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Quatre militants arrêtés pour aide aux migrants dans la vallée de la Roya

Les militants, arrêtés vendredi dans la vallée de la Roya suite à une dénonciation, comparaîtront au tribunal correctionnel en mai.
par Adèle Sifaut
publié le 8 janvier 2017 à 11h43

Vendredi fut le jour de tous les extrêmes pour les militants pro-migrants de la vallée de la Roya. Dans la matinée, un vent de liberté soufflait sur la place du palais de justice de Nice : déféré pour aide au séjour et à la circulation de personnes en situation irrégulière, le professeur et chercheur Pierre-Alain Mannoni apprenait sa relaxe. Mais à 17 heures, quatre militants étaient interpellés à Sospel pour le même motif.

Vendredi après-midi, deux voitures suivent la route entre Breil-sur-Roya et Sospel. A bord, quatre militants et neuf migrants. «Dans la vallée, on était débordés. Ce soir-là, on ne pouvait pas loger tout le monde dans des conditions correctes. Alors on a décidé de les emmener dans une maison sur une autre commune de la vallée de la Bévéra, raconte Sylvain, le mari de Françoise, l'une des interpellés. C'était soit ce transport, soit une nuit sous la tente alors que la température tombe à -3 en ce moment.» Mais le convoi n'arrivera jamais à destination. Dénoncée, la petite troupe est rattrapée et interpellée par les gendarmes à Sospel. «Ces personnes ont choisi de mettre en place un stratagème qui consistait à éviter l'un des douze points de contrôle qui émaillent la "bande des vingt kilomètres" de frontière», explique le procureur de la République de Nice, Jean-Michel Prêtre, à Libération.

L'objectif du quatuor était de déposer les migrants quelques mètres avant le barrage des gendarmes, passer la frontière sans passager puis les récupérer un peu plus loin. Les migrants, eux, rejoignent les voitures à pied, en empruntant des sentiers éloignés du point de contrôle. «Ce stratagème est constitutif d'une atteinte à la loi», rappelle le procureur. Interpellés avec six des migrants (dont plusieurs mineurs), les quatre militants décident de rester silencieux, même en garde à vue. «On change de stratégie, dit leur conseil, maître Maeva Binimelis. On ne veut pas apporter une preuve de culpabilité sur un plateau d'argent. A chacun son travail, celui de la gendarmerie est de rechercher la vérité.»

Une manœuvre de défense que n’ont pas choisie les deux militants déjà jugés au tribunal de Nice. Après avoir médiatisé et revendiqué clairement ses actions à la barre, Cédric Herrou risque désormais huit mois de prison avec sursis.

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Pierre-Alain Mannoni, lui, a été relaxé mais sera rejugé, le parquet ayant fait appel. «La vallée est au bord de l'implosion, sous tension du fait de l'afflux de migrants», rappelle maître Maeva Binimelis. Depuis un an et demi, les migrants affluent dans la vallée de la Roya, une enclave montagneuse située à la frontière italo-française. Pensant rejoindre le nord de l'Europe, ils s'y retrouvent coincés. «On est surbookés, fatigués. L'afflux est encore plus fort qu'avant, note Nathalie, membre de l'association Roya Citoyenne. Il faut bien comprendre qu'une fois aidés et hébergés, les migrants n'ont à l'idée que de repartir.» Une situation qui fait craindre le pire à Sylvain : «Si on ne les aide pas, ils partiront d'eux-mêmes par les chemins. Avec les risques, le froid et la neige, ce ne sont plus des personnes en bonne santé que les gendarmes ramasseront, mais des morts.»

Après vingt-quatre heures de garde à vue à Menton, Sospel et Breil, les quatre habitants de la Roya apprennent qu’ils sont renvoyés devant le tribunal correctionnel. Ils se présenteront au palais de justice de Nice le 10 mai à 13h30. Tous encourent cinq ans de prison et 30 000 euros d’amende.

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