- Les Décodeurs ont analysé la circulation d’une centaine de fausses informations, à partir d’un ensemble d’environ mille articles associés.
- Ces intox ont touché des dizaines de millions d’internautes sur les réseaux sociaux.
- Certains sites ont fait circuler jusqu’à 15 d’entre elles.
- Les médias traditionnels reprennent parfois de fausses informations, mais la grande majorité proviennent tout de même d’autres types de sources.
Pour alimenter le Décodex, nous avons identifié ces derniers mois un millier d’articles et de vidéos qui diffusent de fausses informations. Ce travail permet aux utilisateurs de nos extensions pour Google Chrome (à télécharger gratuitement en suivant ce lien) et Firefox (à télécharger ici) d’être avertis en temps réel lorsqu’ils lisent une de ces histoires mensongères. Mais il nous a aussi permis de construire une large base de données sur ces dernières ainsi que sur ceux qui les diffusent. En voici les grands enseignements.
Les fausses informations peuvent toucher des millions d’internautes
Il est toujours délicat d’évaluer la portée du phénomène des fausses informations. Combien d’internautes sont touchés par celles-ci ? A quelle fréquence ? Dans quelle proportion ceux qui les consultent sont-ils réellement influencés ?
Notre travail ne permet pas de répondre à ces questions en profondeur, mais il donne tout de même une idée de l’ampleur du phénomène. En analysant la circulation de 101 fausses informations, nous avons recensé 1 001 articles et vidéos qui les diffusent, sans compter les messages sur Facebook, Twitter, Reddit ou autres qui les font circuler (vous pouvez consulter toutes nos données à cette adresse et retrouver toutes les informations sur les fausses informations étudiées ici).
Impossible de savoir combien de lecteurs les ont consultés, mais un ordre de grandeur tout de même : ces liens ont généré environ 4,3 millions de partages sur Facebook, pour environ 16 millions d’« interactions » sur le réseau social (partages, mentions « j’aime » et autres, ainsi que les commentaires). Ce qui laisse supposer que ce corpus a suscité des centaines de millions, voire des milliards de visites sur les sites concernés.
Sur les 101 histoires que nous avons identifiées, les trois quarts (74) ont suscité plus de 10 000 interactions. Un chiffre déjà considérable.
Derrière les politiques, les fausses infos touchent de nombreux thèmes
Quand on entre dans le détail de la nature de ces fausses informations, on s’aperçoit que la politique est loin d’être le seul thème propice aux rumeurs. Seules deux places de notre « top 10 » des intox ont ainsi un lien avec la campagne présidentielle. La fausse histoire qui a le plus circulé est ainsi celle d’un Chinois qui aurait été « infesté par les vers » après avoir mangé des sushis. A elle seule, elle a généré plus de 3,5 millions d’interactions sur Facebook et a suscité au moins 40 articles différents.
Bien que nous ayons identifié 40 fausses informations liées à la politique, ces dernières ont moins fait réagir sur les réseaux sociaux que les 19 en lien avec la santé, notamment à cause de nombreux articles relayant de fausses affirmations sur la vaccination ou des conseils douteux en matière d’alimentation.
Il existe bien des « champions » de l’intox
Notre enquête permet également de mieux cerner ceux qui diffusent les fausses informations. A première vue, ces dernières semblent venir d’une masse très éclectique de sources, puisqu’on trouve pas moins de 665 différentes sur 1 001 articles. Rares sont ceux qui diffusent trois, quatre, cinq fausses informations, voire plus encore.
Seuls 16 sites ont fait circuler au moins six fausses informations, soit 2,4 % du total. En tête, on trouve le site très à droite Lagauchematuer.fr, qui a à lui seul fait circuler une quinzaine de fausses informations. Comme ce dernier, certains sites sont connus pour lancer des intox en tout genre, comme Wikistrike.com ou Stopmensonges.com. D’autres contribuent plutôt à diffuser largement ces rumeurs lorsqu’ils les reprennent, comme Fdesouche.com ou Russia Today.
Les médias « traditionnels » apparaissent aussi, mais dans de moindres proportions
L’une des remarques qui revient fréquemment lorsqu’on aborde le thème des fausses informations est que les médias traditionnels en produiraient également. Mais dans quelle proportion ? Pour tenter d’apporter des éléments de réponse, nous avons classé les différentes fausses informations de notre base de données dans trois grandes catégories :
- celles qui sont le fruit d’articles de médias « traditionnels » (8 fausses informations sur 101) ;
- celles qui proviennent de sources « alternatives » (74 sur 101) – une catégorie assez large qui regroupe des blogs de toutes colorations politiques et mélange des sites la plupart du temps rigoureux à d’autres clairement conspirationnistes ;
- celles qui proviennent au départ de sites satiriques ou parodiques, mais ont ensuite été reprises au premier degré (19 sur 101).
Si les médias traditionnels sont à l’origine d’une faible part des fausses informations, que nous avons repérées, ces dernières ne sont pas inoffensives pour autant, car elles sont beaucoup plus reprises que les autres.
Ainsi, la prétendue interdiction de porter le maillot du FC Barcelone en Arabie saoudite a, à elle seule, été rapportée par au moins 121 sources différentes. A l’inverse, les intox venues de sources alternatives sont souvent très peu reprises, encore moins même que celles des sites satiriques ou parodiques.
C’est d’ailleurs l’un des paradoxes mis en évidence par notre étude : les canulars de sites parodiques, même les plus grotesques, peuvent être repris le plus sérieusement du monde par d’autres sources.
Par exemple, la blague affirmant que de la viande humaine aurait été retrouvée dans des produits McDonald’s aux Etats-Unis. Partie d’un site satirique américain, Huzlers, elle a ensuite fait l’objet de reprises sur au moins 14 sources différentes, entraînant environ 100 000 interactions sur Facebook. Preuve qu’il n’est pas toujours inutile de s’interroger sur l’origine d’une information à laquelle on est confronté.
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