Menu
Libération
Profil

Annick Girardin, ministre «roots»

Arrivée aux Antilles dès jeudi, celle qui est chargée de l’Outre-mer se distingue du sérail politique.
par Laure Bretton
publié le 11 septembre 2017 à 20h46

Il est vrai que cela ne saute pas aux yeux. «Je vous assure, moi aussi je viens d'outre-mer», jure Annick Girardin aux curieux qui attendent François Hollande sous les palmiers de Pointe-à-Pitre (Guadeloupe), lors de la tournée présidentielle aux Antilles en mai 2015. Entre Christiane Taubira et George-Pau Langevin, natives de Guyane et de Guadeloupe, la secrétaire d'Etat au Développement et à la Francophonie de l'époque détonne. Fille d'un pêcheur reconverti boulanger, née à Saint-Malo il y a 53 ans, Annick Girardin a pourtant grandi et vécu toute sa vie à Saint-Pierre-et-Miquelon, confetti de France flottant au large de l'île canadienne de Terre-Neuve. La plus petite circonscription de France (6 300 habitants) dont l'élue radicale de gauche, entrée en politique à 36 ans, deviendra députée en 2007.

Des airs de Betty Boop

Car Annick Girardin, qui a le tutoiement facile, n'est pas du sérail et s'en réjouit. Ni Sciences Po, ni ENA : diplômée «éducation populaire et jeunesse». Très jeune mère – elle était lycéenne quand sa fille Anne-Claire est née –, devenue jeune grand-mère, elle a des airs de Betty Boop qui aurait pris des cours de taekwondo, un art martial auquel elle s'est essayée. Après ses fonctions au Quai d'Orsay, Annick Girardin héritera du portefeuille de la Fonction publique avant de faire ses malles en mai dernier. Pas fâchée de rentrer dans son archipel, où vivent son compagnon et sa fille, après tant de soirées studieuses et solitaires dans son 30 m2 parisien.

Le bail est résilié mais le téléphone sonne. Edouard Philippe lui propose de faire partie du gouvernement, sans préciser à quel poste. C'est niet. Mais Emmanuel Macron, l'homme du «ni droite ni gauche», a besoin de ministres qualifiés et, surtout, d'alliés ne venant pas seulement du Modem. Femme, expérimentée et pilier du PRG, Annick Girardin coche beaucoup de cases. Le chef de l'Etat revient à la charge, lui offrant l'Outre-mer, le rêve de cette domienne qui aurait bien récupéré (aussi) le portefeuille de la Mer, que Nicolas Hulot ne veut pas lâcher. Du coup, elle demande un temps de réflexion, se voit gratifier de 15 minutes, en prendra 40. «J'ai exagéré, comme d'hab», s'esclaffait la ministre, fin juillet, en racontant sa nomination. Elle sera la seule rescapée, avec Jean-Yves Le Drian, du quinquennat Hollande.

Mode commando

Trois mois après, elle affronte deux ouragans et une polémique sur la gestion, supposée défaillante, de l’Etat. Cela fait presque une semaine qu’elle est sur place, arrivée, juste après Irma, en mode commando qu’elle affectionne. Au plus fort de l’épidémie d’Ebola, elle était allée inaugurer un centre de traitement français en Guinée, revenant avec une fièvre et la hantise d’avoir contaminé ses collègues européens croisés à Bruxelles peu après son retour.

Aux Antilles, elle est partie avec un officier de sécurité, un chauffeur et c'est tout, «pour ne pas utiliser les moyens de l'Etat sur place». «Elle est "roots"», vante son équipe. «Quand on ne vit pas les choses, on ne peut pas les comprendre», insiste la ministre, dégommant les critiques qui percolent en métropole. Pour elle, «on ne peut pas savoir ce qu'est un théâtre de guerre avec trois photos depuis un salon parisien».

Pour aller plus loin :

Dans la même rubrique