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L214 dénonce un scandale sanitaire dans un élevage breton de cochons

Une vidéo-choc de l’association L214 montre des animaux forcés de vivre au milieu de cadavres en putréfaction ou d’ossements, dans une exploitation près de Quimper

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Publié le 16 mars 2017 à 06h51, modifié le 16 mars 2017 à 15h41

Temps de Lecture 5 min.

C’est une nouvelle vidĂ©o-choc sur l’industrie de la viande. Cette fois, elle ne dĂ©voile pas l’intĂ©rieur d’un abattoir, mais celui d’un Ă©levage intensif de cochons, situĂ© Ă  Pouldreuzic, dans le Finistère. Ces images de l’association L214, que Le Monde a pu visionner en exclusivitĂ©, rĂ©vèlent, jeudi 16 mars, les « conditions d’hygiène dĂ©plorables Â» de l’établissement, « engendrant des souffrances intolĂ©rables pour les animaux Â». L’ONG a portĂ© plainte devant le tribunal de grande instance de Quimper pour maltraitance animale – une peine passible de six mois d’emprisonnement et 7 500 euros d’amende – et elle a lancĂ© une pĂ©tition demandant aux autoritĂ©s la fermeture immĂ©diate de l’entreprise agricole concernĂ©e.

La vidéo a été réalisée fin janvier au sein de l’EARL de Trégonguen, une exploitation de taille moyenne, qui fait naître et engraisse chaque année plusieurs milliers de cochons pour les envoyer à l’abattoir. On y voit des animaux maigres, blessés, malades, voire agonisants. Dans leurs enclos et leurs cases gisent un cadavre de truie en état de putréfaction et plusieurs porcelets morts. Des ossements porcins, notamment de mâchoire et de pied, parsèment le couloir principal.

Les cochons cĂ´toient des cadavres de porcelets.

« InsalubritĂ© sordide Â»

Plus largement, les images attestent d’une absence de nettoyage et de dĂ©sinfection des bâtiments : des excrĂ©ments jonchent les allĂ©es et d’immenses toiles d’araignĂ©e couvrent les murs et les plafonds, barrant mĂŞme les couloirs permettant d’accĂ©der aux salles d’engraissement. Des seringues usagĂ©es et des produits vĂ©tĂ©rinaires pĂ©rimĂ©s traĂ®nent sur des Ă©tagères, tandis que le matĂ©riel chirurgical destinĂ© Ă  la section des queues gĂ®t Ă  mĂŞme le sol.

« Cette insalubritĂ© gĂ©nĂ©rale est sordide. L’éleveur ne doit pas contrĂ´ler quotidiennement le bon fonctionnement de l’élevage, comme il le devrait. Les animaux sont livrĂ©s Ă  eux-mĂŞmes, nourris automatiquement, dĂ©nonce SĂ©bastien Arsac, porte-parole de L214, qui prĂ´ne la fin de toute exploitation animale. Les dĂ©fauts de ventilation entraĂ®nent des problèmes respiratoires pour les animaux, comme en tĂ©moignent les mĂ©dicaments trouvĂ©s dans l’élevage. Â»

« Nous avons aussi remarquĂ© que tous les cochons ont la queue partiellement sectionnĂ©e Â», ajoute-t-il. Cette pratique, utilisĂ©e pour Ă©viter que les porcs ne dĂ©vorent l’appendice de leurs congĂ©nères, n’est pourtant pas autorisĂ©e de manière systĂ©matique mais seulement lorsqu’il existe des preuves de blessures.

L’association questionne Ă©galement la surpopulation de certains enclos et leur dĂ©nuement qui empĂŞche les cochons « d’exercer leurs comportements de recherche et de manipulation, ce qu’exige la rĂ©glementation Â». A dĂ©faut de foin, de paille ou de sciure de bois, les truies ne disposent ainsi que d’une simple balle reliĂ©e Ă  une chaĂ®ne mĂ©tallique. Au bout du compte, l’élevage contrevient Ă  plusieurs directives europĂ©ennes et arrĂŞtĂ©s français relatifs Ă  la protection des porcs et des animaux d’élevage.

Des antibiotiques périmés occupent les étagères, où les toiles d’araignée et la poussière s’accumulent.

« Le risque de transmission de dangers ayant un impact sur la santĂ© animale, mais aussi sur la santĂ© humaine, est maximal Â», prĂ©vient la vĂ©tĂ©rinaire HĂ©lène Gateau, Ă  laquelle l’association a soumis les images. « Comment peut-on laisser des animaux, des ĂŞtres vivants, Ă  la charge d’un Ă©leveur visiblement dĂ©passĂ© ? Que font les autoritĂ©s et les services vĂ©tĂ©rinaires ? Â», s’interroge-t-elle.

Surchage de travail

ContactĂ© par Le Monde, l’éleveur n’a pas souhaitĂ© s’exprimer, de mĂŞme que la direction de la protection des populations du Finistère. Ce sont ses services vĂ©tĂ©rinaires qui avaient inspectĂ© l’exploitation le 25 mai 2016. Cet Ă©levage est membre de la coopĂ©rative Triskalia, cinquième producteur de porc de Bretagne, avec ses 700 Ă©leveurs et ses 1 700 000 cochons commercialisĂ©s par an. Le groupe approvisionne le gĂ©ant français de la viande Bigard, avec lequel il se targue d’avoir dĂ©veloppĂ© des filières de qualitĂ© (Label Rouge Opale, Bleu Blanc CĹ“ur, etc.).

