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Présidentielle 2017

François Ruffin, promoteur de la haine anti-Macron : un inquiétant discours identitaire

Dans le Monde, le fondateur de Nuit debout, François Ruffin, adresse une lettre ouverte à Emmanuel Macron "futur président déjà haï". Une preuve de plus de la convergence entre identitaires de tous bords contre le candidat de "la mondialisation".

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François Ruffin, le réalisateur de "Merci patron", à Amiens en mars 2017 avec les ouvriers de Whirlpool

François Ruffin martèle son mantra sur Emmanuel Macron et la haine qu'il susciterait dans le Monde. Pour mieux la susciter ?

Afp/Bertrand Guay

Macron n’est même pas encore élu qu’il est déjà en état de disgrâce. Pire encore, il est haï comme jamais président (non encore élu ni installé) avant lui. Haï pire que François Hollande. Ou Nicolas Sarkozy. Le débat a même déjà commencé ce vendredi sur RMC, dans l’émission d’Eric Brunet, avec cette question « S’il est élu, Emmanuel Macron sera-t-il d’emblée le président le plus haï de la Ve République ? »

Mazette… Non seulement le temps médiatique s’accélère, mais nous en sommes déjà au temps de la téléportation. Nous voici en 2022, ou en 2027. A juger du bilan du président le plus haï.

Merci François Ruffin.

Il en faut peu pour imposer un débat dans l’espace public. Il suffit d’une tribune, publiée dans le Monde, sous la forme d’une « Lettre ouverte à un futur président déjà haï ». Et signée François Ruffin, évidemment, César 2017 du meilleur documentaire pour Merci patron, fondateur de Nuit debout, candidat aux élections législatives. Aussitôt publiée, aussitôt discutée chez Eric Brunet. De l’extrême gauche ultra à la droite éditoriale assumée. Macron, même pas élu, est déjà dépouillé de son état de grâce. Et de manière très violente.

Quand Ruffin se fait le promoteur de la haine qu'il dénonce

Lisons Ruffin, le compatriote amiénois d’Emmanuel Macron.

"Lundi 1er mai, au matin, j’étais à la braderie du quartier Saint-Maurice, à Amiens, l’après-midi à celle de Longueau, distribuant mon tract de candidat, j’ai discuté avec des centaines de personnes, et ça se respire dans l’air : vous êtes haï. Ça m’a frappé, vraiment, impressionné, stupéfié : vous êtes haï. C’était pareil la veille au circuit moto-cross de Flixecourt, à l’intuition, comme ça, dans les discussions : vous êtes haï. Ça confirme mon sentiment, lors de mes échanges quotidiens chez les Whirlpool : vous êtes haï. Vous êtes haï par « les sans-droits, les oubliés, les sans-grades » que vous citez dans votre discours, singeant un peu Jean-Luc Mélenchon. Vous êtes haï, tant ils ressentent en vous, et à raison, l’élite arrogante".

Et Ruffin de psalmodier, en un style qui n'est pas sans évoquer Céline : "Vous êtes haï, vous êtes haï, vous êtes haï", avant de conclure, sous forme de prédiction menaçante : "Vous êtes haï, monsieur Macron, et je suis inquiet pour mon pays, moins pour ce dimanche soir que pour plus tard, pour dans cinq ans ou avant : que ça bascule vraiment, que la « fracture sociale » ne tourne au déchirement. Vous portez en vous la guerre sociale comme la nuée porte l’orage. A bon entendeur".

Le peuple contre l'élite. Le pays contre le monde. Les oubliés contre les nantis. Les enracinés contre les cosmopolites. Donc, la haine. "A l’intuition, comme ça, dans les discussions" comme l’écrit Ruffin. La haine existe parce que François Ruffin éprouve le sentiment qu’elle existe. Il la sent. Il ne la mesure pas, mais il la reconnait. Sur un circuit de moto-cross. En distribuant des tracts, de passage dans une braderie. Sur le parking de Whirlpool. Partout François Ruffin constate la haine qui se lève contre Emmanuel Macron, à l’heure même où ce dernier, suprême paradoxe, s’apprête à devenir (si l’on en croit les sondages) le huitième président de la Ve République.

