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FRANCE

Ahmet Ogras, un Franco-Turc proche de l'AKP, prend la tête du CFCM

Le président du Conseil français du culte musulman (CFCM) sera pour la première fois, samedi, issu de la communauté musulmane franco-turque. Mais Ahmet Ogras, 46 ans et proche de l’AKP, fait d’ores et déjà grincer des dents.

Ahmet Ogras sera, à partir du 1er juillet 2017, président du Conseil français du culte musulman.
Ahmet Ogras sera, à partir du 1er juillet 2017, président du Conseil français du culte musulman. Joël Saget, AFP
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Le Conseil français du culte musulman (CFCM) sera pour la première fois dirigé par un Franco-Turc à partir de samedi 1er juillet 2017. Rien de surprenant à cela : depuis la réforme des statuts de cette institution chargée de représenter les musulmans de France, sa présidence est tournante et devait de longue date revenir en 2017 à un représentant de la communauté musulmane turque. Une passation qui soulève des questions, notamment autour de la personnalité du nouveau président, Ahmet Ogras.

Cet entrepreneur de 46 ans, né à Konya dans le centre de la Turquie et installé en France depuis l'enfance, est notamment critiqué pour sa supposée inexpérience dans le domaine cultuel, mais aussi et surtout pour ses liens avec le pouvoir turc. Des reproches qui résonnent particulièrement dans le contexte actuel de repli démocratique du régime de Recep Tayyip Erdogan, qui s’est encore accentué après le coup d’État manqué de juillet 2016.

Un businessman à la tête du CFCM

Depuis sa création en 2003, le CFCM a historiquement été dirigé par des figures issues de la communauté maghrébine, du fait, notamment, du passé colonial français. C’est pourquoi le profil d’Ahmet Ogras contraste avec ses prédécesseurs : Dalil Boubakeur (2013-2015), issu de la communauté algérienne, était recteur de la Grande mosquée de Paris, tandis qu’Anouar Kbibech (2015-2017), représentant de la communauté marocaine, avait pour lui un long parcours au sein des instances religieuses (il a notamment participé dans les années 1980 à l’édification de la Grande mosquée d’Evry et présidé le Conseil régional du culte musulman d’Île-de-France-Est). En comparaison, l’engagement religieux public d’Ahmet Ogras peut donc sembler tardif, au regard des responsabilités qui lui incombent à partir du 1er juillet.

"C’est un businessman sans formation théologique", explique à France 24 Emre Demir, journaliste turc et ancien rédacteur en chef de Zaman France, journal fermé après le coup d’État raté. "Il n’a pas les compétences" pour diriger le CFCM, renchérit Hikmet Turk, responsable de la mosquée de Pontoise (Val-d’Oise) cité par Libération. "Ogras connaît mal le tissu associatif, il est là à titre politique", assène enfin un autre imam de la région parisienne auprès de Jeune Afrique.

S’il n’a pas obtenu la tête très symbolique de l’instance représentative de l’islam de France grâce à son bagage religieux, alors à quoi Ahmet Ogras doit-il sa promotion ? En interne comme en externe, les observateurs sont unanimes : ses liens politiques avec Ankara lui ont effectivement été d’une grande utilité.

En 2011, il prend la tête du Comité de coordination des musulmans turcs de France (CCMTF), l’association censée assurer la liaison entre le ministère de l’Intérieur et l’antenne française de Ditib, l’émanation à l’étranger de Diyanet, le bureau des affaires religieuses du gouvernement turc. À l’époque, déjà, sa nomination surprise fait jaser : l’hypothèse d’une présidence tournante du CFCM prenant corps, il est élu président du CCMTF par "un vote à main levée et non à bulletin secret", précise à La Croix son prédécesseur, qui souligne qu’il s’agissait là d’une violation des statuts de l’association, ce qui l’a conduit à porter plainte.

Derrière ce mode de nomination peu orthodoxe semble se dessiner la main du pouvoir turc. Ahmet Ogras aurait en effet eu l’appui, selon Libération, de l’influent conseiller aux affaires théologiques de l’ambassade de Turquie à Paris. Ahmet Ogras est depuis longtemps acteur du lobbying turc en France. Il est ainsi l’un des fondateurs, en 2005, de l'Union des démocrates turcs européens (UETD), dont il reconnaît lui-même que Recep Tayyip Erdogan était l’instigateur, rapporte l’AFP. Cet organisme est un "paravent européen de l’AKP", selon Emre Demir. In fine, c’est Ogras qui dirigera l’antenne française de l’UETD.

"Contact person" de l’AKP

Les liens d’Ahmed Ogras avec Ankara semblent même plus profonds. "Ce n’est pas un secret qu’il y entretient des liens très importants, dont celui avec son beau-frère et sa belle-sœur, conseillers d’Erdogan au palais présidentiel, raconte Emre Demir. Il a des connaissances très claires au sein de l’AKP, il est d’ailleurs assez largement considéré par la communauté turque comme la 'contact person' de l’AKP."

Ahmet Ogras réfute plus ou moins fermement ces liens qu’on lui impute avec le pouvoir turc. "Je n’ai aucun lien personnel avec M. Erdogan", assure-t-il par exemple à Jeune Afrique avant de nuancer : "Mais c’est un homme ouvert à tous, qui vient du peuple et pour qui le peuple est sacré." Même genre de pirouette lorsque l’AFP lui pose la question : "Parmi les valeurs que mes parents m'ont inculquées, on respecte les autorités." Un respect qu’il tente de dissocier d’une allégeance que beaucoup lui attribuent.

L’arrivée d’Ogras à la tête du CFCM reste toutefois une victoire essentiellement symbolique pour Recep Tayyip Erdogan. Le Conseil reste une association dont le rôle est de chapeauter la galaxie associative musulmane et dont le fonctionnement est entravé par l’absence de financement public. Il est donc peu probable que le président turc obtienne par là un levier de pression plus important qu’il n’en disposait déjà. Il sera temps de faire le bilan de la présidence d’Ahmet Ogras, le 1er juin 2019.

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