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ÉTATS-UNIS

Limogeage du patron du FBI : un faux air de Watergate

La décision de Donald Trump de limoger le patron du FBI a été comparée à celle de Richard Nixon de renvoyer le procureur en charge de l'enquête sur le Watergate. Un parallèle facile mais pas tout à fait exact.

Richard Nixon et Donald Trump ont tous les deux renvoyé un officiel qui enquêtait sur eux.
Richard Nixon et Donald Trump ont tous les deux renvoyé un officiel qui enquêtait sur eux. Studio France 24
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À l’aide, Nixon est de retour. En limogeant, mardi 9 mai, le patron du FBI, James Comey, le président américain Donald Trump est comparé à Richard Nixon lorsqu’il s’était séparé en 1973 d’Archibald Cox, le procureur chargé d’enquêter sur le scandale du Watergate. Pour les détracteurs de l’actuel locataire de la Maison Blanche, il ne peut y avoir meilleur parallèle : ce précédent - entré dans l’histoire américaine sous le nom de "Saturday Night Massacre" [le massacre du samedi soir, en anglais] - a entraîné une crise constitutionnelle et accéléré la déchéance de Richard Nixon.

La comparaison historique paraît séduisante. Donald Trump s’est débarrassé de l’homme chargé d’enquêter sur les liens possibles entre son entourage et la Russie, tout comme le 37e président avait écarté celui qui était devenu sa bête noire dans la célèbre affaire d’espionnage politique. Acculé de toute part, pressé par l’opinion et la justice de fournir les fameux enregistrements de la Maison Blanche, Richard Nixon avait jugé qu’il était politiquement moins dommageable de renvoyer Archibald Cox que de divulguer le contenu des bandes.

"Nixon doit être en train de sourire"

"C’est la première fois depuis le Watergate qu’un président en exercice a l’audace de limoger la personne chargée d’enquêter sur lui", rappelle, mardi 9 mai, le quotidien américain New York Times. Outre-Manche, le Financial Times enfonce le clou : "Richard Nixon avait pris cinq mois pour virer l’homme qui enquêtait sur lui, Donald Trump s’est décidé en moins de quatre mois".

(En Anglais) La chaîne NBC annonce le limogeage du procureur spécial en charge du Watergate en 1973

Le président se doutait que la comparaison allait être faite et a tenté de déminer le terrain dans la lettre de renvoi. Il y souligne que le patron du FBI lui avait assuré "par trois fois qu’il n’y avait pas d’enquête sur lui". Circulez, il n'y a rien de russe à voir, semble prétendre Donald Trump. James Comey paie, en fait, le prix de ses erreurs durant l’enquête sur les courriels d’Hillary Clinton, a assuré le procureur général Rod Rosenstein, dans son mémorandum pour justifier la décision présidentielle.

Rares sont, cependant, ceux qui ont pris cette justification pour argent comptant. "C’est absurde. Peut-on raisonnablement croire que Donald Trump a renvoyé James Comey parce qu’il a été injuste avec Hillary Clinton ?", note Michael Waldman, président du Brennan Center for Justice à l’Université de New York. Donald Trump a, en effet, passé une grande partie de sa campagne présidentielle à attaquer sa rivale sur l’utilisation d’un serveur privé pour envoyer des emails, parfois sensibles.

Même dans le camp républicain, le limogeage du patron du FBI a du mal à passer. "Richard Nixon doit être en train de sourire, où qu’il soit", a estimé Roger Stone Jr, un conseiller républicain pourtant réputé proche de Donald Trump. Richard Burr, le président républicain de la Commission du Renseignement du Sénat, a déploré "une perte pour le FBI et la nation", tandis que le sénateur de l’Arizona Jeff Flake se perd en conjectures : "J’ai passé les dernières heures a essayé de trouver une justification acceptable au renvoi de James Comey. Je n’ai pas réussi".

Là, encore, difficile d’échapper au parallèle avec le Watergate. Le limogeage du procureur spécial en 1973 avait sapé une partie des soutiens dont Richard Nixon bénéficiait dans le camp républicain. C’est même à la suite de cette décision que deux résolutions pour entamer une procédure de destitution furent déposées à la Chambre des représentants.

Un procureur spécial n’est pas le patron du FBI

Donald Trump n’en est pas encore là. Et les détracteurs du président auront beau jouer encore et encore la carte du Watergate, il existe des différences de taille entre les deux époques.

D’abord, comme le soulignent les responsables de la bibliothèque présidentielle Richard Nixon, l’ancien président ne s’est jamais attaqué à un personnage aussi haut placé que le directeur du FBI. En outre, James Comey est un fonctionnaire de l’exécutif comme un autre et "peut être renvoyé à n’importe quel moment par le président qui n’a pas à se justifier", rappelle Elizabeth Price Foley, professeur de droit à l’Université internationale de Floride.

De son côté, Archibald Cox était protégé par son statut de procureur indépendant et Richard Nixon a dû renvoyer deux procureurs généraux qui s’opposaient au limogeage avant d’en trouver un troisième, qui accepte de se plier à la volonté présidentielle.

Donald Trump n’est, en outre, pas le seul ennemi de James Comey. Il n’aurait probablement pas survécu à une victoire d’Hillary Clinton non plus. L’ex-candidate démocrate le tient en partie pour personnellement responsable de sa défaite. L’annonce par le directeur du FBI, à onze jours du scrutin présidentiel, qu’il reprenait l’enquête sur les courriels d’Hillary Clinton "a été très préjudiciable à l’adversaire de Donald Trump", rappelle le New York Times.

Cinq jours après avoir reçu le soutien officiel du candidat républicain, James Comey se mettait, cette fois-ci, à dos les républicains en assurant qu’il n’avait rien trouvé de dommageable. Donald Trump avait estimé que le haut fonctionnaire avait plié face au pouvoir en place et avait bâclé son travail.

Qui après Comey ?

Les deux interventions publiques du patron du FBI "violaient aussi les règles du département de la Justice qui veulent que ce genre d’annonce soit du ressort du procureur général", rappelle Dan Farber, professeur de droit à l’Université de Berkeley, en Californie.

James Comey est donc loin d’avoir la réputation irréprochable d’un Archibald Cox. En fait, il n’y aurait probablement pas eu grand monde pour s’émouvoir de son limogeage s’il avait été décidé par un autre que Donald Trump, estime le site économique Quartz.

Pour savoir à quel point la situation actuelle est comparable avec l’époque de Nixon, il faudra attendre la nomination du successeur de James Comey. Le procureur nommé en 1973 pour reprendre l’enquête sur le Watergate s’était montré tout aussi inflexible qu’Archibald Cox et avait fini par obtenir les enregistrements de la Maison Blanche… et la démission du président dans la foulée.

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