Cet article vous est offert
Pour lire gratuitement cet article réservé aux abonnés, connectez-vous
Vous n'êtes pas inscrit sur Le Monde ?

Turquie : arrestation du rédacteur en chef du quotidien d’opposition « Cumhuriyet »

Plus de 10 000 fonctionnaires sont par ailleurs mis à pied.

Par  (Istanbul, correspondante) (avec Reuters)

Publié le 31 octobre 2016 à 06h46, modifié le 31 octobre 2016 à 19h52

Temps de Lecture 3 min.

Devant les locaux de « Cumhuriyet », à Istanbul, le 31 octobre.

La police turque a fait une descente, lundi 31 octobre à l’aube, aux domiciles de plusieurs journalistes du quotidien d’opposition Cumhuriyet. A Istanbul, le rédacteur en chef, Murat Sabuncu, a été arrêté. A Ankara, le journaliste Güray Öz a été interpellé. En revanche, les policiers n’ont pas trouvé chez lui Akin Atalay, le président du directoire, qui séjourne actuellement à l’étranger. Enfin, un célèbre chroniqueur du quotidien et journaliste, Kadri Gürsel, a été placé en garde à vue, selon l’International Press Institute, organisation dont il est membre.

Dans un texte intitulé « Nous ne nous rendrons pas » et publié sur son site, le quotidien affirme qu’il « mènera jusqu’au bout la lutte pour la démocratie et la liberté ». Treize mandats d’arrêt ont été émis contre ses journalistes, soupçonnés, selon le procureur d’Istanbul, de connivence avec deux organisations terroristes : le mouvement de Fethullah Gülen, accusé d’avoir fomenté la tentative de coup d’Etat du 15 juillet, et le Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK, interdit en Turquie).

Cumhuriyet (« République ») est un quotidien à faible tirage (52 000 exemplaires) mais très respecté en Turquie. Axé sur les valeurs républicaines transmises par Atatürk, il a fait sienne la défense de la laïcité, notamment en publiant, en 2015, les caricatures parues dans Charlie Hebdo. Le 6 mai, Can Dündar, l’ex-rédacteur en chef, ainsi qu’Erdem Gül, le correspondant du journal à Ankara, ont été condamnés, en première instance, à cinq ans de prison ferme pour avoir publié une enquête sur la livraison d’armes, par les services turcs, à la rébellion contre Bachar Al-Assad, en Syrie. Victime d’une tentative d’assassinat devant le tribunal ce jour-là, Can Dündar vit aujourd’hui en exil en Europe.

Recteurs nommés par Erdogan

Ces arrestations s’inscrivent dans le cadre d’un nouveau tour de vis déclenché samedi 29 octobre, le jour où la fondation de la République est célébrée dans toute la Turquie. Depuis le putsch manqué du 15 juillet, l’état d’urgence est en vigueur dans le pays, ce qui permet à l’exécutif d’agir sans entraves, sans passer par le Parlement, encore moins par les instances judiciaires, ravagées par les purges après l’éviction de plus de 4 000 magistrats.

Selon le nouveau décret publié samedi, environ 10 000 fonctionnaires ont été mis à pied, quinze médias ont été fermés, les droits des avocats ont été limités et les recteurs d’université seront dorénavant nommés par le président Recep Tayyip Erdogan. Les décrets précédents avaient permis, au nom de la lutte contre le « terrorisme », de limoger 100 000 fonctionnaires et d’arrêter plus de 30 000 personnes. Le dernier en date met donc à pied 10 131 personnes (dont 2 534 au ministère de la justice, 3 486 à l’éducation, 2 774 à la santé et 101 dans l’armée).

Le nouveau décret porte surtout un rude coup à l’exercice du métier d’avocat. Dorénavant, leurs conversations avec leurs clients soupçonnés de « terrorisme » seront enregistrées, la présence d’un gardien sera obligatoire, les documents écrits échangés devront être visés par les autorités. Si le juge l’estime nécessaire, les visites de l’avocat pourront être supprimées pendant six mois. Les partis d’opposition et les défenseurs des droits de l’homme reprochent au gouvernement de profiter de l’état d’urgence – prolongé jusqu’en janvier 2017 – pour museler toute forme d’opposition sous couvert de lutte contre le terrorisme.

Les quinze médias fermés samedi sont des médias kurdes connus, tels l’agence de presse Dicle et le magazine mensuel Evrensel Kultur. Dimanche 30 octobre, Gültan Kisanak et Firat Anli, les deux comaires de Diyarbakir, la « capitale » du Sud-Est à majorité kurde, qui avaient été interpellés quelques jours plus tôt, ont été inculpés pour « soutien logistique à une organisation terroriste ». Politiciens respectés, les comaires sont accusés, entre autres, d’avoir fourni des véhicules municipaux pour les enterrements de rebelles du PKK.

« Tout vient d’une seule personne. On nous traîne vers le régime présidentiel à poigne, comme un fait accompli. Il s’agit d’un abus du régime d’état d’urgence », a dénoncé la députée Lale Karabiyik, du Parti républicain du peuple (CHP, premier parti d’opposition au Parlement), à l’agence Anadolu.

Le Monde Application
La Matinale du Monde
Chaque matin, retrouvez notre sélection de 20 articles à ne pas manquer
Télécharger l’application

Le président Recep Tayyip Erdogan – qui a réitéré samedi sa volonté de rétablir la peine de mort – veut une réforme constitutionnelle, soumise au Parlement « dans les plus brefs délais », a annoncé récemment le premier ministre, Binali Yildirim. Comme le Parti de la justice et du développement (AKP), fondé par M. Erdogan, ne possède pas la majorité nécessaire au Parlement, un référendum pourrait être convoqué d’ici à avril 2017.

L’espace des contributions est réservé aux abonnés.
Abonnez-vous pour accéder à cet espace d’échange et contribuer à la discussion.
S’abonner

Voir les contributions

Réutiliser ce contenu

Lecture du Monde en cours sur un autre appareil.

Vous pouvez lire Le Monde sur un seul appareil à la fois

Ce message s’affichera sur l’autre appareil.

  • Parce qu’une autre personne (ou vous) est en train de lire Le Monde avec ce compte sur un autre appareil.

    Vous ne pouvez lire Le Monde que sur un seul appareil à la fois (ordinateur, téléphone ou tablette).

  • Comment ne plus voir ce message ?

    En cliquant sur «  » et en vous assurant que vous êtes la seule personne à consulter Le Monde avec ce compte.

  • Que se passera-t-il si vous continuez à lire ici ?

    Ce message s’affichera sur l’autre appareil. Ce dernier restera connecté avec ce compte.

  • Y a-t-il d’autres limites ?

    Non. Vous pouvez vous connecter avec votre compte sur autant d’appareils que vous le souhaitez, mais en les utilisant à des moments différents.

  • Vous ignorez qui est l’autre personne ?

    Nous vous conseillons de modifier votre mot de passe.

Lecture restreinte

Votre abonnement n’autorise pas la lecture de cet article

Pour plus d’informations, merci de contacter notre service commercial.