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Présidentielle : les immigrés, les médias et Macron, cibles privilégiées des intox

Depuis plusieurs semaines, une mécanique de propagande bien huilée est à l’œuvre pour s’attaquer aux cibles récurrentes de l’extrême droite.

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Publié le 29 mars 2017 à 18h54, modifié le 01 avril 2017 à 08h16

Temps de Lecture 6 min.

Les candidats sont-ils égaux face aux fausses informations ? Ces dernières sont-elles le fait d’un camp en particulier, ou bien l’apanage de certains réseaux bien précis ? Y a-t-il des thèmes de prédilection qui suscitent plus d’intox que d’autres ? L’émergence du débat sur la désinformation en ligne suscite de nombreuses questions.

Les Décodeurs ont analysé les fausses infos qui ont circulé depuis le début du mois de février pour apporter quelques éléments de contexte à ce débat. Il en ressort que, si personne n’est complètement épargné par la rumeur, celle-ci a tout de même quelques cibles de choix, qui font l’objet d’attaques récurrentes de la part de groupuscules passés maîtres dans la désinformation.

  • Notre méthodologie : l’analyse d’un échantillon resserré d’intox flagrantes

Pour notre étude, nous sommes partis du travail mené par l’équipe des Décodeurs et la vingtaine de médias partenaires du projet CrossCheck de lutte contre les fausses informations, dont nous sommes partenaires. Dans ce cadre, nous avons recensé des dizaines de rumeurs qui ont fait l’objet de démentis de la part d’un ou plusieurs médias. Nous avons ensuite concentré notre attention sur celles qui :

  1. ont été partagées au moins 5 000 fois sur Facebook ;
  2. ont émergé à partir du 1er février au plus tôt ;
  3. ont un rapport direct ou indirect avec l’élection présidentielle française ;
  4. ont fait l’objet d’un démenti catégorique, qui invalide complètement la thèse initiale.

Nous avons recensé quinze fausses informations qui répondaient à ces quatre critères (les données sont accessibles ici). Grâce aux données fournies par l’outil d’analyse des réseaux sociaux CrowdTangle (racheté en 2016 par Facebook), nous avons à chaque fois identifié les principaux relais qui ont contribué à la diffuser sur les réseaux sociaux. Soit, au total, 33 articles ou posts Facebook liés à ces rumeurs, qui ont généré à eux seuls environ 840 000 partages sur le réseau social entre le 1er février et le 28 mars, date à laquelle nous avons actualisé notre décompte pour la dernière fois.

  • Les rumeurs les plus partagées concernent l’immigration, les médias, la sécurité et Emmanuel Macron

Bien que notre échantillon couvre une période réduite et ne soit pas exhaustif, il fait apparaître clairement des constantes dans les fausses informations qui polluent la campagne présidentielle. Ainsi, quatre grands thèmes écrasent les autres dans notre recensement : l’immigration (deux rumeurs sur quinze, dont la plus partagée), la sécurité (cinq sur quinze), les médias (trois sur quinze) et Emmanuel Macron (quatre sur quinze) :

15 rumeurs massivement partagées pendant la campagne identifiées par thèmes
Le détail du contenu des fausses informations est disponible au survol

Lorsque l’on regroupe ces rumeurs par thèmes (une rumeur peut être associée à plusieurs), on s’aperçoit que les fausses informations les plus partagées cherchent à faire circuler trois messages clés sur la base d’arguments erronés :

  1. « L’insécurité explose en France » (près de 300 000 partages Facebook) ;
  2. « Les médias vous cachent la vérité » (près de 250 000) ;
  3. « L’immigration est un danger » (près de 240 000).

Les rumeurs qui visent un candidat en particulier, en l’occurrence Emmanuel Macron, n’apparaissent que dans un deuxième temps (près de 200 000 partages) :

Les thèmes qui suscitent les rumeurs les plus partagées pendant la campagne
(Une même rumeur peut être associée à plusieurs thèmes)

En marge du débat politique traditionnel, les fausses informations servent donc avant tout à manipuler les émotions des internautes, à marteler des thématiques chères aux groupuscules qui les relaient et à discréditer les médias qui avancent, eux, des faits vérifiés.

