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Les moines tibétains de Yarchen Gar sous l’œil de Pékin

Situé dans la province du Sichuan, Yarchen Gar est le second plus grand camp monastique de Chine. Des milliers de bouddhistes y vivent dans des conditions plus que sommaires. Et redoutent leur expulsion par les autorités.

Par  (Yarchen gar, envoyé spécial)

Publié le 30 mars 2017 à 08h00, modifié le 30 mars 2017 à 11h21

Temps de Lecture 3 min.

Dans le camp de Yarchen Gar, le 18 février 2017, des moines passent devant les habitations rudimentaires.

Après Larung Gar, Yarchen Gar est l’autre grand « campement monastique » tibétain. Ici, le processus d’expulsions organisé par le pouvoir de Pékin contre les monastères « rebelles » n’aurait touché, selon les ONG, que quelques centaines de personnes.

Au commissariat de Yarchen Gar, le personnel administratif se contentera d’expliquer que le campement n’accepte plus aucun résident. « De plus en plus de gens viennent s’installer, il n’y a simplement plus de place, seuls les séjours courts sont possibles », nous explique un cadre chinois du Comité de gestion.  « Ce n’est plus comme avant, il y a toutes sortes de nouvelles lois et de règles sous Xi Jinping », poursuit-il. Le cadre promet toutefois de « nouvelles infrastructures », « la construction de routes » et un « centre de service » pour les habitants dont il faut, précise-t-il, « améliorer les conditions de logement ».

Une majorité de femmes

Situé comme Larung Gar dans la préfecture autonome tibétaine de Garzê (Sichuan), à plus de 4000 m d’altitude, Yarchen s’est construit dans la boucle d’une rivière qui descend des hauts plateaux. Une statue géante de Padmasambhava, l’introducteur du bouddhisme tantrique au Tibet au VIIIsiècle, domine le campement. Les maisonnettes se sont agglutinées en cercles concentriques. Beaucoup sont faites de bric et de broc. Des toilettes sèches collectives sont aménagées à divers endroits. L’eau est récoltée dans des puits. Au-delà des dernières maisons, des petites cabanes individuelles parsèment la prairie : ce sont des cellules de méditation, justes assez grandes pour accueillir une personne en position assise.

Le campement a été fondé par Achuk Rinpoche au début des années 1980. Depuis sa mort en 2011, son principal lama dirigeant est Asang Tulku (un tulku étant la réincarnation d’un maître ou d’un lama disparu). Les lamas de Yarchen sont de l’école Nyingma, la plus ancienne du bouddhisme tibétain, mais les étudiants y reçoivent un enseignement œcuménique.

Les nonnes et les pratiquantes femmes forment à Yarchen Gar la grande majorité des quelque 15 000 résidents. Elles occupent le cœur du campement. Les hommes sont en périphérie. Le lever est à 4 h 30, le petit-déjeuner à 7 heures, il y a quatre séances de méditation par jour, de deux à trois heures chacune. Certaines des nonnes partagent des maisons : « On a acheté notre maison 5 000 yuan (environ 700 euros) il y a sept ans », dit une jeune nonne tibétaine de 27 ans rencontrée à l’extérieur de Yarchen, dans un petit restaurant où elle se presse avec deux compagnes autour de bols de nouilles fumantes. Elles disent recevoir 500 yuans (70 euros) par mois du monastère pour elles trois.

  • Fondé au début des années 1980, Yarchen Gar héberge près de 15 000 bouddhistes dont 10 000 femmes. La vie y est rude, rythmée par les séances de méditation. Une statue géante de Padmasambhava, l’introducteur du bouddhisme tantrique au Tibet au VIIIe siècle, domine le campement (toutes les photos ont été prises du 17 au 19 février 2017).

    Fondé au début des années 1980, Yarchen Gar héberge près de 15 000 bouddhistes dont 10 000 femmes. La vie y est rude, rythmée par les séances de méditation. Une statue géante de Padmasambhava, l’introducteur du bouddhisme tantrique au Tibet au VIIIe siècle, domine le campement (toutes les photos ont été prises du 17 au 19 février 2017). Giulia Marchi pour M Le magazine du Monde

  • Yarchen Gar s’est construit dans la boucle d’une rivière qui descend des hauts plateaux. C’est le second plus grand camp monastique de Chine.

    Yarchen Gar s’est construit dans la boucle d’une rivière qui descend des hauts plateaux. C’est le second plus grand camp monastique de Chine. Giulia Marchi pour M Le magazine du Monde

  • La « maison » d’un moine bouddhiste à Yarchen Gar.

