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SYRIE

La coalition internationale bombarde Raqqa au phosphore blanc

Capture d'écran d'une vidéo de propagande montant un bombardement de la coalition sur Raqqa le 8 juin. On reconnaît le faisceau typique des bombes au phosphore blanc.
Capture d'écran d'une vidéo de propagande montant un bombardement de la coalition sur Raqqa le 8 juin. On reconnaît le faisceau typique des bombes au phosphore blanc.
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Des vidéos très explicites, confirmées par les militants de l’opposition syrienne, le montrent : la coalition internationale conduite par les États-Unis a effectué en fin de semaine dernière plusieurs bombardements au phosphore blanc sur la ville de Raqqa, fief syrien de l’organisation État islamique. Ce composant, qui peut brûler et tuer une personne, est pourtant interdit dans des zones où les civils sont proches des forces armées.

Ces bombardements viennent s’inscrire dans l’opération de reprise de la ville de Raqqa menée depuis mars 2017 par la coalition internationale et ses alliés. Ils ont eu lieu jeudi, vendredi et samedi, pendant que les forces démocratiques syriennes (FDS), une alliance de forces arabo-kurdes, renforçaient leurs positions dans l’ouest de la ville, où elles ont réussi à entrer le 6 juin, avant de poursuivre leur avancée vers le Nord. Les FDS sont soutenues dans leur lutte contre l’EI par la coalition internationale, créée en 2014 et dirigée par Washington, qui leur assure un appui aérien et au sol, en plus des armes et des munitions.

Les images des bombardements de Raqqa qui circulent sur les réseaux sociaux sont explicites : on y voit l’explosion typique des bombes au phosphore blanc, qui provoque un faisceau de traits de fumée blanche.

Vidéo publiée par des activistes de Raqqa, opposants à l'EI.

"Créer des incendies, provoquer des asphyxies et des brûlures"

Selon Wassim Nasr, journaliste à France 24 et expert de l’EI, "le but officiel de l’usage de ces armes est de créer des écrans de fumée, afin de permettre aux civils de fuir. Mais, officieusement, les bombes au phosphore visent à créer des incendies afin de déloger les jihadistes, voire à provoquer des asphyxies et des brûlures".

Sauf que les civils peuvent subir les mêmes effets. Les bombes au phosphore blanc sont en effet composées d’un produit chimique, qui réagit au contact de l’air en créant un épais nuage blanc. Touchée par ce nuage, une personne peut être brûlée jusqu’à l’os et périr de ses blessures.

L’usage du phosphore blanc est interdit par le Protocole sur l’interdiction ou la limitation de l’emploi des armes incendiaires contre des objectifs militaires si ceux-ci ne sont pas clairement séparés de l’emplacement des civils. C’est justement le cas à Raqqa, où l’on estime le nombre d’habitants demeurés dans la ville à 160 000. Côté jihadiste, et malgré un armement conséquent, ils ne seraient plus que 500, selon les estimations du Pentagone, les commandements ayant déjà fui la ville vers la province voisine de Deir-El-Zor.

"Ce genre d’images sert la propagande de l’EI. Certains habitants peuvent même choisir de les rejoindre par réaction"

Pour Rami Jarrah, reporter et militant de l’opposition syrienne de la première heure, qui se trouve aujourd’hui en Turquie, non loin de la frontière syrienne, ces bombardements reflètent une politique deux poids deux mesures de la coalition internationale:

J’ai l’impression de revivre l’offensive d’Alep, avec des civils qui font les frais d’une opération militaire dirigée contre des jihadistes. À l’époque, on reprochait au régime syrien de prendre en otage les civils. Là, les Américains refusent d’admettre qu’il ont mis en danger des civils [sur son site, le 12 juin, la coalition a assuré que l’utilisation de bombes au phosphore blanc servait à "faire écran, masquer et marquer des endroits en prenant en compte les possibles effets accidentels que cela pourrait avoir sur les civils", mais précise que l’EI "continue à faire preuve d’un mépris flagrant envers les vies humaines innocentes ", NDLR]. À nos yeux, la vie des civils est sacrée, à Alep comme à Raqqa. Or, avec le nombre de civils tués par la coalition internationale depuis le début des opérations [945 au 1er mars 2017, selon le Réseau syrien des droits de l’Homme, 352 au 1er mai, selon la coalition internationale, NDLR], on ne peut plus parler de "victimes collatérales" !

C’est pour cela qu’une partie de l’opposition syrienne, dont je fais partie, a toujours été en faveur d’un soutien aux troupes au sol et non des bombardements, qui toucheront toujours plus des civils. De plus, ce genre d’images sert la propagande de l’EI, qui relaye massivement ces vidéos en tenant un discours de victimisation. Certains habitants peuvent même choisir de les rejoindre par réaction.

Selon l’Observatoire syrien des droits de l’Homme (OSDH), plus de 58 civils ont été tués depuis mardi 6 juin. Des vidéos similaires montrant des bombardements au phosphore blanc à Mossoul ont également été diffusées au début du mois de juin, à la suite d'une opération menée par l’armée irakienne, toujours avec l’appui de la coalition internationale.

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