Présidentielle : l'hommage de Macron à Brahim Bouarram, jeté dans la Seine en 1995

Emmanuel Macron n'a pas choisi l'hommage au hasard : c'est pour lui une manière de rappeler le passé raciste du Front national, en ce 1er mai très politique.

Emmanuel Macron se recueille sur le pont du Carrousel, dans le centre de Paris, pour rendre hommage à Brahim Bouarram, poussé dans la Seine par des militants d'extrême droite le 1er mai 1995.
Emmanuel Macron se recueille sur le pont du Carrousel, dans le centre de Paris, pour rendre hommage à Brahim Bouarram, poussé dans la Seine par des militants d'extrême droite le 1er mai 1995. REUTERS/Philippe Wojazer

    C'est un hommage très politique qu'Emmanuel Macron a rendu lundi matin, au pont du Carrousel, à Paris, là même où avait péri en 1995 Brahim Bouarram, jeune Marocain poussé dans la Seine par un militant d'extrême droite.

    Le candidat d'En Marche! était au côté du fils de la victime, Saïd Bouarram, soutien de Ian Brossat, candidat communiste dans la 17e circonscription de Paris pour les prochaines législatives. A ses côtés également Bertrand Delanoë, l'ancien maire de Paris, qui a lancé vendredi un appel à faire barrage au FN, osant le parallèle avec l'arrivée des nazis au pouvoir dans l'Allemagne des années 1930.

    «Je n'oublierai rien», affirme Macron

    Interrogé par un journaliste sur le fait de savoir si le FN avait changé, Emmanuel Macron a répondu : «Beaucoup de gens s'y sont habitués. Mais pas moi. A-t-il renié cela? Avez-vous encore entendu les propos de la dirigeante du parti d'extrême droite sur le Vél d'Hiv il y a quelques semaines?» Pour l'ancien ministre de l'Economie, «les racines sont bien là. Elles sont vivaces. Les mêmes causes produisent les mêmes effets. Moi, je n'oublierai rien et je me battrai jusqu'à la dernière seconde non seulement contre le projet qu'elle (Marine Le Pen) porte mais contre l'idée qu'elle a de la démocratie et de la République. Ça n'est pas la mienne».

    Après avoir respecté une minute de silence, le candidat a déposé une gerbe près du pont du Carrousel. Des gestes effectués plus tôt dans la matinée par la maire de Paris, Anne Hidalgo, lors d'une commémoration distincte.

    L'entre-deux-tours de Macron sous le signe de l'anti-racisme

    Rendre hommage à Brahim Bouarram est lourd de sens en ce 1er Mai d'entre-deux-tours. Pour Macron, c'est une façon de rappeler le passé violent et raciste du Front national. C'est lors du traditionnel défilé du 1er Mai du Front national à Paris, en 1995, que le Marocain, âgé de 29 ans, avait trouvé la mort. Trois jeunes skinheads s'étaient échappés un moment du cortège avant de tomber sur Brahim Bouarram sur les berges du fleuve. Emporté par sa haine raciste, Mickaël Fréminet avait alors poussé dans le fleuve l'homme qui ne savait pas nager. En 1998, le jeune skinhead, âgé de 19 ans au moment des faits, avait écopé d'une peine de 8 ans de prison ferme.

    Il y a 22 ans, le meurtre de Bouarram intevenait en plein entre-deux-tours de l'élection présidentielle de 1995. Deux jours plus tard, le président François Mitterrand déposait une gerbe de muguet dans la Seine, lors d'un rassemblement contre le racisme qui avait réuni des milliers de personnes autour du pont du Carrousel.

    Après Oradour-sur-Glane vendredi et le Mémorial de la Shoah dimanche, Emmanuel Macron continue donc de miser sur le devoir de mémoire, qu'il soit dans le champ de l'antisémitisme, du racisme ou des atrocités de guerre, à quelques jours du second tour. Une façon de se distinguer, hors du clivage droite-gauche, de Marine Le Pen et de rallier les indécis et abstentionnistes. «Mon combat aujourd'hui, c'est un combat pour que d'autres puissent me combattre démocratiquement, a-t-il glissé sur le pont du Carrousel. C'est la vraie différence avec le FN.»