    La « maison » d’un moine bouddhiste à Yarchen Gar. Giulia Marchi pour M Le magazine du Monde

  • Au-delà des dernières maisons, des cellules de méditation, justes assez grandes pour accueillir une personne en position assise.

    Au-delà des dernières maisons, des cellules de méditation, justes assez grandes pour accueillir une personne en position assise. Giulia Marchi pour M Le magazine du Monde

  • Les habitations, dont beaucoup sont faites de bric et de broc,  se sont agglutinées en cercles concentriques. Ici, à la périphérie du camp.

    Les habitations, dont beaucoup sont faites de bric et de broc,  se sont agglutinées en cercles concentriques. Ici, à la périphérie du camp. Giulia Marchi pour M Le magazine du Monde

  • Un moine dans une des « rues » du campement Yarchen Gar où vivent environ de 3 000 à 5 000 moines et 10 000 nonnes et femmes pratiquantes.

    Un moine dans une des « rues » du campement Yarchen Gar où vivent environ de 3 000 à 5 000 moines et 10 000 nonnes et femmes pratiquantes. Giulia Marchi pour M Le magazine du Monde

  • Non loin du camp, des jeunes moines dans l’enclos où se trouvent des cabines de bain aménagées sur des sources d’eau chaude.

    Non loin du camp, des jeunes moines dans l’enclos où se trouvent des cabines de bain aménagées sur des sources d’eau chaude. Giulia Marchi pour M Le magazine du Monde

  • Petit-déjeuner à quelques kilomètres du camp, dans un « restaurant » aménagé le long de la route, en face des cabines de bain.

    Petit-déjeuner à quelques kilomètres du camp, dans un « restaurant » aménagé le long de la route, en face des cabines de bain. Giulia Marchi pour M Le magazine du Monde

  • Dans le restaurant où trois jeunes nonnes prennent leur petit-déjeuner de nouilles fumantes. Elle ont acheté leur maison 5 000 yuan (env. 700 euros) il y a sept ans et disent recevoir 500 yuans (70 euros) par mois du monastère pour elles trois.

    Dans le restaurant où trois jeunes nonnes prennent leur petit-déjeuner de nouilles fumantes. Elle ont acheté leur maison 5 000 yuan (env. 700 euros) il y a sept ans et disent recevoir 500 yuans (70 euros) par mois du monastère pour elles trois. Giulia Marchi pour M Le magazine du Monde

  • Des nonnes vont chercher de l’eau pour laver leurs vêtements, à quelques kilomètres du monastère.

    Des nonnes vont chercher de l’eau pour laver leurs vêtements, à quelques kilomètres du monastère. Giulia Marchi pour M Le magazine du Monde

  • Prière et méditations ponctuent la vie monastique, même en plein hiver. La méditation se fait  quatre fois par jour, chacune durant de deux à trois heures.

    Prière et méditations ponctuent la vie monastique, même en plein hiver. La méditation se fait  quatre fois par jour, chacune durant de deux à trois heures. Giulia Marchi pour M Le magazine du Monde

  • Des drapeaux de prière non loin de Tagong, ville de la préfecture tibétaine autonome de Garzê.

    Des drapeaux de prière non loin de Tagong, ville de la préfecture tibétaine autonome de Garzê. Giulia Marchi pour M Le magazine du Monde

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Le petit restaurant a ouvert en face des cabines de bain aménagées sur des sources d’eau chaude où les nonnes font leur toilette. Ailleurs dans le campement, un moine tibétain explique qu’il est là depuis dix ans et a bâti sa propre maisonnette après avoir acheté le terrain l’équivalent de 1 500 euros. Au moins un des religieux croisés à Yarchen reconnaît que des maisons ont été détruites car « il y avait trop de monde ». Mais tous rechignent à évoquer leurs craintes : feront-ils partie des rares élus autorisés à rester ? Quelles concessions devront-ils faire pour cela ?

Ici, les témoins extérieurs ne sont pas les bienvenus. La présence d’un journaliste étranger déclenchera en tout cas un impressionnant dispositif policier. On sera convié à « s’enregistrer » dans l’énorme commissariat situé en retrait du camp, à l’abri d’une colline. Pour s’entendre dire au bout de cinq heures que les étrangers ne sont pas autorisés à rester « plus d’une demi-heure sur place ». Et qu’il est donc nécessaire, en vertu « des lois chinoises », de « quitter le comté [de Baiyu] le lendemain matin avant 9 heures ». Nous le ferons sous escorte, après une nuit passée sous surveillance policière dans un hôtel du bourg situé en dehors du campement.

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