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Politique

Quand Valls tombe dans le piège d'une campagne identitaire à la Sarkozy

Le second tour de la Primaire montre à la manoeuvre un Manuel Valls très mordant contre Benoît Hamon. Entre interpellation sur la laïcité, l'identité et refus de dire s'il soutiendra le vainqueur, Manuel Valls fait-il une campagne à la Sarkozy?

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Manuel Valls, au lendemain du premier tour de la Primaire de gauche sur TF1
Afp/Lionel Bonaventure

Bataille sur un champ de ruines qui va ruiner les dernières ruines. Le duel Hamon-Valls est en passe d’achever ce qui demeure encore debout, pantelant et chancelant, de la Vieille maison. Loin des échanges feutrés entre Martine Aubry et François Hollande, dont le climax fut le célèbre « Quand c’est flou, y a un loup ».

En 2017, nous n’en sommes plus là. Les deux candidats demeurant en lice en sont à se jeter de l’identitaire à la tête. Déjà.

A droite, Manuel Valls, sur France Info, qui refuse désormais de s’engager sur le soutien qu’il apportera, comme il s’y était engagé durant les débats de la Primaire, à Benoît Hamon au cas où ce dernier serait le vainqueur dimanche prochain. « Moi, j'attends dimanche. Je ne répondrai pas à cette question parce que j'en vois tous les pièges ».

A gauche, Benoît Hamon, qui voit venir le coup de Jarnac, qui «va demander à Manuel Valls de clarifier» sa position à l’issue de la primaire, sur son soutien au vainqueur, et qui indique au Parisien, «Je lui demande d’accepter les règles. Il y aura un vainqueur et il représentera le PS », avant de conclure «Il y a dans ses déclarations quelque chose qui met en doute la loyauté de sa démarche».

Le piège d'une campagne identitaire

A droite, Manuel Valls, sur France Info toujours, mettant en avant sa conception de la laïcité pour mieux dénoncer le communautarisme supposé de son adversaire : «Il y a des ambiguïtés, des risques d’accommodements de son côté. Ce débat devra être précisé. Je rappellerai d’abord quelle est ma vision de la laïcité, qui est là pour protéger. Il faut sortir de toutes les ambiguïtés. Il ne peut pas y avoir le moindre compromis avec le communautarisme».  

A gauche, Benoît Hamon, sur LCI, qui répond à l’accusation de Manuel Valls : «On me fait le procès de quoi ? D'être élu de banlieue, d'être confronté à la réalité de ce communautarisme que je combats, autrement que par des mots », ajoutant qu’il préfère éviter « ce terrain de la spectacularisation de la vie politique pour rester dans la sobriété ».

Ainsi, les socialistes en sont là. A s’infliger une campagne d’entre deux tours de la Primaire, avec un ancien Premier ministre socialiste qui décide de faire campagne sur une ligne identitaire. Au regard des enseignements de l’école socialiste fondée par Jaurès et Blum, Manuel Valls s’abandonne au vertige de l’école buissonnière, estimant sans doute que cette ligne politique peut encore lui permettre de sauver une investiture qui parait chaque jour plus compromise.

Manuel Valls va-t-il finir par vanter les mérites de nos ancêtres les Gaulois ? Ou vanter la double ration de frites pour les élèves dont la religion poserait un problème à une conception identitaire de la laïcité ? L’ancien Premier ministre de François Hollande semble vouloir ranimer le buisson ardent des campagnes désespérées d’entre deux tours. En mode Sarkozy 2012. Ou Sarkozy Primaire 2016. Tout risquer pour l’emporter, quitte à prendre le risque de couler ce qui reste du navire, quand bien même ce dernier prend l’eau de toutes parts. Jouer de toutes les inquiétudes, angoisses et peurs qui seraient celles de la société française. Faire peur pour créer autour de soi un réflexe de ralliement dicté par le cerveau reptilien de l’électeur craignant pour sa survie identitaire.