  • Les grosses ficelles de la désinformation

A l’intérieur de cet échantillon des fausses informations qui polluent la campagne présidentielle, on trouve plusieurs pratiques récurrentes de manipulation :

1. Les vraies images sorties de leur contexte. C’est par exemple le cas de l’intox dont nous avons eu connaissance la plus partagée ces dernières semaines. 200 000 internautes ont partagé le seul post Facebook de la page d’extrême droite SOS Racisme anti-blanc le 18 mars et la vidéo qui l’accompagne a été visionnée plus de 15 millions de fois en une dizaine de jours.

A l’image, on voit deux femmes agressées par un homme dans un hôpital. Le message affirmait qu’il s’agissait d’images prises en France, les attribuant à des étrangers ou immigrés. Il s’agissait en réalité d’images authentiques, mais prises dans un contexte bien différent : la scène a été tournée en Russie en février 2017, comme l’a montré CrossCheck.

2. Les faits et les dates manipulés. C’est le cas de trois fausses informations largement partagées ces dernières semaines et démenties par Les Décodeurs :

Ces trois cas de figures ont en commun de partir d’informations avérées, en les déformant pour leur donner un sens complètement différent :

  • le pompier en question a bien perdu un œil, mais en 2013, à cause d’un tir de policier lors d’une manifestation ;
  • le prêtre en question a bien été agressé, mais en 2013, et l’histoire avait été largement relayée par la presse à l’époque ;
  • François Hollande a bien été hué au Salon de l’agriculture, mais en 2016 et pas en 2017, information là aussi largement relayée par les médias, qui sont d’ailleurs eux-mêmes producteurs des images utilisées par la page Facebook à l’origine de l’intox.

3. Les histoires inventées de toutes pièces. C’est notamment le cas de trois rumeurs qui ont visé Emmanuel Macron. Deux d’entre elles, très proches, lui ont attribué le projet de créer une nouvelle taxe pour tous les propriétaires de logements en France, réunissant au total un peu plus de 100 000 partages. Une troisième, plus baroque, affirmait que la campagne du candidat était financée à plus de 30 % par l’Arabie saoudite, sur la base d’un site spécialement créé pour l’occasion, et qui usurpe l’identité du quotidien belge Le Soir.

  • Qui relaie ces fausses informations ?

Notre suivi permet également de donner quelques repères sur les émetteurs des fausses informations. Nous avons ainsi identifié trois grands types de relais :

Deux cas particuliers, plus marginaux, complètent le tableau : le site parodique proche de l’extrême droite BuzzBeed, à l’origine de la rumeur sur le programme économique d’Emmanuel Macron et le site trompeur LeSoir. info, qui usurpait l’identité du site Le Soir pour diffuser une fausse nouvelle.

Voici, catégorie par catégorie, la part de ces relais dans la circulation des fausses informations :

Qui relaie les intox de la présidentielle ?
Part de cinq catégories d'émetteurs dans les partages Facebook identifiés

Principal enseignement : les sites d’extrême droite en eux-mêmes ne sont directement responsables que d’environ 20 % des fausses informations que nous avons étudiées. Plus de la moitié des partages Facebook sont en fait générés par des pages qui ne se présentent pas comme directement affiliées à un site ou un mouvement politique.

Certaines sont facilement identifiables, comme SOS Racisme anti-blanc. D’autres sont en revanche plus trompeuses, comme Je soutiens nos pompiers (17 000 abonnés) ou Ma revue de presse (23 000 abonnés). Malgré un nombre d’abonnés restreints, ces pages ont généré ponctuellement pas moins de 127 000 et 71 000 partages Facebook sur une seule publication.

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Les militants, quant à eux, génèrent également un volume très important de partages (près de 20 % du total). Un quasi-inconnu peut ainsi réunir plus de 30 000 partages avec un post Facebook mensonger et non sourcé.

Il ne faudrait pas sous-estimer pour autant l’influence des sites Web cités plus haut, qui relaient régulièrement de fausses informations. Malgré un palmarès déjà bien fourni (voir ici, ici, ici, ici ou encore ici), le site Dreuz info a obtenu plus de 60 000 partages Facebook sur un article mensonger publié le 26 février.

Voici, dans le détail, les 15 fausses informations dont nous avons analysé la circulation avec, à chaque fois, les faits qui les démentent.

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