Mardi 25 avril, préfecture de police de Paris. Un hommage national est rendu à Xavier Jugelé, le policier assassiné de deux balles en pleine tête quelques jours plus tôt sur les Champs-Elysées à Paris. Pour la première fois, un homme, Etienne Cardiles, dit publiquement « je t’aime » à son compagnon décédé, dans un cadre officiel, en présence du président de la République, François Hollande, sous les yeux de nombreux téléspectateurs.
Pareille scène aurait-elle pu avoir eu lieu avant le vote de la loi sur l’ouverture du mariage et de l’adoption en mai 2013 ? Ce texte, porté par la ministre de la justice Christiane Taubira, restera sans doute comme l’une des principales avancées du quinquennat. Avec lui, l’homosexualité et l’homoparentalité se sont banalisées. Plusieurs dizaines de milliers de mariages entre personnes de même sexe ont depuis été célébrés sans heurts. La fierté des députés de gauche scandant les mots « égalité ! égalité ! » le 23 avril 2013, lors du vote définitif du texte, après un débat parlementaire homérique, demeurera comme l’un des temps forts de la législature.
Cette promesse a été tenue. Mais à quel prix ? Des mois de manifestations monstres et d’âpres controverses qui semblent avoir épuisé les forces réformatrices du gouvernement sur les questions de société. C’est l’autre fait majeur du quinquennat : l’émergence d’un mouvement catholique conservateur, jeune, mobilisé, décidé à défendre ses valeurs. Le gouvernement ne l’a pas vu venir, et n’a pas voulu lui résister davantage après l’adoption de son projet phare. La vision libérale portée par le candidat Hollande en 2012 en a fait les frais. L’abandon d’une partie des promesses de cette époque a sans doute joué un rôle dans la perte de confiance des électeurs de gauche.
« Apaiser » la société
Le plus symbolique des renoncements a été l’abandon de l’ouverture aux couples de femmes de la procréation médicalement assistée (PMA), promise par François Hollande pendant sa campagne et soutenue par une partie des élus de gauche. Maintes fois annoncée, maintes fois repoussée, la mesure a définitivement été enterrée par l’ancien premier ministre Manuel Valls en février 2014, au lendemain d’un défilé de La Manif pour tous. Une nouvelle feuille de route était désormais fixée : « apaiser » une société française prête à accepter l’union homosexuelle, mais plus réservée à la perspective de voir les règles de la filiation modifiées. Au passage, une loi très attendue sur la famille, qui devait aborder les droits de l’enfant, l’adoption, l’accès aux origines personnelles, les droits au sein des familles recomposées, est tombée aux oubliettes.
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