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L’incinération kafkaïenne du Prix Nobel de la paix Liu Xiaobo

Ses cendres ont été dispersées en mer deux jours après sa mort ; la vitesse avec laquelle l’affaire a été expédiée et la méthode ont laissé les amis du défunt sous le choc.

Par  (Pékin, envoyé spécial)

Publié le 15 juillet 2017 à 14h42, modifié le 16 juillet 2017 à 06h33

Temps de Lecture 3 min.

Une photo diffusée par le gouvernement chinois montre la dispersion en mer des cendres de Liu Xiaobo, près de la ville de Dalian.

Le corps du Prix Nobel de la paix Liu Xiaobo a été incinéré, samedi 15 juillet, et ses cendres ont été dispersées en mer, a annoncé son frère Liu Xiaoguang, lors d’une étrange conférence de presse à Shenyang, dans le Nord-Est chinois. Le moment a ulcéré les activistes chinois car l’aîné de l’intellectuel mort jeudi d’un cancer du foie a consacré la vingtaine de minutes devant les caméras à faire l’éloge du Parti communiste chinois (PCC).

Le même PCC que Liu Xiaobo a dénoncé toute sa vie et qui le jeta en prison pour « subversion » après qu’il eut rédigé en 2008 un manifeste en faveur de la démocratisation de la Chine.

« Je voudrais exprimer ma profonde gratitude au Parti communiste et au gouvernement car tout du long pour mon troisième frère Liu Xiaobo, du traitement à la crémation et à la dispersion en mer, tout le procédé a été une illustration et un symbole du souci humaniste et de l’attention du Parti et du gouvernement », a déclaré le frère du critique du régime. Sans que l’on sache quel moyen de pression l’a convaincu de défendre ainsi le « système socialiste » que son cadet a dénoncé sans relâche au prix de sa liberté.

Il était peu probable que l’appareil sécuritaire chinois laisse la famille enterrer l’un de ses pires ennemis, car une tombe aurait constitué un lieu de pèlerinage sensible. Mais la vitesse avec laquelle l’affaire a été expédiée et la méthode ont laissé les amis du Prix Nobel sous le choc. Son frère a expliqué qu’enterrer les restes du défunt « occuperait du terrain » et qu’il « faudrait des travaux » et déclaré à propos de cette méthode : « On ne peut pas dire que ce soit mauvais, mais ça ne se conforme pas bien aux concepts environnementaux du XXIe siècle. »

« Inhumain, une insulte, une honte, dégoûtant », a dénoncé l’artiste star chinois Ai Weiwei sur Twitter.

Le comité Nobel « profondément inquiet » du sort de son épouse

Pékin avait déjà refusé le transfert à l’étranger demandé par Liu Xiaobo lorsqu’il fut révélé en juin qu’il était atteint d’un cancer incurable. L’homme avait demandé à partir pour l’Allemagne, probablement pour rendre sa liberté à son épouse, en résidence surveillée à l’isolement depuis sa condamnation, en 2009.

Le comité Nobel norvégien s’est de nouveau dit « profondément inquiet » du sort de Mme Liu vendredi. Mais samedi, un responsable de la propagande du bureau de Shenyang, Zhang Qingyang, a soutenu sans vergogne que « Liu Xia [était] libre à présent » mais qu’en période de deuil « elle n’acceptera[it] plus les perturbations extérieures », selon l’Agence France-Presse. « Le gouvernement chinois protégera ses droits légitimes en tant que citoyenne chinoise », a ajouté M. Zhang.

Liu Xia, épouse du dissident, son frère, et les frères de Liu Xiaobo, se recueillent au crématorium, sur cette photo fournie par le gouvernement chinois.

Le gouvernement a montré des photos d’une cérémonie au crématorium. On y voit l’épouse de Liu Xiaobo, dont les activistes n’ont pas eu de nouvelles depuis trois jours, lunettes noires, réconfortée par son frère, à côté de l’aîné de son mari et de trois autres personnes.

Mais une autre image en contrechamp montre un groupe de personnes dont les militants des droits pensent qu’ils n’appartiennent pas à l’entourage du couple et sont plutôt des agents de la sécurité d’Etat. « Sur cette photo, il n’y a personne qui soit l’ami de Liu Xiaobo et Liu Xia », a constaté sur Twitter l’auteur et activiste Mo Zhixu. Ont également été diffusées des photos de la dispersion des cendres en mer près de la ville de Dalian.

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Une fois dites les louanges du parti unique, le frère a pu disposer. « Liu Xiaoguang est en grande peine, a dit l’interprète. Maintenant nous voudrions lui demander de se reposer. » Le frère a alors quitté la salle, une cigarette déjà à la bouche. Quelques journalistes ont tenté des questions – « Etes-vous libre ? » « Où se trouve actuellement Liu Xia ? » – toutes restées sans réponse.

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