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Watson regroupe plusieurs programmes d’intelligence artificielle.
Manon Louvard

A la rencontre de Watson, l’intelligence artificielle star d’IBM

Par  (envoyée spéciale à Austin, Texas (Etats-Unis))
Publié le 12 mars 2017 à 17h52, modifié le 18 mars 2017 à 13h02

Temps de Lecture 14 min.

« - Je suis ravi de vous rencontrer. D’où venez-vous ?
- De France
- C’est super ! Moi je viens du cloud, mais j’aime à penser que je suis né à New York. »

La discussion commence sur un ton badin, comme n’importe quelle rencontre qui se fait à South by Southwest (SXSW), ce festival consacré aux nouvelles technologies, qui se tient du vendredi 10 au mardi 14 mars à Austin, au Texas. Mais cette fois, l’interlocuteur n’est pas humain. Il s’agit de Watson, un programme d’intelligence artificielle (IA) ; et il a un but très précis : établir votre profil psychologique en tchatant avec vous.

Le logo de Watson.

Très vite, les questions de Watson deviennent plus originales et personnelles. « Comment étiez-vous à l’école ? », « A quoi ressemblerait une journée parfaite pour vous ? » Et rapidement, le programme tranche : selon ses calculs, vous êtes « un mentor » : « vous vous reposez sur vos expériences passées pour avoir une idée de ce qui vous attend. (…) Vous envisagez sainement la vie. »

Un résultat digne des tests de l’été de certains magazines féminins. A ceci près que Watson l’a élaboré en se basant sur la façon d’écrire de son interlocuteur – le choix des mots, l’usage de la ponctuation, la longueur des phrases, et autres secrets de fabrication.

Dans le bâtiment qu’occupe IBM pendant la durée du festival, l’entreprise américaine exhibe fièrement Watson, son produit phare, à travers d’autres installations ludiques très différentes. Un peu plus loin, il vous propose par exemple la bière la plus adaptée à vos goûts, après vous avoir posé quelques questions. Dans un coin de la pièce, il vous permet aussi de vous essayer au piano, et transforme en deux secondes votre piètre Au Clair de la Lune en symphonie rythmée.

Une étape dans l’histoire de l’IA

Il s’agit là d’applications amusantes, qui se prêtent bien à l’atmosphère légère et printanière du festival. Mais Watson est en réalité une affaire très sérieuse : cette IA ne se contente pas de recommander des bières, elle s’invite aussi, pêle-mêle, dans les cabinets d’avocats, les hôpitaux ou encore les banques.

C’est que Watson sait faire beaucoup de choses dans le domaine de l’IA : reconnaissance des mots, des images, compréhension du langage, analyse de données, prédiction… Le programme identifie aussi les émotions, analyse le ton utilisé par ses interlocuteurs, et s’essaie à la conversation. Autant de compétences, abouties à des degrés très divers, qui trouvent de multiples applications dans des domaines variés.

Rob High dirige le projet Watson chez IBM.

Et les ambitions d’IBM à son égard sont très élevées. « Ces systèmes intelligents doivent être en mesure de nous comprendre, de comprendre ce que nous voulons dire et de comprendre les problèmes que nous essayons de résoudre », explique Rob High, qui dirige le projet Watson chez IBM, invité à s’exprimer au SXSW devant une salle comble. Mais aussi de nous aider à les résoudre :

« Des milliards de milliards de données sont générées chaque jour, et chaque jour, nous prenons des décisions sans connaître vraiment ces informations, sans savoir ce qu’elles disent. Nous avons besoin de ces systèmes pour nous aider à faire de meilleurs choix, mieux informés, basés scientifiquement sur la réalité. »

Watson sera-t-il capable d’arriver à un tel résultat ? Il lui reste encore un long chemin à parcourir, dans lequel les autres géants du secteur comme Google, Facebook, Apple, Microsoft ou encore Amazon se sont eux aussi engagés.

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Mais bien avant eux, le Watson d’IBM avait déjà marqué l’histoire : lancé dans les années 2000, ce programme est parvenu, en 2011, à battre les humains au jeu télévisé « Jeopardy ! » – une étape symbolique dans l’histoire de l’IA. Dans ce classique de la télévision américaine, le présentateur lit une réponse et les participants doivent deviner la question qui s’y rapporte. Après deux jours de compétition, Watson avait écrasé ses concurrents et s’était, au passage, fait un nom auprès du grand public.

