Le cardinal George Pell fait une déclaration, le 29 juin 2017 au Vatican, à Rome

Le cardinal George Pell lors d'une déclaration, le 29 juin 2017, au Vatican, à Rome.

afp.com/Alberto PIZZOLI

Inculpé pour abus sexuels en Australie, son pays d'origine, le cardinal George Pell a annoncé son retour dans l'île pour se défendre. En tant que responsable des Affaires économiques du Saint-Siège, il est considéré comme le numéro trois du Vatican. La cité papale n'en finit pas d'être ébranlée ces dernières années par des affaires sexuelles, et notamment pédophiles, mais se soigne, explique à L'Express l'historien Philippe Levillain. Ce spécialiste de l'histoire contemporaine du Vatican a publié en 2015 La Papauté foudroyée (Tallandier).

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Faut-il déduire de l'affaire George Pell que le Vatican est loin d'en avoir fini avec les scandales sexuels?

Philippe Levillain: En tous cas, elle montre que le pape a l'intention d'aller jusqu'au bout lorsqu'il y a des éléments qui se placent en faisceau pour être assez graves, alors que certains dignitaires pensaient être protégés par leur robe et leur grade. Une logique inscrite dans les préoccupations majeures du Vatican depuis Benoît XVI, qui lui-même avait averti le pape Jean-Paul II de l'importance du phénomène de la pédophilie. Peut-être pas au niveau de la Curie ou du Sacré-Collège, mais dans le clergé.

Le pape François en fait-il vraiment plus que Benoît XVI?

Il fait plus, dans la mesure où il offre maintenant la possibilité de véritablement interroger et enquêter sur des personnages de haut-rang. Ce que Benoît XVI n'a jamais vraiment osé faire. La gestion du cas George Pell apparaît plus démonstrative, pour ne pas dire exemplaire.

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François a lancé une Commission pour la protection des mineurs en 2014, qui continue de travailler, et un tribunal des évêques en 2015.

Le pape a envie de mettre au point une redoutable machine judiciaire, de façon à ce qu'il n'y ait pas d'impunité au sein de l'Église en général, pour des actes qui auraient pu être prescrits. Il y a la volonté de mettre le clergé en face de ses responsabilités. Le sexe a toujours été un grave problème dans l'Église. Un tabou quant à l'emploi du mot, et un tabou quant aux dérives que le sexe pourrait susciter dans une société frappée par le célibat, la partition entre hommes et femmes et l'éducation des enfants par des aînés religieux. Il y avait un voile posé sur ces questions-là. Benoît XVI a levé le voile, et le pape François l'arrache en disant qu'il faut que les choses apparaissent telles qu'elles sont.

Le pape a été accusé mi-juin d'avoir protégé des prêtres accusés de pédophilie. Cela ne risque-t-il pas d'entacher son positionnement de "tolérance zéro"?

Il y a quand même un principe de précaution et de présomption d'innocence. Tout ne remonte pas directement vers le pape, il y a des filtres pour le décharger du souci permanent d'examiner ces cas très douloureux et brûlants. Ce ne peut pas être la préoccupation permanente de l'Église, même si cela reste une préoccupation majeure.

Que sait-on du travail de la Commission pontificale pour la protection des mineurs? La pédopsychiatre française Catherine Bonnet, qui en fait partie, a reconnu sa lenteur.

Cette lenteur est congénitale au Vatican. On établit en ce moment dans cette commission une grille de lecture de ce que représente la pédophilie depuis les premières affaires, il y a plus de 20 ans. Des affaires qui sont parties des États-Unis. La grille de lecture est très difficile car elle varie selon les civilisations, les congrégations religieuses, etc. Et chaque accusation a son langage. C'est très courageux, de la part du Saint-Siège, de prendre le sujet avec une volonté d'être aussi clair que possible dans le jugement et dans la préparation du jugement, même si cela arrive tard.

Une partie du Vatican semble encore opposée à une obligation réelle de signalisation de crimes sexuels à une autorité judiciaire.

Jusqu'à ce qu'éclatent ces accusations, le Vatican considérait qu'il avait une situation juridique propre, et que ces cas-là relevaient véritablement de l'autorité propre au Vatican, du droit canonique et des tribunaux ecclésiastiques. Dans le domaine sexuel, le secret fait partie du devoir de réserve de l'Église par rapport à sa volonté de compassion et de rédemption. Depuis Benoît XVI, suivi par le pape François, toute affaire doit être signalée aux autorités civiles, dès lors qu'elle relève autant du jugement civil que du jugement ecclésiastique.

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