En soi, Ruffin seul n’est pas important. Cette haine qu’il prétend constater et qui se "respire dans l’air" (ça doit être étonnant, comme sensation, de respirer de la haine) émane-t-elle de ceux dont il croise le chemin ou est-elle le reflet de son propre état de conscience ? Lui seul le sait. A supposer qu’il le sache.

Mais peu importe la psychologie de François Ruffin et sa plume qui parait comme être tenue par un identitaire. Concentrons-nous sur l’essentiel. Le message du journaliste de formation est publié dans le journal qui fut celui de Beuve-Méry et Viansson-Ponté et il est repris, sous forme de débat légitime et sérieux au micro de l’un des animateurs radio les plus écoutés de France, Eric Brunet. On ne sait si « la haine » se respire partout comme le prétend Ruffin, mais elle est portée dans le débat, à deux jours du second tour d’une élection présidentielle. Et de manière décomplexée.

Cette campagne présidentielle est celle de la recomposition. Et même de la refondation. Le nouveau clivage apparait, qui montre que la ligne de séparation entre droite et gauche va muter dans les années qui viennent, au terme d’un processus qui s’enclenche de manière inexorable, mais n’en est qu’à ses débuts. Progressistes contre conservateurs. Patriotes contre nationalistes. Européens contre identitaires. Les plaques tectoniques de la vie politique française vont bouger. Et une partie de la gauche radicale française est en passe de passer de l’autre côté du miroir, à l’image de François Ruffin, et c’est en cela que sa lettre ouverte fait sens.

Dans la sémantique Ruffin, les lourds échos de la rhétorique identitaire

La campagne présidentielle avait déjà démontré que le candidat Mélenchon était devenu l’idole d’une grande partie de la droite identitaire. Sur fond de détestation (faut-il dire de Haine ?) le candidat des Insoumis, refusant de revendiquer un vote Macron contre Le Pen, est célébré depuis quinze jours par tous ceux qui se reconnaissent en sa défense des frontières sociales. Les souverainistes identitaires de tous bords adorent Mélenchon, pourfendeur de la mondialisation et de l’Europe qui refuse de se plier aux injonctions du camp du bien et de la bien-pensance le sommant d’annoncer son vote Macron…

Au fond, ne lui en déplaise, Rufin fait écho aux identitaires. Ce qu’il dit de Macron est ce qu’ils en disent. Il suffisait d’écouter, par exemple, des propos tenus à l’encontre d’Emmanuel Macron dans l’Emission politique diffusée sur France 2 ce jeudi soir. L’un des interlocuteurs y a décrit le candidat d’En Marche comme un "libéral libertaire", qui n’est soutenu que par "un petit nombre de personnes progressistes, européistes et libérales de droite et de gauche", porté par un nombre limité d’électeurs, concluant que l’élection présidentielle est en fait un referendum entre "mondialisation et civilisation". Du Ruffin dans le texte. Ou du Polony. Ou du Zemmour. Ou du Finkielkraut. Ou du Onfray. Ou du Debray. Ou du Todd.

Le propos était tendu par une certaine forme de détestation qui n’est pas sans faire écho à la lettre ouverte de Ruffin. La forme en était plus accorte, mais quant au fond, la conjonction est patente. La victoire probable d'Emmanuel Macron est une contrariété pour tous ceux qui rêvaient, issus de tous horizons, d'une France prolongeant les sinistres votes Trump ou Brexit. Mais cela n'aura pas lieu. La "haine" que Ruffin "respire dans l'air" est aujourd'hui minoritaire. Et visiblement, cela contrarie les plans de tous ceux qui la pensaient majoritaires, et constatent, amers, leur cruelle défaite idéologique. Il ne faut jamais désespérer des Français.

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