« L’exploitation en question est un Ă©levage de 130 truies naisseur-engraisseur sur lequel l’éleveur, âgĂ© de 29 ans, travaille seul. Ce dernier s’est installĂ©, en 2013, en pleine pĂ©riode de crise porcine, en rachetant un Ă©levage Ă  un Ă©leveur partant en retraite, indique Triskalia, dans un communiquĂ©. Le manque de nettoyage des bâtiments montrĂ© sur les images n’est absolument pas reprĂ©sentatif des Ă©levages de porcs en France et que cette situation est exceptionnelle. Dans cet Ă©levage, la surcharge de travail a amenĂ© l’éleveur Ă  se concentrer sur les soins et l’alimentation des animaux au dĂ©triment de l’entretien gĂ©nĂ©ral des porcheries. Â»

Le groupe prĂ©cise qu’il va « immĂ©diatement mettre en place un plan d’actions pour accompagner l’éleveur Â», en lien avec la DDPP, sans Ă©voquer de fermeture de l’établissement.

Agriculture intensive

Les truies sont confinées dans des stalles individuelles, où elles ne peuvent se retourner, au début de leur gestation et pendant toute la maternité.

Pour SĂ©bastien Arsac, la tenue « très prĂ©occupante Â» de l’exploitation de Pouldreuzic « s’ajoute aux souffrances entraĂ®nĂ©es par l’ensemble des Ă©levages industriels, qui ne rĂ©pondent pas aux besoins physiologiques des animaux Â». En France, 95 % des porcs sont Ă©levĂ©s hors-sol, dans des bâtiments fermĂ©s, oĂą ils n’ont pas accès Ă  l’extĂ©rieur ni toujours Ă  la lumière du jour. Ils Ă©voluent sur des caillebotis en bĂ©ton surplombant des fosses dans lesquelles tombent leurs excrĂ©ments. Les truies sont confinĂ©es dans des stalles individuelles, oĂą elles ne peuvent pas se retourner, au dĂ©but de leur gestation et pendant toute la maternitĂ©. Elles passent toutefois une partie de leur vie dans des enclos en groupe, depuis une directive europĂ©enne relative Ă  la protection des porcs de 2013. Elles mettent bas près de trente porcelets par an, puis sont tuĂ©es après moins de trois annĂ©es de service.

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Les porcs charcutiers, eux, sont engraissĂ©s dans des salles communes depuis leur sevrage jusqu’à leur abattage, 180 jours plus tard. La mortalitĂ© est Ă©levĂ©e : 14 % des porcelets nĂ©s vivants n’atteignent pas cette Ă©tape, selon l’Institut du porc.

Au fil des annĂ©es, le nombre d’animaux par Ă©levage n’a cessĂ© d’augmenter, Ă  mesure que ces derniers se sont concentrĂ©s. Avec 25 millions de cochons tuĂ©s chaque annĂ©e, la France est le troisième producteur en Europe, après l’Allemagne et l’Espagne. Plus de la moitiĂ© du cheptel tricolore se trouve en Bretagne, une rĂ©gion oĂą l’agriculture intensive s’est imposĂ©e dès les annĂ©es 1960.

Crise du porc

Ces derniers temps, ce modèle a Ă©tĂ© mis Ă  mal. Entre 2010 et 2015, la production porcine française s’est rĂ©duite de plus de 5 %, en raison d’une forte concurrence sur le marchĂ© europĂ©en, de difficultĂ©s Ă  l’exportation et d’une baisse des achats par les mĂ©nages (chaque Français consomme 34 kg de porc par an), selon le service de statistiques du ministère de l’agriculture.

Toutefois, après cette crise du porc, le cours du cochon reprend actuellement du poil de la bĂŞte. Au MarchĂ© du porc breton, le kilo de carcasse se nĂ©gociait 1,4 euro le kilo, mercredi 15 mars, soit une progression de 25 % par rapport Ă  il y a un an, notamment grâce aux exportations vers la Chine. Le gouvernement a Ă©galement donnĂ© un coup de pouce aux Ă©leveurs l’an passĂ©, en allĂ©geant les charges et les cotisations sociales d’une partie d’entre eux. Reste une inconnue : la consommation des mĂ©nages.

La filière « doit dĂ©sormais concentrer ses efforts sur la promotion de la viande. Se faire accompagner pour contrer les antiviande, qui sont très efficaces sur les rĂ©seaux sociaux Â», jugeait Michel Bloc’h, le prĂ©sident de Triskalia, dans une interview Ă  la presse professionnelle, le 10 mars. « Il faut raconter une histoire au consommateur. Mais il faut que ce soit concret, sinon cela ne dure pas. Â» Après ce nouveau scandale, difficile de savoir si les Français garderont le mĂŞme appĂ©tit pour le porc.

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