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Téléthon : des promesses de dons pour des médicaments à prix juste

L'Association française contre les myopathies, bénéficiaire de la manifestation, poursuit sa démarche entamée en 2013 : la production de médicaments. Même si, pour l'heure, aucun d'entre eux n'a encore reçu d'autorisation de mise sur le marché.
par Eric Favereau
publié le 4 décembre 2016 à 15h22

Plus de 80 millions d'euros de promesses de dons, récoltées ce week-end pour le trentième Téléthon : «Satisfaite», a lâché, ce dimanche, Laurence Tiennot-Herment, présidente de l'Association française contre les myopathies (AFM) et présidente de l'événement. «Avec la possibilité, toute la semaine, de continuer à donner au 36-37, nous devrions arriver à plus de 90 millions», soit presque autant que l'année dernière.

La présidente a retrouvé le sourire, car elle était bien inquiète. La raison ? La veille de cette nouvelle édition, un événement est venu fragiliser le bel ordonnancement : la non-candidature de François Hollande à sa réélection. Le rapport ? Pendant quarante-huit heures, les médias n’ont plus parlé que de cela, laissant tomber l’urgence de maintenir à un haut niveau la mobilisation pour le Téléthon.

Or, «on peut survivre à un mauvais Téléthon, mais pas à deux», explique Laurence Tiennot-Herment qui, avant chaque édition, est en alerte, craignant l'arrivée d'un grain de sable qui vienne ainsi gripper la machine. Il y a quelques années, c'était les propos controversés de Pierre Bergé, président d'Ensemble contre le sida, dénonçant le poids démesuré du Téléthon dans la charité publique. Ou encore les polémiques avec les instances religieuses sur la question de la recherche sur les cellules souches, etc. A chaque fois, ces sorties ont pu se refléter sur la somme globale collectée.

Objectif : devenir un nouveau «Big Pharma»

Finalement, l'élection présidentielle n'a pas eu d'impact. «Je ne sais pas si c'est lié, poursuit Laurence Tiennot-Herment, mais ces dernières semaines, on sentait une forte mobilisation sur le terrain. Le téléthon, ce sont des milliers d'initiatives locales. Et cela dit, il y a toujours quelque chose du climat du moment. Là, on a senti le terrain plus présent, pendant les trente heures. Nous l'avons perçu dans les associations, chez les bénévoles, il y avait une envie de cette bulle d'oxygène que constitue le Téléthon, cette envie de se retrouver et de faire quelque chose ensemble.»

Objectif atteint, donc. Mais pour en faire quoi, de cette manne qui arrive tous les ans ? De fait, via le Téléthon, l'AFM s'est lancée dans une reconversion étonnante : produire des médicaments innovants et devenir, en quelque sorte, un nouveau «Big Pharma». Depuis 2013, son laboratoire de production de thérapie génique, Généthon-Bioprod, implanté au cœur du parc scientifique du Genopole d'Evry (Essonne), est en marche. Il fabrique pour le moment des lots pour essais cliniques. Deux autres unités vont voir le jour, la première en 2018 et la seconde en 2021, pour un investissement de plus de 120 millions d'euros. Le nouvel ensemble, baptisé YposKesi, formera ainsi une vaste plateforme de production à grande échelle et de commercialisation de traitements de thérapies génique et cellulaire.

Trouver une marge et des prix «raisonnables»

Un lancement dans la production qui constitue une vraie révolution. Mais l'enjeu ne s'arrête pas là : produire certes, mais pas à n'importe quel prix. «Dans le champ des maladies rares, on voit des niveaux de prix exorbitants, et par conséquent non assumables par la collectivité, ce qui est un frein à l'accès à ces traitements pour les patients, insiste Laurence Tiennot-Herment. A quoi cela sert, des traitements, s'ils ne sont pas disponibles ? On ne nie pas l'intérêt d'avoir une marge, mais on considère qu'elle doit être raisonnable et basée sur la transparence des coûts.» D'où cette exigence d'un prix juste. Aujourd'hui, aucun produit thérapeutique issu des laboratoires de l'association n'est encore sur le point d'être commercialisé, et les premières autorisations de mise sur le marché ne sont attendues qu'à l'horizon 2020-2021. «Le développement, les coûts de production sont énormes, et on voit bien les suivis sur le long terme qui vont être nécessaires sur les patients, surtout en thérapie génique», prévient la présidente de l'AFM-Téléthon.

En 2015, l'AFM-Téléthon a vendu au géant pharmaceutique suisse Roche ses parts dans la biotech marseillaise Trophos et sa licence mondiale sur une molécule prometteuse contre l'amyotrophie spinale (maladie héréditaire des muscles), l'olesoxime. Mais l'association a posé ses conditions, négociant une clause contractuelle stipulant un prix «raisonnable» en cas d'éventuelle commercialisation.

Un accord qui peut faire date. Mais rien n'est pour autant gagné. «Un prix juste et maîtrisé est un grand principe assez hypocrite, du politiquement correct, un écran de fumée par rapport à l'opinion publique», s'emporte ainsi un entrepreneur privé dans les biotechnologies, interrogé par l'AFP. «Le prix résulte des négociations avec les payeurs, pas de la volonté d'untel ou d'untel», ajoute-t-il. «Le combat sera difficile, mais on ne se laissera pas faire, répond la présidente de l'AFM. Notre force, c'est aussi les dons. C'est vital, non seulement pour mettre au point des médicaments innovants, mais pour qu'ils aient … un juste prix.»

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