidente du Front national entend proscrire tous les signes religieux ostentatoires dans l'espace public. Un aspect de son programme qui suscite des réactions dans l'Etat hébreu.
par Nissim Behar, à Tel-Aviv
publié le 18 octobre 2016 à 15h29

«Le Pen contre la kippa». C'est ainsi que le quotidien populaire israélien de droite Yediot Aharonot («Les dernières nouvelles») a titré son papier consacré à la promesse faite par Marine Le Pen d'interdire tous les signes religieux ostentatoires, y compris la kippa, dans l'espace public si elle devait accéder à l'Elysée en 2017. Certes, la présidente du Front national présente cette mesure comme un «sacrifice que ses compatriotes juifs peuvent comprendre», mais le message ne passe pas. Du moins, pas en Israël.

«Pas une fois mais des centaines de fois, Marine Le Pen a prétendu qu'elle n'a rien contre les juifs et nous avions plutôt tendance à la croire […]. Mais il y a un problème, un sérieux problème, écrit l'éditorialiste du journal, Noah Kliger. Puisqu'elle a tant répété qu'elle ne s'oppose pas au judaïsme, pourquoi veut-elle donc interdire la kippa ? Quel lien cette mesure a-t-elle avec le développement de l'islam en France ?»

«Noyau dur»

Dans un pays où le port de la kippa et du hijab dans la rue, ainsi que du burkini sur les plages, ne dérange personne, cette incompréhension est largement partagée par commentateurs des radios et télévisions. «Que cherche exactement Marine Le Pen ? Que cache sa proposition ? Et pourquoi met-elle sur le même pied des juifs porteurs de kippa pour prier à la synagogue et des musulmans qui utilisent leur religion à des fins politiques ou pour commettre des attentats ?», a interrogé un chroniqueur de Kol Israël (la radio publique). Le même a d'ailleurs rappelé qu'à l'occasion des élections présidentielles de 2012, la présidente du FN avait déjà exigé le retrait des signes religieux ostentatoires de la sphère publique, mais en affirmant que «la kippa ne pose pas de problème».

Selon Israël Hayom («Israël aujourd'hui»), un quotidien gratuit considéré comme le porte-voix de Benyamin Nétanyahou, «Le Pen a tenté ces derniers mois d'élargir sa base politique en s'adressant à un électorat plus centriste. La mesure qu'elle vient d'annoncer s'adresse donc au noyau dur de ses électeurs, qu'elle veut rassurer».

A Jérusalem, la proposition de la candidate du FN à la présidentielle a également recueilli un écho négatif dans la presse ultraorthodoxe, diffusée à des dizaines de milliers d'exemplaires, ainsi que sur des sites et des forums internet consultés par cette frange de la société. «Une mesure antisémite», peut-on y lire.

Pas la bienvenue en Israël

Quant aux Franco-Israéliens installés dans l'Etat hébreu et dont beaucoup portent la kippa ou se présentent comme des juifs traditionalistes, ils ne se privent pas d'exprimer sur les réseaux sociaux tout le mal qu'ils pensent de la mesure envisagée par le FN. «On a bien fait d'effectuer notre "alyah" ["montée" vers Israël, ndlr] avant que les fachos s'installent au pouvoir en France, parce qu'ils nous réservent le pire même s'ils prétendent le contraire pour obtenir notre suffrage», écrit l'un d'entre eux sur sa page Facebook.

«Dire aux juifs de France portant la kippa de la retirer revient à leur dire qu'ils n'ont plus leur place dans ce pays», estime pour sa part Meyer Habib, le député UDI de la 8circonscription des Français de l'étranger, qui a obtenu son siège grâce aux voix récoltées en Israël et exprime l'opinion de cet électorat.

En tout cas, la proposition de Marine Le Pen n’améliorera pas ses relations avec l’Etat hébreu. Certes, contrairement à son père, elle ne se verrait pas interdire l’entrée de ce pays si elle décidait de s’y rendre. Mais elle n’y serait pas la bienvenue. En tout cas, aucun élu de la majorité ou représentant officiel ne serait autorisé à la rencontrer. Ces derniers mois, son compagnon Louis Aliot, vice-président du Parti, et le député Gilbert Collard ont pourtant sondé le Likoud afin de savoir si la situation pourrait évoluer. En raison de la dernière prise de position de leur chef de file sur la kippa, tout porte à croire qu’ils ont dépensé leur énergie en pure perte.

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