Emmanuel Macron, hyper président : une mise en scène millimétrée

FAIT DU JOUR. Donner à voir... mais pas trop. La communication du président de la Répblique est calibrée, verrouillée, dans un souci de tout maîtriser.

    L'argument fut maintes fois avancé par l'équipe Macron durant la campagne présidentielle : «Quand vous allez dans un bon restaurant, le chef ne vous montre pas les cuisines !» Enfin si. Mais uniquement lorsque la visite est organisée. Ainsi va la communication du président de la République. La présidence «bavarde» de François Hollande, son prédécesseur, fait pour Macron figure d'anti-modèle. Lui président, il ne s'épanchera pas auprès des journalistes. Il les tiendra à bonne distance... à l'exception de quelques rares plumes choisies. Ou leur enjoindra, par la voix du porte-parole du gouvernement, de «ne pas chercher à affaiblir» tel ministre en difficulté.

    Donner du poids aux mots

    «Il souhaite avoir une communication pesée. Si on démultiplie la parole, on l'affaiblit», faisait valoir l'Elysée au moment de son installation au pouvoir. «Si vous ne verrouillez pas un peu les choses, vous obtenez une communication de bla-bla, comme celle de François Hollande, ou de copinage, comme celle de Nicolas Sarkozy. Le silence crée une attente et donne plus de poids à la parole présidentielle», applaudit Gérard Colé, qui a théorisé, avec Jacques Pilhan, la parole «jupitérienne» de François Mitterrand, lorsqu'il était à l'Elysée.

    Silencieux, Emmanuel Macron ne l'est pas tout à fait. Mais la parole du chef de l'Etat est -- excepté une interview récente donnée à la presse européenne -- pour l'heure réservée au cadre formel des discours et conférences de presse. Gare à l'imprudent qui poserait une question n'ayant pas trait au sujet du jour : «Je ne ferai pas de commentaire sur autre chose que ce pour quoi je viens», prévenait-il dès son tout premier déplacement... Ou comment éloigner les sujets qui fâchent. Pragmatique, un député admet : «On a un début de quinquennat qui, entre l'affaire Ferrand et le MoDem, aurait pu beaucoup plus déstabiliser le président de la République...»

    De l'avantage d'une communication directe, sans intermédiaire et sans contradicteur. Et à ce jeu, les réseaux sociaux constituent un relais idéal. «Ils présentent deux énormes avantages : l'audience et la capacité à contrôler entièrement la communication», reconnaît un cadre d'En Marche ! Les équipes Macron ont bien l'intention de mettre l'accent sur le Web. «Macron fait quelque chose qui est un peu à contre-courant, analyse un ancien membre de son équipe de campagne. Il utilise les réseaux sociaux pour une communication verticale. Ce n'est pas pour discuter, créer une complicité...» Innovation notable de ce quinquennat : quand il se déplace, le chef de l'Etat est systématiquement filmé par un membre de l'équipe numérique. Et suivi par sa photographe officielle, Soazig de La Moissonnière, laquelle s'inspire de l'Américian Pete Souza qui a scénographié la présidence Obama. Sur papier glacé, non plus, rien n'est laissé au hasard. Le couple Macron a confié sa communication visuelle à l'agence Bestimage, de Michèle Marchand, alias Mimi, la reine des people.

    Contrôler l'impact des photos

    Car il s'agit surtout de donner à voir. En près de deux mois de présidence, on ne compte plus les images qui ont alimenté la chronique. Macron tennisman dans un fauteuil roulant pour défendre la candidature de Paris aux JO, Macron serrant dans ses bras un garçonnet croisé à Oradour-sur-Glane, Macron montant quatre à quatre l'escalier de l'Elysée, c'est toute l'imagerie présidentielle qui a été repensée. L'intention est claire : apparaître moderne, cool, mais toujours président, comme lorsqu'il rend visite aux standardistes de l'Elysée ou organise le décor de sa photo officielle. «Il guide l'interprétation qu'il souhaite que l'on fasse de ces images. C'est une manière de répondre à des questions qu'il suggère lui-même, comme s'il donnait les sous-titres», analyse Christian Delporte, historien des médias.

    Le modèle a fait ses preuves outre-Atlantique. «Macron a un vrai exemple en ce qui concerne l'image et les réseaux sociaux, c'est Barack Obama, décrypte un membre de son équipe de campagne. Macron, c'est un personnage en tant que tel, avec un récit politique incarné.» Et le metteur en scène de sa présidence, à en croire Gérard Colé : «Le président a compris qu'à chaque fois qu'il sort du palais, il est producteur d'un spectacle.»

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