De la verdure, des chaises en plastique, des tentes, des food trucks, de la musique et des mots. Tel est le cadre dans lequel le journalisme tente de se réinventer, l’été venu, dans des festivals qui sont en développement.
Jeudi 27 juillet s’ouvre la deuxième édition du Festival international du journalisme vivant de Couthures (Lot-et-Garonne), dont le Groupe Le Monde est désormais partenaire. Le week-end du 14 juillet, la ville d’Autun (Saône-et-Loire) a accueilli la première édition des Rendez-vous de juillet, organisés par les revues XXI et 6 mois – précédemment partenaires du Festival de Couthures. Début juin, la verte campagne de l’East Sussex, en Angleterre, avait hébergé la première édition du Byline Festival, un rassemblement largement consacré au journalisme et à l’information.
Jeunes, ces rendez-vous sont inspirés de prédécesseurs nés il y a une dizaine d’années en Italie. Le Festival de Pérouse, créé en 2006, et celui de Ferrare, lancé en 2007 par le journal Internazionale, ont réussi à durer. Ils accueillent chaque année des figures mondiales du journalisme et un public reçu gratuitement, grâce à l’aide des collectivités locales et de sponsors. Ce sont des lieux où l’on discute d’actualité, de nouvelles formes narratives, de démocratie…
Multiplication des rencontres
A leur image, les festivals plus récents sont à la confluence de trois tendances. La première est celle du « journalisme vivant » ou live journalism, qui repose sur le contact direct et l’oralité, voire la performance : des journalistes montent sur scène, racontent leur travail, décrivent leur relation à leurs sujets. C’est une façon de renouer le lien avec les lecteurs, de provoquer des rencontres, de miser sur le contact humain à l’heure de l’industrialisation des contenus. Les « journaux live » Pop-Up Magazine, aux Etats-Unis, ou Live Magazine, en France, en sont les illustrations les plus notables.
Deuxième tendance : l’interrogation citoyenne sur l’information. « Faut-il brûler les journalistes ? », comme on se l’est demandé à Autun ? Comment « informer à l’heure de la post-vérité », comme interrogent les Ateliers de Couthures ? Comment rendre la presse « honnête » ou moins « misogyne », comme on l’a évoqué à Byline ? « Nous avons vu à Autun beaucoup de gens jeunes, venus de tous horizons, très attentifs au journalisme, mus par l’envie que les choses changent », décrit Marie-Pierre Subtil, responsable de la programmation des Rendez-vous de juillet.
Troisième tendance : la quête de fidélisation, à l’heure où les médias cherchent à structurer leurs communautés de lecteurs, en cohérence avec l’essor des stratégies d’abonnement. Le Financial Times a ainsi multiplié, cette année, les rencontres entre ses abonnés et sa rédaction, sous le label intitulé « FT Engage ». Même démarche du côté du Guardian qui, à travers le développement du membership, offre à ses membres de participer à des rencontres avec des invités.
De son côté, Le Monde accorde à ses abonnés un accès préférentiel à son festival, qui connaîtra en septembre sa quatrième édition.
Modèle économique
Du côté de Rollin Publications, qui édite XXI et 6 mois, la relation avec les lecteurs se tourne désormais vers la coconception d’un nouveau projet éditorial, un hebdomadaire baptisé Ebdo. A Autun, ce nom – proposé par un lecteur – a été dévoilé, et un atelier a réuni des lecteurs pour réfléchir à l’identité éditoriale de ce nouveau journal attendu en janvier, que 900 « lecteurs pionniers » vont continuer à « coconstruire », selon Laurent Beccaria, directeur de la publication de XXI.
Au vu des affluences, ces festivals répondent à une aspiration : près de 5 000 personnes étaient venues à la première édition de celui de Couthures, et les Rendez-vous de juillet en ont accueilli 8 000, selon leurs organisateurs. Difficile toutefois d’aller plus loin sans perdre ce qui en fait la valeur, à savoir une échelle assez petite, parfois intime, garantissant la qualité des échanges.
Leur modèle économique n’est pas encore assuré. Bien que subventionnés à environ un tiers de leurs budgets par des collectivités locales, Autun et Couthures restent à ce stade déficitaires, même si Laurence Corona, la directrice du second, pense que cette deuxième édition sera financièrement « plus saine » que la première. Autre défi, celui de l’ancrage local et du lien avec les habitants, avec lesquels la greffe ne prend pas toujours facilement. XXI songe ainsi à intervenir à Autun plusieurs fois dans l’année, pour cultiver ce lien encore balbutiant.
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