Partager
Cerveau et psy

Dans la peau d'un schizophrène, l'expérience de réalité virtuelle

Le laboratoire Janssen a développé une application de réalité virtuelle avec Oculus rift permettant d'expérimenter les symptômes typiques d'une personne atteinte de schizophrénie. Une expérience très perturbante.

2 réactions
Extrait du scénario de réalité virtuelle mettant l'utilisateur dans la peau d'un schizophrène.

Extrait du scénario de réalité virtuelle mettant l'utilisateur dans la peau d'un schizophrène.

Janssen

Hallucinations auditives, paranoïa, confusion mentale… Les troubles psychiatriques dont souffrent les personnes atteintes de schizophrénie sont difficiles à appréhender par leur entourage. Ils peuvent ainsi conduire à un certain éloignement des proches. Or lutter contre l’isolement des malades est un enjeu important dans leur prise en charge. Mais, qu’il s’agisse de la famille, des amis, des collègues ou même des soignants, appréhender ces troubles que le malade vit dans sa chair est un défi parfois très perturbant. Pour sensibiliser cet entourage au vécu d'une schizophrénie, le laboratoire Janssen a développé une application de réalité virtuelle (VR) qui propose de se glisser dans la peau d'un patient. En enfilant un casque de VR Oculus rift, on se retrouve ainsi immergé à la première personne dans un scénario qui suit un malade sujet à des hallucinations auditives et des sentiments paranoïaques. Malgré des graphismes assez simplistes et l'impossibilité de "prendre le contrôle" du personnage comme la VR pourrait le permettre, il faut reconnaître que l'expérience est très perturbante. Elle laisse un sentiment de confusion, de mal-être, qu'on imagine assez fidèle à ce qu'expérimente les malades.

"Le boom de la VR est très récent" - David Travers, psychiatre au CHU de Rennes

Pour développer ce scénario, le laboratoire Janssen a fait appel au Dr David Travers, psychiatre au centre hospitalier universitaire de Rennes. "Les psychiatres connaissent très bien les nombreux symptômes qui peuvent être rapportés par les personnes schizophrènes. Je me suis fixé des objectifs pédagogiques visant à retranscrire des troubles comme les hallucinations et les sentiments paranoïaques bien sûr, mais aussi de faire ressentir des choses moins connues, comme la désorganisation quotidienne que ces troubles occasionnent", explique le médecin. "La réalité virtuelle est un dispositif assez incroyable. Quand Janssen m'a sollicité, je ne connaissais pas vraiment l’outil dont ils voulaient se servir. Le boom de la VR est très récent, et je ne me représentais alors pas très bien ce que ça pouvait donner", reconnait-il. "Au final, on parvient à faire remarquer certains symptômes assez subtiles, comme la confusion, ou les situations d'incompréhension générées par le stress, à des personnes qui n'ont pas l'expérience des professionnels. Ça m'a surpris."

Sciences et Avenir a fait visionner le film à Arthur, atteint d’une schizophrénie de type paranoïde depuis presque 10 ans, qui reconnaît que l'expérience est assez fidèle : "Je trouve cela plutôt concluant. Les voix dans la tête, les délires de persécution, l'aphasie, les quiproquos... Un seul bémol toutefois, le sujet malade, endormi et pas très vif, passe un peu pour un imbécile (la voix qui traîne, l'attitude dépressive...). Or nombre de malades s'estiment plus qu'ils ne valent, croient parfois avoir une mission, un rôle important. Tout cela n'apparaît pas du tout", regrette-il. De fait, les tendances mégalomaniaques font partie de l’éventail des symptômes de la maladie. Mais, comme le rappelle David Travers, "l'outil n'a en aucun cas été pensé ou destiné à des patients souffrant de cette pathologie. Un cas générique de 4 minutes présentant quelques symptômes/conséquences d'une maladie complexe ne peut qu'être extrêmement réducteur pour un patient qui vit cette maladie au quotidien. Sans compter que chaque cas est différent : les schizophrénies sont un ensemble de maladies - le pluriel étant essentiel."

Extraits du film normalement proposé en réalité virtuelle :

© Laboratoire Janssen / Hugo Jalinière

"La réalité virtuelle est un outil incroyable de sensibilisation générale"

Ce scénario de réalité virtuelle a en tout cas été accueilli avec enthousiasme du côté des associations de proches de malades comme l'Union nationale de familles et amis de personnes malades et/ou handicapés psychiques (Unafam) qui y voient un outil de sensibilisation très efficace. Pour l'instant, l'expérience n'est proposée qu'en démonstration lors de congrès médicaux, aux associations ou aux rédactions. "Mais les associations de proches sont très demandeuses", explique David Travers. Il faut dire qu'il y a "un grand mouvement dans la psychiatrie à l'heure actuelle qui mise sur l'éducation à la maladie des personnes en contact. Dans cette optique, la réalité virtuelle est un dispositif incroyable de sensibilisation générale." Le psychiatre est d'ailleurs en discussion avec Janssen pour mettre au point un deuxième scénario dans lequel des améliorations pourraient être apportées. Notamment le réalisme des graphismes : "Pas pour faire peur aux gens, mais parce qu'il est important d'approcher au plus près ce que vivent les malades pour bien comprendre", précise-t-il. L'autre possibilité serait de rendre le "spectateur" plus actif dans le scénario. Les casques de réalité virtuelles permettent en effet d'interagir avec l'environnement 3D du sujet, ce qui rendrait l'expérience peut-être moins prévisible et donc plus réelle encore. "Le potentiel de la VR est très important, bien plus que ce que je m'imaginais", juge désormais le David Travers.

De fait, plus qu’un simple instrument ludique, les casques de réalité virtuelle prouvent peu à peu leur intérêt en médecine, que ce soit pour traiter les phobies, former les médecins et chirurgiens, ou concevoir des serious game. En France lors d’une première mondiale en 2016, la VR a même été utilisée lors d’une chirurgie éveillée du cerveau au CHU d’Angers par le Pr Menei afin de tester le champ visuel d’un patient à qui il fallait retirer une tumeur.

2 réactions 2 réactions
à la une cette semaine

Centre de préférence
de vos alertes infos

Vos préférences ont bien été enregistrées.

Si vous souhaitez modifier vos centres d'intérêt, vous pouvez à tout moment cliquer sur le lien Notifications, présent en pied de toutes les pages du site.

Vous vous êtes inscrit pour recevoir l’actualité en direct, qu’est-ce qui vous intéresse?

Je souhaite recevoir toutes les alertes infos de la rédaction de Sciences et Avenir

Je souhaite recevoir uniquement les alertes infos parmi les thématiques suivantes :

Santé
Nature
Archéo
Espace
Animaux
Je ne souhaite plus recevoir de notifications