Budget : ce que coûtent vraiment les opérations extérieures

Un rapport du Sénat qualifie d'« insincère » la provision pour les Opex.

Bangui (République centrafricaine), mai 2015. Un véhicule blindé de combat d’infanterie en patrouille dans le cadre de l’opération Sangaris.
Bangui (République centrafricaine), mai 2015. Un véhicule blindé de combat d’infanterie en patrouille dans le cadre de l’opération Sangaris. LP/PHILIPPE DE POULPIQUET

    Le bras armé de la France lui coûte... un bras ! Carburant, munitions, primes... La guerre mobilise chaque année plus de 1 Md€ d'argent public. Mais, chaque automne, au moment de voter le budget de l'année suivante, le gouvernement ne met de côté que 450 M€ pour financer les opérations extérieures tricolores, les Opex.

    Alors que la France vient officiellement de mettre fin à l'opération militaire Sangaris en Centrafrique (lancée en 2013), la commission des Finances du Sénat alerte sur cette mauvaise habitude budgétaire. Le budget des Opex est « systématiquement dépassé de plus de 650 M€ », déplore ainsi le parlementaire Dominique de Legge (LR), dans un rapport récent.

    Sous-évaluation chronique

    Conclusion : « Le montant inscrit chaque année en loi de finances au titre du financement du surcoût des Opex est insincère. » Une analyse partagée par la Cour des comptes. « La dotation Opex [...] est fondée sur l'hypothèse d'interventions sur trois théâtres importants. Elle n'est pas conforme à la situation connue en 2014 et en 2015 », relève-t-elle dans le rapport sur le budget de l'Etat en 2015. Les Opex coûtent d'autant plus chers que l'« usure prématurée des matériels, liée aux phénomènes de surintensité et de suractivité, est imparfaitement comptabilisée », assure Dominique de Legge. La sous-évaluation chronique du « surcoût Opex » est d'autant plus inquiétante que la France n'a semble-t-il pas l'intention de réduire le rythme de ces interventions. « Nous allons gagner de l'argent en économisant sur Sangaris, mais nous allons en dépenser davantage en Irak, où l'armée s'est engagée au sol », souligne Jacques Gautier, vice-président de la commission de la Défense du Sénat. Bref, les 450 M€ de surcoût Opex inscrit dans le projet de loi de finances pour 2017 ne suffiront pas non plus. « Ce niveau était déjà optimiste. Il est désormais clairement irréaliste », estime ainsi Dominique de Legge.

    Comment est géré le dépassement ? Le financement des surcoûts non couverts par la dotation initiale est pris en charge par un effort interministériel. Pour éviter ce scénario de plus en plus fréquent et les douloureux gels de crédits qui y sont associés, Dominique de Legge avance une proposition simple : « Inscrire en loi de finances une provision Opex plus juste et plus sincère, fondée sur les montants constatés au cours des cinq dernières années. » L'idée semble cohérente, mais elle fait s'étrangler des membres de la commission de la Défense du Sénat.

    « En fait, il y a deux visions des Opex, explique Jacques Gautier. Celle des commissions de Finances du Sénat et de l'Assemblée, qui plaident pour l'orthodoxie budgétaire, et celle des commissions de la Défense du Sénat et de l'Assemblée, qui plaident pour le système actuel », synonyme de souplesse. Avec des crédits Opex mieux calibrés, il serait aussi plus compliqué pour la Défense de se tourner vers les autres ministères pour remettre au pot en cas de dépassement...

    Autre piste envisagée par le sénateur pour alléger leur poids : « Inciter nos partenaires européens à prendre davantage part au financement des opérations extérieures menées par la France ». Une « bonne idée » mais « il y a loin de la coupe aux lèvres », soupire un militaire qui rappelle l'intervention très solitaire de la France au Mali.