L'œuvre méconnue de Peter Blake, l'artiste derrière la pochette de “Sergent Pepper”

Il y a une vie après les Beatles. A 84 ans, l'auteur de la pochette du disque culte est également un peintre virtuose actuellement exposé à Paris.

Par Olivier Cena

Publié le 12 novembre 2016 à 15h30

Mis à jour le 08 décembre 2020 à 03h11

On parle assez peu en France de l'oeuvre de Peter Blake sinon pour rappeler qu'il fut en 1967 l'auteur (avec son épouse, l'Américaine Jann Haworth, souvent oubliée) de la pochette du disque des Beatles Sgt. Pepper's Lonely Hearts Club Band (1) . On précise aussi qu'en 1952 il inventa avec Richard Hamilton et Edouardo Paolozzi ce qui deviendra quelques années plus tard aux Etats-Unis le pop art. Mais Peter Blake ne s'est jamais laissé enfermer dans une catégorie. Il peint, colle, assemble, passe d'un genre à l'autre avec toujours la même verve caustique, le même enthousiasme, la même fraîcheur. L'Anglais aujourd'hui octogénaire a su conserver la candeur de l'enfance, qu'il allie à un humour très british, à un solide talent graphique et à un sens raffiné de la couleur.

Esprit surréaliste

De son oeuvre, en dehors de Sgt. Pepper, on connaît surtout les collages. Il s'y montre faussement nostalgique, emprunte les images à la presse, mêle les stars au peuple (les Américains, eux, auront tendance à mêler les stars aux stars) et n'oublie jamais de s'inscrire dans l'histoire de l'art. Dans la série des Demonstrations in a department store (1998), par exemple, avec une faconde graphique digne du débit verbal de Groucho Marx, sur un fond représentant un grand magasin dans les années 1920-1930, il colle une foule de personnages hétéroclites dont l'adjonction à cet univers élégant est, pour citer Lautréamont, « beau comme la rencontre fortuite sur une table de dissection d'une machine à coudre et d'un parapluie ». On y trouve aussi bien un Ecossais en kilt que des estampes érotiques japonaises, un cow-boy pratiquant le rodéo qu'un forgeron dénudé, petit clin d'oeil à La Forge de Vulcain, de Velázquez.

L'esprit surréaliste est donc très présent chez Peter Blake, mais mâtiné de drôlerie — et d'une irrévérence certaine. Ses sculptures-collages l'attestent. Sa série des Généraux (2012), des marionnettes ayant pour tête une boule de boulingrin et dont le plastron est orné de médailles toutes plus ridicules les unes que les autres (capsule de bière, penny exotique, rondelle de liège...), brocarde gentiment l'institution militaire. Blake ne médit jamais, il raille. Et quand il aime il loue. Ainsi certains de ses collages d'objets réalisés en 2010 célèbrent un artiste admiré : l'Allemand Kurt Schwitters ou le dessinateur américain Saul Steinberg. Blake porte sur le monde un regard amusé, parfois ironique et critique mais toujours débordant de tendresse (la série USA de 2013).

Et puis il y a le Blake peintre — ou les Blake peintres puisque l'artiste anglais brouille là encore toute classification en multipliant les genres. Il est portraitiste (surtout de ses enfants), miniaturiste ou illustrateur. Il est aussi (en 1996) peintre de natures mortes à la manière de Zurbarán, Melendez, Van Os ou Courbet — là, la touche est précise, le geste virtuose, le coloris délicat et la lumière savante. Enfin, tradition anglaise oblige, Peter Blake peint à l'aquarelle avec une dextérité remarquable. Et là, dans la suite (pour l'heure en cours) consacrée à la dernière pièce poétique que Dylan Thomas écrivit en 1952, un an avant sa mort, pour la radio (Under Milk Wood, traduit en français par Au Bois Lacté), aucune malice, aucun persiflage ne vient troubler la subtilité des couleurs (magnifique camaïeu de gris et d'ocres de Butcher Beynon's), l'intensité des regards (le mélancolique et rêveur Lord Cut-Glass) ou, dans une lueur nocturne, le reflet mouvant d'une barque sur l'eau sombre (TheBlack Dab-Filled Sea). La poésie sied à Blake. 

(1) Il a fait aussi des pochettes pour Clapton, Ian Stewart, les Who, Oasis...

Jusqu'au 26 novembre, galerie Claude Bernard, Paris 6e. Tél. : 01 43 26 97 07.

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