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Top départ pour le chantier du plus grand télescope au monde

Inauguré vendredi par la présidente du Chili Michele Bachelet, le lancement du chantier de l’ Extremely Large Telescope va doter l’Europe du grand télescope optique au monde.

Par Yann Verdo

Publié le 27 mai 2017 à 10:28

Le vent cinglant et glacial qui soufflait vendredi au sommet du mont Armazones, à 3.046 mètres d’altitude, a contraint les responsables de l’Observatoire européen austral (ESO) à changer au dernier moment leurs plans. C’est donc à l’abri des murs de l’Observatoire du mont Paranal, situé lui aussi au beau milieu de ce paysage lunaire qu’est le désert d’Atacama, à une vingtaine de kilomètres à vol d’oiseau du mont Armazones, que la présidente du Chili Michele Bachelet est venue officiellement - et symboliquement - « poser la première pierre » du futur Extremely Large Telescope (ELT).

Successeur de l’actuel Very Large Telescope (VLT), un ensemble de quatre télescopes aux miroirs de 8,2 mètres de diamètre se dressant au sommet du mont Paranal, l’ELT est un des plus grands équipements scientifiques jamais conçus. Initié en 2005 et crédité d’un budget d’un milliard d’euros, ce projet européen entre désormais dans sa phase de construction. Et que ce soit en France, aux Pays-Bas, en Suède ou dans n’importe lequel des quinze pays européens membres de l’ESO - que rejoindra prochainement le Brésil -, les astronomes attendent avec impatience que ce monstre de métal ouvre l’oeil et reçoive, selon leur expression consacrée, sa « première lumière » - ce qui est prévu pour fin 2024.

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Un seul chiffre résume à lui seul l’énormité de l’engin : le diamètre de son miroir principal (ou réflecteur), qui sera de 39,3 mètres - les projets initiaux, plus ambitieux encore, ont été ramenés sous le seuil des 40 mètres pour permettre au budget de ne pas dépasser la barre fatidique du milliard d’euros. Plus la surface d’un miroir est grande, plus celui-ci collecte de lumière et plus il rend visibles des objets faiblement lumineux.Grâce à son miroir démesuré, « l’ELT collectera à lui seul plus de lumière que tous les grands télescopes terrestres actuels réunis », a déclaré Tim de Zeew, directeur général de l’ESO.

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Le saut par rapport au VLT est considérable. « A temps de pause équivalent, l’ELT donnera accès à des objets 25 fois moins lumineux que son prédécesseur », précise Marc Cayrel, chef de projet des optiques du futur télescope.Moins lumineux parce que plus petits ou dénués de rayonnement propre, comme les exoplanètes. Ou bien encore parce que, quoiqu’intrinsèquement très lumineux, incroyablement lointains. « La brillance d’un objet décroît avec le carré de la distance qui nous en sépare. Dire qu’un objet est 25 fois moins lumineux qu’un autre revient donc à dire qu’il se situe 5 fois plus loin. En d’autres termes, l’ELT va multiplier par cinq la taille de l’univers observable », explique Denis Mourard, de l’Observatoire de la Côte d’Azur.

Si pratiquement tous les secteurs de la recherche en astronomie et en astrophysique sont directement concernés par l’avènement de l’ELT, celui-ci concentrera l’essentiel de ses observations autour de deux grands axes. L’un a trait à ce que nous pourrions appeler, nous autres Terriens, notre proche banlieue, puisqu’il s’agit des exoplanètes. La totalité des quelque 3.600 planètes extra-solaires détectées et confirmées à ce jour tournent autour de l’une ou l’autre des 100.000 milliards d’étoiles de notre galaxie, la Voie lactée : notre environnement immédiat, si l’on peut dire, eu égard aux espaces incommensurables séparant entre elles les myriades de galaxies qui peuplent l’univers.

Dans un rayon de plus de 25 années-lumière, l’ELT sera capable de voir des exoplanètes rocheuses, d’une taille similaire à la Terre et situées dans la « zone d’habitabilité » de leur étoile où la température ni trop basse ni trop élevée permet de supposer l’existence d’eau liquide à la surface. Autrement dit, de tous les mondes aujourd’hui recensés, ceux qui nous intéressent le plus, puisque les plus susceptibles d’abriter une forme de vie semblable à celle qui s’est développée sur la Planète bleue.

Attention à ce qu’on entend par « voir », cependant. « Cela restera un point, prévient Denis Mourard. Pour obtenir l’image d’une surface avec son aspect caractéristique, il faudrait des télescopes de taille kilométrique ! » Mais le simple fait de voir un point correspondant à une exoplanète qu’on n’avait fait jusqu’ici que détecter indirectement n’est pas un mince progrès, loin de là. « Nous allons passer de la simple détection à la caractérisation des exoplanètes », explique Denis Mourard.

Précieuses informations

En masquant la lumière de l’étoile à l’aide d’un coronographe afin d’isoler la seule lumière reflétée par la planète, les astronomes pourront en effet récolter de précieuses informations sur celle-ci. Les faibles photons recueillis par le miroir géant les renseigneront sur son rayon, sa masse et sa température probables… Surtout, l’analyse de cette lumière à l’aide des spectrographes qui équiperont le télescope leur permettra de décomposer en ses différents éléments chimiques l’atmosphère que ces photons auront traversée. Et si c’était pour y détecter, par exemple, la présence de traces de méthane, guère explicables sur Terre autrement que par l’existence à sa surface d’une forme de vie organique ?

Le second grand axe se situe, lui, à l’autre bout de l’échelle, du côté du très, très lointain. Très, très lointain dans l’espace, et donc dans le temps, puisque la lumière émise par ces objets des confins de l’univers a mis des milliards d’années pour nous parvenir.

Des images quinze fois plus précises que Hubble

Ce que l’ELT dévoilera alors sous nos yeux, c’est la prime enfance de notre univers vieux de 13,7 milliards d’années. Une époque infantile que les cosmologues ont baptisée les « âges sombres », de façon assez trompeuse puisque cet univers primordial était uniformément baigné d’un rayonnement chaud et brillant dont le fond diffus cosmologique, récemment cartographié par le satellite Planck, constitue la première image. Cette appellation d’âges sombres ne doit sa raison d’être qu’au fait que, en ces temps reculés, quelques centaines de milliers d’années seulement après le Big Bang, étoiles et galaxies n’avaient pas encore eu le temps de se former et de consteller le ciel.

Ce sont ces toutes premières galaxies de l’univers primordial, bien différentes de celles qui sont apparues par la suite (dont la nôtre) que va donner à voir l’ELT. « Celui-ci nous fournira de l’univers lointain des images quinze fois plus précises que le télescope spatial Hubble », souligne Marc Cayrel. Ce sera bien utile pour séparer la lumière émise par ces galaxies ultra-lointaines de celle du fond diffus cosmologique dans lequel elles baignent. Un passionnant voyage dans le temps qui commence sur un plateau aride du désert d’Atacama, dans le nord du Chili.

Yann Verdo

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