Huaqiangbei, souk pour geeks

Ici, les immenses affiches publicitaires accolées aux buildings ne mettent pas en avant un parfum, un film ou une marque de vêtements mais... des semi-conducteurs. Bienvenue à Huaqiangbei, dans les quartiers est de Shenzhen, véritable souk du hardware s'il en est. Un petit paradis pour geek, tendance bricoleur.

Dans ces dédales où, lorsque l'on n'est pas un habitué des lieux, il est ardu de trouver tant son chemin que son bonheur, des dizaines de bâtiments abritent des stands et des boutiques qui se répartissent parfois sur plusieurs étages. Dans ce folklore manufacturier, des câbles USB bariolés sont pendus en l'air, tels des étoffes, des salmigondis de batteries se succèdent d'étal en étal, des dizaines de types de puces et composants sont exposés sous verre comme des bagues dans une bijouterie. « De nombreuses boutiques sont en fait des devantures d'usine où ils vendent des échantillons. Une fois, je suis venu acheter 3 modules Arduino pour nos tests et le vendeur m'a tout de suite demandé si j'en voulais 5.000 ou 10.000 », narre Antoine Noël, qui vient souvent faire son marché ici pour le compte de sa start-up, Japet, hébergée chez l'accélérateur Hax, qui a ses locaux en plein coeur de Huaqiangbei. « Ca ne marche pas toujours très bien, mais ces modules Arduino vont coûter l'équivalent de 4-5 euros l'unité contre 40 en France », poursuit-il.

En boom discontinu depuis trente-huit ans, Shenzhen semble être une métropole constamment en travaux et Huaqiangbei en tête. « Avant qu'elles ne ferment en raison des travaux, il y avait de nombreuses boutiques de drones ici et des pilotes faisaient voler leur appareil au-dessus de la tête des passants pour attirer leur attention », raconte Antoine Noël. Barres à selfie, coques de smartphone, chargeurs : le consommateur lambda peut aussi trouver matière au shopping dans ce temple de la tech. Combien les écouteurs pour iPhone ? Le vendeur se saisit d'une calculatrice où il pianote 32 (yuans), soit 4,25 euros. « Copie », souligne-t-il, avant de préciser prestement : « Bonne copie ! »

Aucune vente à la sauvette

Plus loin, un iPhone 7 Plus se négocie pour 45 yuans, soit 6 petits euros. Un prix attractif à première vue, sauf que le modèle en question est une coquille vide sans aucun composant à l'intérieur. L'intérêt ? Peut-être un subterfuge permettant d'affirmer son rang social sans se ruiner, à condition toutefois de ne pas être démasqué par des yeux experts... Partout, Les contrefaçons pullulent sur les stands. Pourtant, l'endroit n'a rien d'interlope et aucune vente ne se fait à la sauvette. A quelques dizaines de mètres de là, on aperçoit d'ailleurs les boutiques officielles des géants de la tech et fabricants de smartphones qui n'ont en rien fait l'impasse sur ce quartier : Lenovo, Samsung, Asus, Oppo, Vivo, Huawei. Un absent de marque : Apple. Mais en plein coeur de Huaqiangbei s'étale une immense publicité pour l'iPhone 7. Et, en déambulant, on tombe sur deux échoppes, Chang et Coodoo, dont la devanture arbore la mention « revendeur officiel » à gauche du logo en forme de pomme croquée blanche. Même Apple semble s'être imprégné du pragmatisme à la chinoise.