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Joggeuses à Paris : l'enfer du harcèlement de rue

Etre une femme à Paris - Le jogging des Parisiennes est souvent contrarié par des commentaires ou sifflements. Un harcèlement de rue qui influe sur leur pratique.

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"On s’est fait traiter de grosses chattes en plein jogging par un homme qui a pris le temps d’ouvrir la fenêtre de sa voiture!", raconte Laura Durand, une étudiante de 23 ans, consternée. Ce type de commentaire, de nombreuses joggeuses y font face au quotidien. Une étude dressait un constat édifiant aux États-Unis : 43% des coureuses sont victimes de harcèlement lors de leur pratique. Les Parisiennes n’y échappent pas. La plupart se sont déjà fait interpeller par des hommes. Pour la journaliste Marine Périn, sportive aguerrie, "c’est fréquent quand tu es joggeuse. Cela va des remarques dérangeantes aux pseudo-encouragements condescendants." Un harcèlement de rue dont on parle peu, "parce que c’est devenu normal", regrette Laura.

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Certaines expériences peuvent être traumatisantes. Laura est encore marquée par l’une d’elles. Il y a trois ans, lors de sa première année à Paris, en plein jogging avec son amie au Bois de Vincennes, elle remarque "des groupes d’hommes accoudés sur les barrières comme à l’affût". Rapidement, elle comprend qu’elles sont "la cible de leurs regards insistants. L’un d’eux a même passé sa langue sur ses lèvres." Les deux joggeuses décident alors de s’éloigner pour s’étirer. Peine perdue. Là, un autre homme les imite d’une façon moqueuse. La jeune femme décrit ce qu’elle a ressenti :"Instantanément son regard a changé sur moi, j’ai compris que pour lui je n’étais pas une femme qui s’étirait mais une femme en position aguicheuse."

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Jogging moulant, tee-shirt aux couleurs flashy, short, la tenue de sport est en effet considérée par certains hommes comme provocante. C’est le constat de Malika, 22 ans, qui court régulièrement à Paris : "En tenue de sport, je ressens plus les regards. On est plus observée qu’en temps normal." Un jour particulièrement chaud, l’étudiante porte un short pour courir. Elle se fait arrêter par un passant qui lui reproche d’être "dévêtue", alors qu'elle court près de Stalingrad.

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Laura se sent parfois coupable : "Tu te dis que tu es trop moulée mais il ne faut pas tomber dans ce piège." Pour Marine Périn, pas question de céder : "Je cours toujours en short et je me refuse à porter un pantalon."

Choisir où et quand courir pour éviter les commentaires

"Cela m’est peu arrivé au Champ-de-Mars, mais quand je courais au Bois de Boulogne, j’avais souvent affaire à des commentaires ou des sifflements", confie Rachel, une Anglaise de 49 ans. "Je réfléchis au parc dans lequel je cours. Certains sont plus exposés que d’autres."

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Ce n’est pas l’avis de Malika. "Ce n’est pas une histoire d’endroits, c’est partout." Dans le 13e , un étudiant va jusqu’à lui barrer la route pour lui demander son numéro. Les parcs ne sont pas les seuls concernés. Bethany Fraker, une Américaine de trente ans, a déjà eu des commentaires sur les quais de Seine "par des jeunes gens". Sur le groupe Facebook IG-Runneuses, une internaute pose la question : "Pensez-vous qu’il est risqué de courir seule en début de soirée dans les bois?" Dans les 55 commentaires, rares sont les joggeuses rassurées à cette idée. "Les filles adaptent leur comportement sans y penser. Des femmes qui courent la nuit, on n’en voit pas beaucoup", explique Marine Périn. Rachel préfère courir "sur les grands axes", et évite "les chemins sombres", tandis que Malika "ne court jamais la nuit."

Bethany a déjà été dérangée par des hommes sur des bancs ou qui marchaient. (Marie Briand-Locu/IPJ)

Alors, la pratique sportive s’adapte : "Finalement, tu fais ta course en fonction des lieux, tu t’organises et tu as moins de liberté, déplore Marine Périn. Il m’est arrivé de modifier mon parcours parce qu’un homme était en train de me faire des commentaires." Malika a longtemps couru sans écouteurs, parce que sa mère "craignait qu’il lui arrive quelque chose et qu’elle n’entende pas son agresseur arriver."

Dénoncer le harcèlement pour sensibiliser

Certaines font le choix de lutter. La journaliste Marine Périn, ulcérée par le comportement d’un homme, l’a dénoncé sur son compte Twitter au mois de février dernier : "Cela durait depuis des mois. On le croisait à chaque tour du lac, et il nous assénait un commentaire ou un bruit de succion à chaque passage. Un jour, je lui ai balancé 'Bois mes règles, vieux porc!'" Son amie la rejoint quelques minutes plus tard, l’homme lui a craché dessus. Choquée par cette attitude, la journaliste raconte l’agression sur le réseau social. "Des filles m’ont écrit pour me faire part de leur propre histoire. Je voulais sensibiliser à cette cause."

La joggeuse ne compte pas s’arrêter là : "On s’est dit qu’on prendrait une caméra pour compter le nombre d’occurrences." Sur sa chaîne Youtube, Marine Périn multiplie les vidéos pour dénoncer les différents types de harcèlement dans la veine des sites comme Paye ta shnek. Pour Laura, "il faut que les filles arrêtent de culpabiliser. Je pense qu’on en parle peu parce que c’est tabou, et que cela touche à l’intime." La jeune femme conclut avec aplomb : "La seule façon pour éviter que cela devienne une normalité, c’est de témoigner." 

Source: leJDD.fr

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