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Politique

Quand Onfray et Finkielkraut relancent la guerre culturelle contre Macron

La victoire de Macron, progressiste élu contre la domination des conservateurs et souverainistes dans les médias, a pris au dépourvu les intellectuels hostiles. Exemple avec Michel Onfray et Alain Finkielkraut, incapables de comprendre pourquoi leurs idées ont été battues.

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Michel Onfray et Alain Finkielkraut

A droite comme à gauche, de Finkielkraut à Onfray, l’heure de la remobilisation des nostalgiques de la France d’avant fantasmée sonne déjà.

(c) AFP

La guerre culturelle continue. Et Emmanuel Macron n’y échappera pas. A droite comme à gauche, de Finkielkraut à Onfray, l’heure de la remobilisation des nostalgiques de la France d’avant fantasmée sonne déjà. Les deux hérauts du souverainisme, du conservatisme et de l’identité étaient d’ailleurs ce lundi soir les invités d’Olivier Galzi, sur le plateau de Cnews, conviés là à dire ce qu’ils pensaient de la victoire de Macron, de son progressisme, de son ouverture au monde, de son penchant pour l’Europe et de son goût pour la diversité culturelle à la française…

Etonnant choix d’ailleurs, que de quémander l’opinion de ces deux-là. Qui confesse la fascination de la sphère médiatique pour les tenants de la fermeture et du conservatisme, en ses multiples facettes… Après le Brexit et Trump, la sphère avait programmé l’avènement de la fermeture et du conservatisme… Au mieux, elle attendait Fillon. Et Sens commun. Et la Manif pour tous. Et l’insécurité culturelle en bandoulière. Au pire, elle guettait Le Pen. Et la sortie de l’Euro. Et la préférence nationale. Et la grande division française.

Bref, la sphère, après avoir starisé l’ensemble protéiforme des enfermés et des conservateurs, avait comme fini par penser elle-même que l’image qu’elle offrait à voir au peuple était devenue vérité. Zemmour et Polony le matin, sur RTL et Europe 1. Finkielkraut et Onfray chez Taddeï et Ruquier le soir sur France 2. Et bien d’autres, ici et là, où l’on discute et dispute les moindres soubresauts de l’actualité… Tous étaient dans la place, en majesté. Partout, la Réac académie. Depuis dix ans. Et tous annonçaient la fin du politiquement correct, des idéaux progressistes, et d’une certaine idée de la France. La sphère les avait créés et elle en était contente. La triangulation de Gramsci était accomplie et l'hégémonie culturelle acquise grâce à eux. Leurs audiences, partout où ils étaient produits, confirmaient l’intuition. 

La réalité inventée par la sphère médiatique

La France avait viré au souverainisme, à l’identitarisme, au conservatisme… Il était dit, écrit et acté que les tenants de cette ligne avaient remporté la guerre culturelle. En conséquence, nécessairement, il était dit, écrit et acté que les élections de 2017 consacreraient la réalité inventée par la sphère médiatique.

La sphère, ancrée dans le monde ancien habité par les prophètes du monde ancien, n’a pas vu venir Macron. Elle l’a même longtemps nié. Faut-il ici rappeler les refrains des derniers mois? "Il n’a pas de parti", "Il doit aller à la Primaire du PS", "Fillon est déjà élu", "C’est une bulle médiatique", "Il va s’effondrer, son socle d’adhésion est faible", "Marine Le Pen va le tuer pendant le débat", jusqu'à ce tweet d’une vedette télévisée de l’ancien monde, proclamant le jour de l’affrontement entre Macron et Le Pen sur le parking de Whirlpool, "Emmanuel Macron est peut-être en train de perdre cette élection présidentielle"… Bien vu…

Donc, la sphère a été prise au dépourvu. Comment est-il possible que ce qui devait advenir n’est pas advenu? Pourquoi cette victoire de Macron l’européen, l’homme qui plaide l’adaptation à la mondialisation, le libéral de gauche? Ce n’est pas ce qui devait émerger. Il y a eu un problème. Il y a certainement une explication à cet accident de l’histoire.

