Pour François Hollande, primaire ou pas primaire ?

Parti socialiste. Après l'appel lancé par Arnaud Montebourg aux électeurs de droite à voter pour lui à la primaire afin de battre François Hollande, à l'Elysée, on s'interroge : primaire ou pas primaire ?

Le président de la République François Hollande le 23 novembre 2016 chez Arc International, première verrerie française, à Arques
Le président de la République François Hollande le 23 novembre 2016 chez Arc International, première verrerie française, à Arques (AFP/PHILIPPE HUGUEN)

    Leur sang n'a fait qu'un tour. En entendant jeudi matin sur RTL Arnaud Montebourg appeler les électeurs de droite à voter pour lui à la future primaire de la gauche pour « battre le président de la République », les proches de François Hollande ont vu rouge. « Ce qu'a fait Arnaud est assez hallucinant, commente un député. C'est une grosse bêtise. » Il a eu beau nuancer ses propos, Bernard Poignant, le conseiller du président à l'Elysée, enfonce un peu plus le clou : « J'avais fini par m'habituer à l'idée que le président, s'il se présente, passe par la case primaire. Mais ce que vient de faire Montebourg est insupportable. Du coup, je ne souhaite plus que François Hollande soit confronté à quelqu'un qui demande à la droite de venir voter à notre primaire pour le battre. Juppé, lui, n'a jamais lancé un appel aux électeurs de gauche, même s'il ne les rejetait pas. »

    Une incitation claire à « enjamber » la primaire, qui vient nourrir la rumeur de torpillage auquel se livreraient certains fidèles du chef de l'Etat. « Cette histoire de complot est totalement fausse », coupe court un député hollandais. Il n'empêche : en déplacement vendredi à Rouen, Manuel Valls a mis en garde : « La primaire doit être un moment de fierté et d'espoir. Ceux qui voudraient remettre en cause la primaire s'exposeraient à la colère des Français. » A bon entendeur...

    Cette séquence montre en tout cas le degré de nervosité qui règne chez les socialistes, à mesure qu'approche la date butoir (le 15 décembre) pour le dépôt des candidatures à la primaire, et fait ressurgir les doutes envers ce système. D'autant que ce serait la première fois qu'un président sortant s'y soumettrait. « Il y a pour lui un risque réel d'être éliminé dans cette primaire, ce qui serait une humiliation totale, analyse un visiteur du soir. La CGT et la gauche de la gauche auront, avec cette primaire, la possibilité de tuer avec une seule balle, à la fois François Hollande et le PS. Pour eux, c'est très tentant. »

    En dépit du faux pas de leur chef de file, les partisans de Montebourg se frottent les mains : « Le président n'avait aucune envie d'aller à la primaire mais il y a été contraint car il est très bas dans les sondages. Si Hollande est candidat, il va y avoir un mois de campagne intense. On va voir dans quel état il va en sortir. » Sébastien Denaja, député PS de l'Hérault, est persuadé du contraire : « S'il se présente, la dynamique de campagne le portera et lui permettra de gagner dès le 1 er tour », lâche ce fidèle du président qui était à l'origine hostile au principe de la primaire. « Les choses sont désormais enclenchées et plus rien ne s'y oppose », justifie-t-il. Même pas l'appel du pied de Montebourg aux électeurs de droite ? « Il a franchi encore une fois la ligne jaune. S'il recommence, oui, on se posera la question de l'utilité de la primaire, qui est très claire : rassembler notre camp », prévient Denaja.

    Mais le chef de l'Etat a-t-il encore le choix ? Peut-il faire marche arrière ? « Aujourd'hui, ne pas faire la primaire nous coûterait plus cher que de la faire », constate son ami Julien Dray, conscient pourtant que le processus serait « dénaturé » si le camp d'en face y participait massivement. « Oui, ce risque nous inquiète, mais il n'y a pas d'autre solution pour François que de s'engager résolument, le contraire de ce qu'a fait Juppé. Il doit rentrer là-dedans en disant qu'il va plier le match. » Au siège du PS, on allume les avertisseurs : « Faire l'impasse sur la primaire ferait tout exploser », avertit un de ses dirigeants.

    P. TH.