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Le Mexique regarde tomber ses journalistes

Miroslava Breach, tuée le 23 mars, est le 103e professionnel des médias assassiné depuis l’an 2000 au Mexique. Les mobilisations pour réclamer justice se succèdent.

Par  (Mexico, correspondance)

Publié le 27 mars 2017 à 06h41, modifié le 28 mars 2017 à 09h41

Temps de Lecture 3 min.

Des manifestants, le 25 mars à Mexico, en mémoire de la journaliste Miroslava Breach.

« On ne tue pas la vérité en tuant des journalistes ! », ont scandé des centaines de professionnels de la presse et des médias, mobilisés, samedi 25 mars, à Mexico et dans sept autres villes du Mexique, après l’assassinat de Miroslava Breach, 54 ans. Deux jours plus tôt, la correspondante régionale du quotidien de gauche La Jornada recevait trois balles dans la tête à Chihuahua (nord), capitale de l’Etat du même nom. C’est le troisième meurtre d’un journaliste en mars dans le pays le plus dangereux du continent américain pour la profession, et le 103e depuis 2000, selon Article 19, une organisation qui défend la liberté de la presse. Vingt-trois autres sont toujours portés disparus.

Jeudi 23 mars, à 7 heures du matin, Mme Breach monte dans sa voiture pour conduire son fils de 14 ans à l’école. Cette mère de deux enfants s’agace du retard de l’adolescent resté dans la maison, quand surgit un homme, le visage caché par une casquette et une capuche, qui lui tire dessus. Quatre jours plus tôt à Xalapa (Etat de Veracruz, sud-est), Ricardo Monlui, 57 ans, directeur du journal El Politico, tombait sous les balles de ses agresseurs à la sortie d’un restaurant. Même crime de professionnel, en plein jour, contre Cecilio Pineda, 38 ans, directeur de La Voz de Tierra Caliente, tué le 2 mars dans une station de lavage de voitures à Altamirano (Etat de Guerrero, sud-ouest). Tous enquêtaient sur les cartels de la drogue et la corruption politique.

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Ana Cristina Ruelas, directrice d’Article 19 au Mexique, s’inquiète d’« une hécatombe qui prend de l’ampleur ». L’année 2016 a été la plus meurtrière depuis dix-sept ans, avec onze journalistes assassinés et 426 agressés. Selon une enquête réalisée par l’Université Iberoamericana, 40 % des professionnels de la presse ont été victimes de menaces et autres intimidations de la part du crime organisé mais aussi de fonctionnaires publics.

Impunité presque totale

« Pour ta langue pendue », pouvait-on lire sur le message laissé sur la scène du crime par le meurtrier de Mme Breach, menaçant aussi Javier Corral, le nouveau gouverneur de Chihuahua. Le message était signé par « El 80 », surnom d’Arturo Quintana, chef présumé de « La Linea », bras armé du cartel de Juarez. Depuis un an, la journaliste avait publié plusieurs articles sur l’infiltration du crime organisé au sein des autorités locales. Elle avait même révélé les noms d’élus et de candidats aux élections locales de juin proches de narcotrafiquants. « Ces meurtres instaurent un climat d’autocensure », déplore Mme Ruelas, qui souligne que l’impunité des assassins de journalistes atteint 99,75 %.

Pourtant, l’Etat a créé en 2007 un parquet spécialisé dans les délits contre la liberté d’expression. Depuis cinq ans, un mécanisme de protection des journalistes (gardes du corps, bouton d’alerte, caméras de sécurité…) est aussi destiné aux professionnels en danger. Mme Breach n’avait pas sollicité cette protection, malgré des menaces : 90 % des journalistes ne font pas confiance au système judiciaire, selon l’enquête de l’Université Iberoamericana.

Depuis jeudi, le quotidien La Jornada a consacré quatre « unes » à la mort de sa correspondante et à la consternation qu’elle suscite dans l’opinion. Lundi 27 mars, des dizaines de journalsites ont manifesté à Guadalajara, seconde ville du Mexique. D’autres mobilisations sont prévues toute la semaine aux quatre coins du pays pour réclamer justice.

La profession se mobilise sur les réseaux sociaux avec le mot-clé #YaBastadeBalas (« il y en a assez des balles »). De nombreuses organisations de défense de la liberté d’expression, dont Amnesty International, ont exigé des enquêtes efficaces et l’amélioration du mécanisme de protection. Au danger s’ajoute la précarité pour les journalistes mexicains, qui gagnent entre 4 000 pesos (196 euros) et 12 000 pesos (590 euros) par mois. Pas cher payé pour risquer sa vie à défendre le droit des autres à être informés.

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