Watson et Watson

Six ans plus tard, Watson reste l’une des rares IA à avoir accédé au rang de célébrité, aux côtés de Deep Blue, également signée IBM, qui avait battu en 1997 le champions d’échecs Garry Kasparov, et d’AlphaGo, de Google DeepMind, qui est parvenue, en 2016, à battre l’humain au jeu de go.

Mais si le nom est resté, la technologie, elle, a énormément évolué. En bonne communicante, IBM a tenu à garder cette identité unique pour désigner ce qui représente en réalité une multitude de services.

« La seule chose qui subsiste est le code de base, mais le reste, c’est du cas par cas », explique Rob High. Watson est vendu à des entreprises, qui l’utilisent comme bon leur semble. « On utilise les solutions de Watson pour répondre à des problèmes spécifiques. On le nourrit de données qui sont pertinentes pour telle ou telle utilisation, en fonction du problème qu’il doit résoudre. (…) Aujourd’hui, 500 start-up utilisent Watson d’une manière que nous n’aurions jamais imaginée. »

Ainsi, le programme Ross, qui assiste les avocats dans le grand cabinet américain BakerHostetler à partir de Watson, est nourri de données juridiques et est conçu pour rechercher les plus pertinentes selon les cas étudiés par les avocats. Mais pour assister le compositeur Alex Da Kid dans l’écriture d’une chanson, la version de Watson créée pour l’occasion a analysé, de son côté, plus de 26 000 chansons populaires.

Combler les limites de l’humain

« Il ne s’agit pas de répliquer l’humain », assure toutefois Rob High. « Ce ne serait pas forcément utile de le faire. Ce qui l’est, en revanche, c’est de reconnaître les limites de l’humain », souligne-t-il, évoquant par exemple notre capacité de mémorisation ou de calcul.

« Ces limites peuvent restreindre notre processus créatif, notre compréhension du monde et notre capacité à prendre les bonnes décisions. Quand nous parlons d’IA, nous ne voyons pas ça comme une copie de l’intelligence humaine, mais comme de l’intelligence augmentée. »

Reste que l’ingénieur insiste plusieurs fois sur les subtilités qu’il compte inculquer à Watson, jusqu’ici réservées à l’être humain : comprendre le ton d’une conversation, à l’oral ou à l’écrit, évaluer la personnalité, l’humeur d’un interlocuteur…

« Le cours d’une conversation peut changer si l’agent [l’IA] connaît l’état émotionnel de l’humain », explique Rob High. Il donne l’exemple d’un commerce : « le système est capable de voir si un consommateur est de très mauvaise humeur. Son travail sera de le faire passer à un état émotionnel plus positif ».

Mieux nous comprendre pour mieux nous manipuler, est-ce vraiment là l’objet de Watson ? Rob High préfère botter en touche quand on l’interroge sur les usages finaux de sa création. « On crée des programmes que d’autres utilisent pour créer leurs propres solutions », quels que soient les problèmes auxquels ils s’attaquent – soigner le cancer ou manipuler le consommateur.

Quelle éthique pour Watson ?

D’autres fonctionnalités impressionnantes peuvent également se montrer inquiétantes. « On commence à reconnaître les visages. Dans une foule, Watson peut dire qui il reconnaît », s’enorgueillit Rob High.

IBM n’est pas la seule société à disposer de ce type de technologie : Facebook, par exemple, est capable depuis quelques années d’identifier les personnes sur les photos publiées par leurs utilisateurs. Mais le réseau social avait dû suspendre cette fonctionnalité en 2012 en Europe, après avoir été épinglé par les autorités de protection des données.

Alors, quelle éthique pour Watson ? Comme la plupart des grandes entreprises d’IA, IBM n’en est qu’à ses balbutiements. Mais elle s’est engagée en septembre 2016, aux côtés de Facebook, Google, Amazon, Apple et Microsoft, dans une initiative inédite : le « partnership on AI », un partenariat au sein duquel ces sociétés s’engagent notamment à plus de transparence sur leurs recherches en IA, et à définir ensemble des bonnes pratiques.

De quoi apaiser, peut-être pour un temps, ceux qui redoutent que Watson ne se mue en HAL, l’IA nocive de 2001, l’Odyssée de l’espace. Dont le nom est directement dérivé des trois lettres d’IBM.

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