Des migrantes le 3 novembre 2016 à leur départ de la "Jungle" à Calais

Des migrantes le 3 novembre 2016 à leur départ de la "Jungle" à Calais. Photo d'illustration.

afp.com/PHILIPPE HUGUEN

Document de référence, le rapport 2016-2017 d'Amnesty International (AI) sur la situation des droits humains dans le monde a été présenté mardi à Paris, et non à Londres comme le veut la tradition. Le choix du lieu n'a rien de fortuit: pour l'ONG planétaire créée en juillet 1961, les valeurs fondatrices de la Déclaration universelle des droits de l'Homme et du Citoyen sont plus que jamais menacées.

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Secrétaire général d'Amnesty, Salil Shetty considère que l'impératif sécuritaire sape les garde-fous ancrés dans les usages hexagonaux. La prolongation de l'état d'urgence, rançon des attentats djihadistes qui ont endeuillé Paris puis Nice a, selon lui, intensifié les dispositifs de surveillance et de protection au détriment des libertés fondamentales. Voilà pourquoi les porte-paroles d'AI encouragent les citoyens français à défendre leurs droits et à contester la prorogation de ce régime d'exception.

Réfugié = terroriste

Écueil n°1 dans un tel climat de tension: la tentation d'assimiler le réfugié à un terroriste potentiel. En France comme dans nombre d'autres pays, ce phénomène s'accompagne d'une marginalisation croissante d'individus discriminés du fait notamment de leur religion. De plus, souligne-t-on chez AI, la peur qu'alimentent les mesures sécuritaires récemment mises en place pèse sur l'échéance présidentielle de mai 2017. La plupart des candidats s'abstiennent en effet de placer au centre de leur programme la défense des droits humains fondamentaux. Fût-ce à contre-courant de l'opinion dominante, une prise de conscience des dirigeants actuels et futurs du "pays des droits de l'Homme" en la matière s'avère donc indispensable.

Si les animateurs d'Amnesty International insistent sur le cas français, ils dénoncent également l'inaction des grandes puissances envers les conflits qui secouent le globe. Enjeu majeur: la crise des migrants. L'ONG constate ainsi que la moitié des civils condamnés à l'exode se réfugient dans les pays voisins de leur patrie natale. Lesquels manquent de moyens financiers pour accueillir les innombrables errants dans des conditions décentes.

Dès lors, ces "naufragés" doivent chercher refuge au-delà, plus loin encore de leur famille. L'Europe demeure, à l'évidence, la terre d'élection privilégiée des migrants en quête d'une vie meilleure. Illusoire eldorado: 2016 a été particulièrement meurtrier pour les réfugiés qui ont tenté de traverser la Méditerranée afin de rallier le Vieux Continent. La faiblesse des moyens mobilisés par l'Union européenne (UE) pour leur venir en aide tend à transformer la "Mare Nostrum" en cimetière géant.

Politique de diabolisation

Le rapport met en évidence la vulnérabilité des migrants, cibles de mesures jugées disproportionnées et discriminatoires. Les Etats-Unis ont ainsi instauré une politique de diabolisation des réfugiés. Si chimérique soit-il, le bouclage des frontières passe avant la protection des individus. En l'espèce, l'accession de Donald Trump à la Maison Blanche symbolise parfaitement la tendance au repli identitaire qui balaie la planète.

À en croire les porte-paroles d'Amnesty, les discriminations de la nouvelle administration américaine envers les musulmans ont pour effet de rendre le monde plus dangereux encore. Les auteurs de ce diagnostic annuel fustigent également diverses mesures décrétées par d'autres pays. À commencer par l'accord controversé passé par l'UE avec Ankara, et qui conduit à "fixer" en Turquie les migrants échoués sur les côtes grecques.

De manière générale, Amnesty International insiste sur la déshumanisation croissante du monde. En 2016, soulignent ses dirigeants, les atrocités et les violences commises sur des êtres humains choquent moins qu'auparavant. Selon Salil Shetty, il n'y a plus de "ligne rouge" entre ce qui est acceptable et ce qui ne l'est pas, du fait notamment de de la généralisation des discours de diabolisation. Comment enrayer cette dérive? C'est aux peuples, remparts essentiels, qu'il revient de la combattre.

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