Netflix, l'ogre qui valait 40 milliards de dollars...

Sur le principe des Livres dont vous êtes le héros, le spectateur aura le choix entre plusieurs trames à visionner qu'il sélectionnera à l'aide de sa télécommande. (House of Cards, (C) Netflix)

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Vous rêvez d'influencer la campagne présidentielle d'House of Cards ou les luttes des gangs d'Orange is the new black ? Bonne nouvelle, Netflix pourrait bientôt proposer aux spectateurs de modifier à l'envi les arcs narratifs de ses séries et la destinée de leurs héros favoris.

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"Je suis curieux de voir les premiers tests, s'enthousiasme Florent Favard, Docteur en études cinématographiques et audiovisuelles à l'Université de Bordeaux Montaigne. Netflix fait partie de l'avant-garde des expérimentations sur les séries aujourd'hui, donc l'idée semble cohérente avec leur politique. Reste à voir si ces séries interactives seront une révolution ou un gadget."

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Sur le principe des Livres dont vous êtes le héros, le spectateur aura le choix entre plusieurs trames à visionner qu'il sélectionnera à l'aide de sa télécommande. "Le contenu sera là, et les spectateurs devront faire des choix au fur et à mesure de l'intrigue, déclare une source chez Netflix au Daily Mail. C'est une expérience. On verra si ça a du succès. En tout cas, pour les créateurs, c'est un nouveau territoire à explorer."

Le choix laissé au spectateur

Une bonne initiative de la part de Netflix selon Florent Favard: "les séries qui s'écrivent dans la durée font face aux retours des publics au fur et à mesure des épisodes, analyse-t-il. On se souvient d'Arthur Conan Doyle obligé de ramener Sherlock Holmes d'entre les morts sous la pression du public qui voulait de nouveaux épisodes de la série littéraire ou des fins alternatives de plus en plus répandues dans les versions director's cut des films en DVD et Blu-ray."

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Avec une multitude d'intrigues possibles, un tel système permettrait en effet de parcourir l'univers des séries presque à l'infini. Des alternatives narratives qui, comme le fait remarquer L'Obs, demanderont un investissement encore plus important de la part des acteurs, scénaristes et équipes de tournage puisque de nombreux segments de l'histoire devront être tournés et édités selon les différentes versions.

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Pablo Escobar, héros de la série Narcos, de Netlix

© / (C) Netflix

"Quoiqu'il arrive, il s'agira toujours d'une illusion de choix: difficile, pour une forme comme la série télé en prise de vue réelle, d'accumuler sur le long-terme d'innombrables versions alternatives, tempère Florent Favard, les choix seront sans doute peu nombreux, et resteront toujours téléguidés par les scénaristes."

Finies les folles théories?

"Quand vous avez la possibilité d'interagir, vous avez le champ libre pour tout essayer" a déclaré Reed Hastings, le patron de Netflix. Comme dans les jeux vidéos, le spectateur devient ainsi actif, acteur de sa série, et ne subit plus les décisions des scénaristes. "Il y a une fascination pour les chemins qui bifurquent, confirme Florent Favard, les fanfictions explorent déjà les mondes fictionnels contemporains sur le mode du "et si les choses s'étaient passées autrement".

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Une telle liberté peut en séduire beaucoup mais elle peut aussi gâcher tout ce qui fait le sel d'une bonne série. Car si chacun se crée sa propre histoire, terminées les folles théories à échafauder entre amis ou les débats enflammés pour savoir si un tel devait mourir ou si la fin de saison était à la hauteur. Bien dommage tant ces debriefs post-épisode font partie intégrante des petits plaisirs qui font une grande série.

L'histoire que l'on croyait connaître

"Ce n'est pas la fin de l'objet série comme expérience commune" rassure Florent Favard qui prend pour exemple les joueurs de jeux vidéos à choix multiples comme Mass Effect, The Walking Dead ou Life is Strange qui aiment échanger sur les différentes versions d'une "histoire qu'ils croyaient connaître."

"En revanche, si ces séries interactives ont du succès, elles pourraient modifier les discussions: par exemple, quid du statut du spoilertant redouté, lorsque des chemins différents pourront être empruntés? s'interroge Florent Favard. La fragmentation des lignes narratives, l'accent mis sur un revisionnage alternatif, a le pouvoir de modifier notre approche de l'objet série. Les discussions n'en seront sans doute que plus passionnantes."

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