L’affaire a été initialement révélée en 2014 par Novaïa Gazeta. Le journal indépendant moscovite avait alors mis au jour l’existence d’un des plus importants trafics de blanchiment d’argent de l’histoire, baptisé “Laundromat” (“laverie”). Ce système avait permis à près de 500 personnalités russes de sortir de Russie près de 22 milliards de dollars (20,4 milliards d’euros), entre 2011 et 2014.

Dans le nouveau volet de l’enquête, publié lundi 20 mars, Novaïa Gazeta apporte de nouveaux éléments sur le fonctionnement de cette nébuleuse financière. Les journalistes ont mené l’enquête en collaboration avec l’Organized Crime and Corruption Reporting Project (OCCRP), un collectif de journalistes d’investigation d’Europe de l’Est, ainsi que les journaux The Guardian et Süddeutsche Zeitung, parmi d’autres.

Novaïa Gazeta a réussi à “obtenir des informations uniques” :

Au total, nous avons passé au crible 76 000 transactions bancaires. […] L’argent provenant de Russie est passé par 732 banques dans 96 pays. Près de 5 140 sociétés en ont bénéficié, domiciliées aussi bien aux États-Unis qu’en Afrique du Sud, en Chine ou en Australie.”

Le schéma a vu le jour en 2010, quand “il est devenu plus compliqué de transférer à l’étranger l’argent russe d’origine douteuse selon le procédé bien huilé des importations fictives”, à la suite de l’automatisation du traçage des marchandises traversant les frontières.

“L’innovation du Laundromat” consistait à faire appel à des juges véreux en Moldavie, “parce que les juges russes [étaient] devenus trop chers”. Une société-écran accordait un prêt fictif à une autre, qui faisait ensuite défaut sur sa dette. Un juge véreux moldave autorisait des créanciers prête-noms à rembourser le prêt.

La somme était envoyée sur un compte bancaire moldave, puis letton, pénétrant ainsi dans l’Union européenne, pour achever son parcours dans les plus grandes institutions bancaires, principalement britanniques et, dans une moindre mesure, américaines.

La complicité du FSB

Une vingtaine de banques russes ont également participé à cette grandiose opération de blanchiment, précise Novaïa Gazeta. Rien que les banques RZB et Zapadny, appartenant à Alexandre Grigoriev (actuellement visé par une autre enquête), ont fait sortir de Russie 10,6 milliards de dollars (9,8 milliards d’euros). Or, sur la période de fonctionnement du “schéma moldave”, la RZB avait des “partenaires très influents”, dont un certain Igor Poutine, le cousin du président russe, qui faisait partie de son conseil d’administration.

Pour ce qui est de la banque Zapadny, elle comptait dans sa hiérarchie un général du FSB, les services secrets russes, Iouri Anissimov, dont le rôle consistait à surveiller l’activité de l’établissement, souligne le journal :

Pendant que la banque Zapadny était sous la surveillance du FSB, près de 930 millions de dollars [862 millions d’euros] ont quitté la Russie via le ‘schéma moldave’.”

L’enquête ne s’arrête pas là ; le journal promet d’ores et déjà de nouvelles révélations à venir.