C’est un chiffre sensible et attendu, tant l’affrontement entre partisans et opposants du loup est vif. La population de Canis lupus a maintenant atteint 360 individus en France, contre 292 lors du dernier comptage publié en 2016, soit une hausse de 23 %, selon les données du réseau Loup-Lynx de l’Office national de la chasse et de la faune sauvage (ONCFS), mises en ligne mardi 23 mai. Le territoire dénombre également 42 meutes, contre 35 auparavant.
Ces statistiques doivent encore être consolidées mais elles donnent d’ores et déjà une bonne idée de l’évolution de l’espèce, dont la croissance repart à la hausse, après deux années de stagnation. Une aubaine pour le gouvernement accusé par les associations de mettre en péril la conservation de cet animal protégé en augmentant les abattages.
Le prédateur, revenu naturellement dans les Alpes en 1992 après avoir disparu dans les années 1930, continue donc de coloniser de nouveaux territoires. Le nombre de zones de présence permanente est désormais de 57, soit 8 de plus qu’à la fin du suivi hivernal de 2015-2016. Ces nouvelles zones se situent essentiellement dans les trois départements des Alpes, ainsi qu’en Isère, en Savoie, dans les Bouches-du-Rhône et dans l’Hérault.
« Nous attendons les chiffres définitifs, mais on est loin d’une population en forte expansion. Elle a juste repris son souffle », juge Madline Reynaud, la directrice de l’Association pour la protection des animaux sauvages, qui craint que ces données ne « cautionnent de nouveaux tirs ».
Viabilité de l’espèce
Ces données étaient également guettées par les scientifiques pour se prononcer sur la viabilité de l’espèce. En mars, quatorze d’entre eux avaient publié la première expertise collective biologique sur le devenir du prédateur dans l’Hexagone, sous la coordination du Muséum national d’histoire naturelle et de l’ONCFS. Ils avaient calculé que la mortalité du prédateur, toutes causes confondues, s’était élevée à 22 % par an en moyenne entre 1995 et 2013. Et ils suggéraient qu’elle pourrait avoir atteint, pour la période 2014-2016, où les abattages légaux ont augmenté, le seuil critique de 34 % à partir duquel les effectifs du canidé cesseront de croître avant de diminuer. Les nouveaux chiffres montrent que ce n’est donc pas le cas.
« Il faut rester très prudent. Cette hausse peut s’expliquer par un environnement naturel et climatique favorable, qui ne se reproduira pas forcément, estime Yvon Le Maho, écophysiologiste [université de Strasbourg-CNRS], qui a présidé l’expertise collective. Rien ne prouve qu’avec le même taux d’élimination on aura la même croissance de la population l’an prochain. »
Hausse des abattages
Ces dernières années, le gouvernement n’a cessé de relever le plafond du nombre de loups tués légalement. Ces animaux sont « prélevés » – c’est-à-dire abattus – au titre de dérogations à leur statut de protection pour tenter de limiter les attaques sur les troupeaux. Le plafond est actuellement fixé à trente-huit animaux sur la saison 2016-2017. Trente-sept ont déjà été tués.
Les services du tout récent ministère de la transition écologique et solidaire sont en train de rédiger de nouveaux arrêtés-cadres pour la prochaine saison 2017-2018. Ces textes devraient être soumis à une consultation publique dans les prochains jours, avant d’entrer en vigueur d’ici à la fin juin.
Reste que les abattages légaux ne parviennent pas à limiter la prédation sur le bétail. Le nombre de brebis tuées par les loups s’est progressivement alourdi au fil des années. On en a dénombré 9 788 en 2016, essentiellement dans les Alpes-Maritimes, contre 8 964 en 2015, 4 920 en 2011, 3 800 en 2005 et 1 500 en 2000.
« Les tirs de prélèvement sont inutiles tels qu’ils sont réalisés actuellement, souvent loin des troupeaux attaqués, dénonce Madline Reynaud. Ils ne servent qu’à calmer les éleveurs, mais ne permettront pas une vraie cohabitation. »
La Fédération nationale ovine, de son côté, considère que « la présence du loup est incompatible avec l’élevage ». « Nous avons travaillé pendant un an dans des ateliers avec le ministère pour trouver des solutions. La croissance de la population lupine marque l’échec de cette politique, regrette Claude Font, le secrétaire général adjoint du syndicat, chargé du dossier. Nous allons maintenant changer de ton. »
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