Manuel Valls a donc choisi de prendre un double risque tactique.

La violence de Manuel Valls et le pire de Sarkozy

Tenter de délégitimer Benoît Hamon en refusant de s’engager aujourd’hui à le soutenir en cas de victoire, c’est dire que ce candidat pose un problème. Qu’il est suspect. Incompétent. Dangereux. C’est donc aussi se préparer, en cas de victoire pour soi-même, à ce que le camp d’en face ne soit guère enclin à vous soutenir en retour. Que Manuel Valls, à ce moment-là de la campagne, prenne un tel risque, vaut aveu de faiblesse politique.

Au surplus, faire campagne sur la dialectique laïcité/identité, c’est aller sur un terrain qui n’est pas celui de la majorité de la gauche, loin s’en faut. Cela peut flatter les sensibilités égotiques des quelques intellectuels organiques de la pensée vallsiste, qui ont longtemps eu table ouverte à Matignon, et sont désormais abonnés aux entretiens sur l’état de la gauche dans des journaux de droite, mais cela ne suffira pas. Se déporter sur ce terrain, y camper l’affrontement idéologique entre les deux candidats, c’est aller bien au-delà des traditionnels affrontements pétris par deux siècles d’histoire entre Jacobins et Girondins, révolutionnaires et réformateurs, réalistes et idéalistes, Guesde et Jaurès, Blum et Thorez, Mitterrand et Rocard, sociaux-démocrates et sociaux libéraux… C’est effectivement acter qu’il existe une forme d’irréconciliable entre les deux incarnations de la finale de la Primaire socialiste. Sauf que l’appartenance à la grande famille de gauche mérite alors d’être questionnée s’agissant du candidat qui se lance dans une opération politique qui présente en l’état tous les signes de la désespérance.

Entendons-nous bien. Il est légitime qu’un candidat en finale d’une Primaire interpelle son adversaire sur le caractère réaliste ou non de son programme économique, ou sur ses conceptions en matière de laïcité et d’identité. En revanche, compte tenu des enjeux, puisque l’on parle ici de la survie du Parti socialiste, de sa capacité à demeurer le grand parti de la gauche réformiste de gouvernement et la grande maison des progressistes, la violence des attaques de Manuel Valls surprend. Surtout lorsqu’elles rappellent le pire de Nicolas Sarkozy et qu’il s’agit de convaincre des électeurs de gauche.

L'histoire est tragique...

Depuis dimanche soir, des élus socialistes, de tous territoires, rapportent qu’ils doivent bien constater le rejet qu’inspire Manuel Valls à ceux qui sont venus à la Primaire socialiste, ce rejet dépassant, selon eux, le simple cadre programmatique de la Primaire. Et ces élus de pointer que parmi ces électeurs partisans du « Tout sauf Valls », il s’en trouve de nombreux qui sont des modérés, des partisans du réalisme, des sociaux-démocrates, des écologistes lucides, et même des électeurs de Macron ou Mélenchon, venus voter là pour des raisons tactiques, mais aussi et surtout pour éliminer Manuel Valls de la présidentielle. Comme si l’ancien Premier ministre était considéré comme « quelqu’un qui n’est plus de chez nous », qui n’emporte avec lui plus rien de ce qui peut être identifié à la gauche.

Au-delà de la personne de Manuel Valls, tout cela ne sera pas sans conséquence. Déjà des pointages circulent, qui disent qu’en cas de victoire de Benoît Hamon, une centaine de députés socialistes, lassés et fatigués des Frondeurs, leur vie, leur œuvre, est prête à passer dès le 30 janvier au matin, avec armes et bagages, dans le camp d’Emmanuel Macron. Ce serait bien là le plus dramatique de ce dernier épisode de l’épopée Valls. Avoir tant voulu détruire Macron, et au final, lui offrir le sacre qu’il entendait lui refuser. Pour Manuel Valls, le temps est venu de découvrir que l’histoire est tragique.

 

 

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