Donc, on convoque les prophètes favoris de la sphère de l’ancien monde. Ici, on demande à Alain Finkielkraut et Régis Debray, deux partisans de la fermeture, du conservatisme, de l’identitarisme et du souverainisme d’éclairer la France. Et là, le soir, sur Cnews, encore Finkielkraut, mais cette fois-ci avec Michel Onfray. Deux incarnations de la fermeture, du conservatisme etc.

L'art de fabriquer des images

Il faut regarder ce passionnant débat entre Onfray et Finkielkraut. Qui montre que, malgré la défaite et le désaveu que leur a infligé la victoire de Macron, les enfermés et conservateurs des deux rives continuent la guerre culturelle contre celui qui ne devait pas advenir. Malicieux, Olivier Galzi leur glissera même, à la fin des échanges, "qu’il semble que le Macronisme vous rapproche", sous-entendu dans l’opposition au Macronisme.

Il est vrai que sur les thèmes soumis à leur réflexion, "Conservateurs/Progressistes, le nouveau clivage?", "identité, angle mort du macronisme?", "Macron, en marche vers un nouveau monde?", les deux philosophes à réaction(s) ont paru partager la même vision du monde… Faut-il s’en étonner? Rien ne ressemble plus à un nationaliste qu'un autre nationaliste, un identitaire à un identitaire. La vertu de ce débat était finalement de démontrer que sur les deux rives du clivage du monde ancien, il est possible de partager une même vision globale de la France dans le monde. Et de s’emmurer dans la nostalgie mortifère.

Mais le plus riche enseignement de ce débat est ailleurs. Il réside dans l’explication que deux grands vaincus de l’histoire ont donné de la victoire de Macron.

Au fond, ont-ils estimé de concert en commentant les images de la victoire du 7 mai, le revoyant paraître au pied de la pyramide du Louvre, tout cela n’est que de la communication. Rien que de la communication.  "Ça commence comme de Gaulle et ça finit comme Trump" a estimé Michel Onfray mettant en cause au passage la sphère : "Le commentaire que vous faites est de la communication dans la communication qui fait partie du plan". Auparavant, Alain Finkielkraut avait formulé le même diagnostic, rappelant "qu’il y avait un grand concert de Rap avant la déambulation majestueuse" et que Macron chante la Marseillaise comme les Américains, la main sur le cœur, "ce qui n’est pas la tradition française". Et de rappeler que la politique, ce n’est pas l’art de fabriquer des images.

Nous y sommes: Macron, c'est que de la com’, ainsi ont conclu les deux intellectuels médiatiques. Ce qui nous amène à conclure sur deux remarques.

Nos deux philosophes ignorent que la politique, art du juste geste, est par ontologie communication. En vrac, Pisistrate, Louis XIV, Bonaparte et Clemenceau ont été les précurseurs des présidents communicants d’aujourd’hui. Parler de "communication politique" est une tautologie.

Enfin, réduire la victoire d’Emmanuel Macron à une affaire de communication révèle l’aveuglement des deux philosophes et de ceux qui les adulent. "Ce n’est pas la fermeture conservatrice qui a perdu, c’est la com’ de Macron qui a gagné". En substance: Nous avons perdu, mais en réalité, nous sommes les plus forts, parce que c’est nous, encore nous, toujours nous, que la sphère convoque pour que la vérité continue à être annoncée. Pas une seule interrogation sur le fait que les Français ont choisi un candidat qui portait le message radicalement contraire à leur prophétie.

Zéro doute. Zéro questionnement. Finkielkraut, Onfray et les autres n’ont rien appris, rien oublié. Rien vu, rien entendu, rien compris. Macron a gagné, ce n'est pas grave, c'est nous qui avions raison. Et nous continuerons, inlassablement de nous vautrer dans la nostalgie décliniste. Du côté des camps souverainiste et conservateur, il est là matière à interrogation: la guerre culturelle est-elle une chose trop sérieuse pour être confiée à des philosophes sourds et aveugles?

 

 

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