TENDANCE - De plus en plus, les patinoires en plein air que les villes installent au moment de Noël sont en synthétique. Vont-elles pour autant détrôner les traditionnelles aires de glace ? Pas si sûr...

C’est une première : à Bordeaux, pour la première fois depuis 12 ans, il n’y aura pas de patinoire en plein air pour Noël. Le terrain de glisse est remplacé par un "petit marché de l’économie solidaire".  C’est la mairie qui a décidé de mettre fin à cette attraction cette année. Les raisons ? Trop chère… et pas assez écologique. Chaque année, cette patinoire pure glace représentait en effet un petit budget de 100.000 à 120.000 euros, rappelle Sud Ouest. La sucrer représente donc une belle petite économie, à laquelle la mairie ajoute un argument écolo : une patinoire en plein air est 4 ou 5 fois plus énergivore qu’une patinoire couverte, d’autant plus quand l’hiver est doux et que les fluides frigorigènes tournent à plein régime pour maintenir la glace à température idéale.

Si Bordeaux a donc préféré tout annuler, - comme Paris, qui n’a pas reconduit sa patinoire installée chaque année devant l’Hôtel de Ville -, d’autres optent pour une solution moins drastique : les patinoires synthétiques, qui ont tendance à se développer depuis une petite dizaine d’années. Sur les 350 patinoires qu'elle loue en France cette année, la société Synerglace, qui fournit 80% des patinoirs éphémères installées dans l'Hexagone, en comptabilise 100 en synthétique, contre moins de 60 l’an dernier. "On en loue beaucoup à des petites villes, notamment en région parisienne", explique à LCI Philippe Aubertin, le gérant de la société. "Des grandes villes, comme Angers cette année, décident aussi de passer au synthétique, souvent poussées par des forces politiques écolo."

Une patinoire synthétique, c’est fait avec 100% de pétrole
Philippe Aubertin, gérant de Synerglace

Le synthétique, c’est fantastique ? A priori, la solution semble en effet tout bénéf’ : ces patinoires en polyéthylène sont deux fois moins chères que les vraies, plus rapides à installer et à entretenir. Même si, selon Philippe Aubertin, l’argument du porte-monnaie est à nuancer : "Pour les patinoires de petite taille, 100 ou 200 mètres carré, le synthétique est moins cher. Mais la glace permet de faire des économies d’échelle : une patinoire synthétique de 400 m2 est grosso modo au même prix qu’une patinoire de glace." Surtout, ces aires en polyéthylène peuvent s’installer dans des endroits inacessibles à la glace : "On va en installer une dans le métro parisien, une autre sur le toit d’un grand Hôtel à Monaco… ", détaille Philippe Aubertin. "Le synthétique a l’avantage de pouvoir être posé partout. C’est comme un plancher de maison, très facile à monter."

D’autant que depuis quelque temps, les sociétés de location de patinoires synthétiques jouent à fond sur le créneau écolo. Comme Xtraice, qui en fait presque, sur son site internet, un acte militant, sans pour autant donner de chiffres très précis : "Utiliser une patinoire synthétique est déjà un acte écologique en tant que tel : les dépenses énergétiques ne sont même pas comparables à celles de patinoires traditionnelles." 

Chez Synerglace, Philippe Aubertin reconnaît : "Il y a 3, 4 ans, quand il y a eu le Grenelle de l’environnement, tous les loueurs se sont mis à appeler leurs patinoires des ‘patinoires écolos’". Sauf que, lune nouvelle fois, il invite à "relativiser" : "Une patinoire synthétique, c’est fait avec 100% de pétrole. La glace, ce n’est fait qu’avec de l’eau", explique-t-il. "La seule différence est qu’on ne va pas consommer d’électricité pour entretenir la surface de glisse." Quant à la consommation d’énergie, et la composition des fluides frigorigènes, accusés de rejeter massivement des gaz à effet de serre, là encore, Philippe Aubertin estime que "c’était vrai il y a 20 ans", mais qu'aujourd’hui, "tout fonctionne en circuit fermé, donc on ne pollue rien du tout." La composition des fluides frigorigènes est maintenant strictement encadrée pour éliminer les substances toxiques, souligne-t-il également.

Pas cool pour les gamins qui étaient heureux comme tout
Hervé, internaute bordelais

De fait, la plupart des grandes villes restent fidèles à la glace. Comme Nantes, qui justifie  son choix par la volonté de "maintenir une haute qualité de glisse", mais aussi parce que "le coût de l'entretien quotidien et répété des patins est moins important qu'avec de la glace synthétique", rapporte Ouest France. D’autres villes, même, reviennent du synthétique. Cette année, Angoulême a ainsi dit non à la patinoire, préférant laisser la place aux forains. "Le rendu de cette patinoire synthétique n’était pas hyper satisfaisant", défend l’adjoint au commerce dans la Charente Libre. Tout ça pour 50.000 euros, le prix des décorations de Noël en ville. 

Dijon a fait pareil. Montparnasse, qui avait installé une piste synthétique devant la gare, a elle aussi abandonné l'idée cette année. "Aujourd’hui, les grosses villes ont tendance à abandonner le synthétique, car c’est moins fun et moins sympathique que la glace, note Philippe Aubertin. Le synthétique fait plus 'cheap', et même si on a un patin spécial, avec une lame circulaire, on ne retrouve pas les même sensations." Ceux qui ont déjà testé le reconnaîtront : la qualité de glisse est loin d’être aussi bonne sur le polyéthylène. La lame du patin ne fend pas la glace, la sensation de froid n’est pas là. 

Mais, qu’elles soient de plastique ou de glace, les patinoires sont très appréciées en France. "C’est un des pays où on en loue beaucoup plus qu’ailleurs", note le gérant de Synergie. "C’est sans doute dû au fait qu’il n’existe qu’une centaine de patinoires fixes en France, alors que c’est un sport et un loisir que les Français aiment bien." Et cette année, d'après lui, "les collectivités ont envie d’amener un peu de fête et de joie, suivant leurs moyens". Sauf à Bordeaux, donc, où la mesure de la Ville fait des amers. "C’est bien pour les finances de la ville, mieux pour la planète (peut-être) mais pas cool pour les gamins qui étaient heureux comme tout. Ce sont des rires d'enfants en moins...", regrette ainsi Hervé, un internaute, sur un forum de Sud Ouest. "C'était un endroit convivial, il y avait beaucoup de familles qui venaient là entre parents, grands-parents et enfants", se souvient Henri. "A la place, on va avoir droit à quelques baraques avec des vendeurs de chinoiseries importées par bateau et la plupart du temps présentées comme de l'artisanat local..."


Sibylle LAURENT

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